EPU95-Montmorency

Gastro-entérologie

 Mise à jour du 10 Mai 2007*

Pancréatites aiguës

Pr. Philippe Lévy

Hépato -gastroentérologue de l’hôpital Beaujon (Clichy)

Membre expert de Conférence de Consensus

Séance du 6 juin 2002

 

1.   Généralités

La pancréatite aiguë (PA) nécessite une prise en charge multidisciplinaire impliquant gastro-entérologues, chirurgiens, réanimateurs, radiologues, urgentistes et biologistes. Aux différents niveaux de la prise en charge d’une PA, des motifs de controverses sont souvent soulevés.

Sur de nombreux points de litige, des études souvent randomisées sont maintenant disponibles. Il paraissait opportun d’essayer de dégager un consensus sur les pratiques recommandables en matière de prise en charge de la PA.

2.   epidémiologie

2.1. L’enquête d’incidence

Elle a été effectuée du 1 au 30 avril 2000 auprès de l’ensemble des gastro-entérologues, anesthésistes réanimateurs, chirurgiens français a permis de recueillir 998 dossiers correspondant à 898 malades différents.

2.2. Résultats

Elle montre :

4    Un taux d’incidence à 22 pour 100 000 Français de plus de 15 ans (affection peu fréquente).

4    Un âge médian de 54 ans avec cependant 2 pics

o        Un pic à 40-45 ans avec pour origine l’alcool chez les hommes

o        Un pic à 60-65 ans d’origine biliaire chez les femmes

4    Une prédominance masculine : 60 %.

4    Présentation clinique

o        Dans 72% des cas, il s’agissait d’une poussée inaugurale

o        Dans 15% une pancréatite chronique sous-jacente était connue et 90 % d’entre eux avaient présenté antérieurement une poussée de PA.

4    Une cause pouvait être identifiée dans 84% des cas avec 2 étiologies majeures :

o        La lithiase biliaire dans 37% (femmes),

o        L’alcoolisme dans 36 % (hommes)

o        Parmi les petites causes 2 sont à souligner :

§         Les médicaments dans 2,3 %

§         Les tumeurs pancréatiques dans 1,7 %.

4    Type

o        La forme nécrosante correspondait à 40% des cas

o        Dans 60%, il s’agissait de forme œdémateuse bénigne (80% des cas dans certaines séries de la littérature).   Les formes œdémateuses justifient un traitement simple.

4    Prise en charge

o        30% des malades séjournaient en soins intensifs dont 1/3 nécessitaient une assistance respiratoire.

o        Une intervention chirurgicale (cholécystectomie exclue) a été réalisée chez 10,5 % des malades

o        6,1 % faisaient l’objet d’un drainage percutané de la nécrose sous contrôle radiologique.

o        Une sphinctérotomie endoscopique était réalisée chez 35 % des malades avec PA biliaire.

4    Une mortalité globale de 3,7%, essentiellement due à des PA sévères.

Ces données (incidence, étiologies, gravité) de l’enquête française rejoignent la plupart des statistiques internationales récentes (Grande-Bretagne, Allemagne, Danemark, USA).

3.   Rationnel de la conférence de consensus

3.1. L’enquête déclarative

Elle a été réalisée parallèlement auprès de services de chirurgie, médecine et réanimation d’établissements de soins publics et privés français.

Sur les 450 services contactés, 215 ont répondu.

3.2. Résultats

Cette enquête a montré la très grande variété des pratiques en ce qui concerne :

4    les méthodes diagnostiques employées,

4    l’utilisation des scores de gravité,

4    les différentes techniques d’imagerie pour le diagnostic d’origine biliaire de la PA,

4    les critères de transfert en réanimation,

4    les principales options thérapeutiques (indications de la sphinctérotomie endoscopique, modalités de la nutrition artificielle, pratique de l’antibiothérapie prophylactique, ponction de la nécrose et traitement de la nécrose infectée).

4    la différence de comportement entre les représentants des différentes spécialités (gastro-entérologues, chirurgiens, réanimateurs) dans la prise en charge de cette affection, quel que soit leur établissement d’exercice.

3.3. Le jury de la Conférence de Consensus

Il s’est déroulée en janvier 2001 a eu à répondre aux 6 questions :

1 Comment faire le diagnostic positif et étiologique ?

2 Comment et à quel moment établir la gravité d’une pancréatite aiguë ?

3 Comment prendre en charge les formes non compliquées ?

4 Comment prendre en charge les formes compliquées ?

5 Comment traiter une pancréatite aiguë biliaire ?

6 Peut-on prévoir et prévenir la pancréatite aiguë post cathétérisme pancréatique rétrograde (CPRE) ?

En voici les réponses.

4.   COMMENT FAIRE LE DIAGNOSTIC POSITIF ET ÉTIOLOGIQUE ?

4.1. Diagnostic positif de la pancréatite aiguë

4.1.1. Dans les cas typiques

Les douleurs abdominales

Elle sont présentes dans près de 100 % des cas.

4    Le début des douleurs représente l’événement inaugural

4    Elles sont évocatrices quand elles sont épigastriques, d’intensité majeure, transfixiantes ou irradiant vers les 2 hypochondres, s’installant de façon rapidement progressive, permanentes.

4    Elles atteignent leur maximum d’intensité en quelques heures et se prolongent au-delà de 24 heures.

Les autres signes cliniques

Ils ne sont pas spécifiques de PA :

4    Nausées, vomissements et arrêt des matières et des gaz traduisent l’iléus (70 à 90 %).

4    Les signes généraux sont plus des signes de gravité de la PA que des signes diagnostiques (fièvre, tachycardie, hypotension, défaillance d’organes).

L’examen abdominal

Il n’est pas spécifique.

La lipasémie

Le dosage de la lipasémie a une sensibilité (94 %) et une spécificité (96 %) supérieure à celles de l’amylasémie et son élévation est plus prolongée.

4    Un taux de 3N est considéré comme valeur seuil significative pour ces 2 enzymes.

4    Si la lipasémie peut être obtenue en urgence, elle seule sera demandée.

4    On ne doit faire un dosage de la lipasémie que chez les malades ayant une douleur abdominale aiguë évocatrice de PA.

Lorsque le diagnostic de PA est porté sur des signes cliniques et biologiques, il n’y a pas lieu de réaliser en urgence un examen d’imagerie pour le confirmer (+++)

4.1.2. En cas de doute diagnostique de Pancréatite aiguë

La tomodensitométrie (TDM).

L’examen de référence en urgence est la tomodensitométrie.

4    Elle peut établir le diagnostic de PA dans des situations cliniques difficiles : troubles de la conscience, période post-opératoire, malades vus tardivement.

4    Elle permet le diagnostic différentiel chez des malades ayant des signes atypiques d’occlusion ou de perforation avec une valeur diagnostique largement supérieure à celle des clichés de l’abdomen sans préparation.

4    Elle nécessite l’injection de produit de contraste iodé pour mettre en évidence la nécrose pancréatique. Attention ! à leur toxicité en particulier lors de leur emploi chez l’insuffisant rénal ou d’examens rapprochés.

L’échographie abdominale

Elle peut aider au diagnostic, lorsqu’on ne peut recourir en urgence à la TDM. Dans ces conditions elle est toujours d’interprétation difficile mais elle ne permet d’explorer la région pancréatique que dans près de 40 % des cas. Elle apporte des éléments au diagnostic. Elle peut montrer :

4    Une augmentation du volume du pancréas, parfois associée à des remaniements péri-pancréatiques ou à un épanchement péritonéal

4    Une lithiase vésiculaire, éventuellement cholédocienne difficile à mettre en évidence si la VBP n’est pas dilatée.

Sa sensibilité pour le diagnostic de PA est de 60 à 92 % alors que sa spécificité est proche de 90 %.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM)

Elle est supérieure à la TDM dans l’analyse des signes morphologiques pancréatiques et extra-pancréatiques. Elle pourra la remplacer utilement en particulier chez les malades avec ou à risque d’insuffisance rénale car elle utilise un produit de contraste (gadolinium) de très faible toxicité. Actuellement le parc d’IRM est insuffisant.

4.2. Diagnostic étiologique

4.2.1. Le diagnostic de pancréatite aiguë biliaire

Les arguments

Le diagnostic de l’origine biliaire d’une PA est essentiel du fait de sa fréquence (40%) et de l’existence d’un traitement spécifique. Les arguments cliniques et biologiques en faveur d’une cause lithiasiques sont :

4    L’âge supérieur à 50 ans

4    Le sexe féminin (2 fois plus fréquent).

4    Le meilleur marqueur biologique est l’élévation des ALAT qui doivent être dosées précocement (dans les 24 heures). Au seuil de 3N, leur valeur prédictive positive est de 95%.

4    L’élévation de la bilirubine témoigne plus d’un obstacle cholédocien que de l’origine biliaire de la PA.

Même en l’absence de ces arguments, la recherche de l’origine biliaire doit être effectuée :

4    Soit en urgence si l’on envisage de traiter une lithiase cholédocienne,

4    Soit à distance pour rechercher une lithiase vésiculaire et poser l’indication d’une cholécystectomie

L’imagerie médicale

La TDM, bien qu’elle puisse objectiver une lithiase vésiculaire ou cholédocienne, sa valeur prédictive négative est faible.

La sensibilité de l’échographie pour le diagnostic de la lithiase cholédocienne est faible (30 %). Elle est plus élevée pour le diagnostic de lithiase vésiculaire (90 %) sauf à la phase initiale du fait de l’iléus (67 %). Il est donc recommandé de répéter l’échographie avant de demander des examens plus complexes. Une échographie vésiculaire normale n’exclut pas l’origine biliaire de la PA +++.

L’échoendoscopie est proposée en cas de négativité des explorations précédentes. Sa sensibilité et sa spécificité sont proches de 100 % pour le diagnostic de lithiase de la VBP (y compris pour les calculs millimétriques) et supérieures à 96 % pour les calculs vésiculaires de petite taille.

La cholangio-IRM est une méthode non invasive pour l’instant non utilisable pour la raison vu précédemment concernant l’IRM

La CPRE peut être indiquée en urgence dans un but thérapeutique.

4.2.2. Quel bilan devant une pancréatite aiguë probablement non A non B ?

En France, l’alcool (A) et la lithiase biliaire (B) sont les 2 causes les plus fréquentes de PA qui représentent chacune 40% des cas. Environ 20% des PA ne sont ni d’origine alcoolique ni d’origine biliaire.

L’exhaustivité et la répétition du bilan étiologique avec réalisation des examens morphologiques les plus performants, notamment en cas de PA récidivante, sont susceptibles de diminuer le pourcentage de PA réellement idiopathiques +++. Il existe encore actuellement une difficulté :

4    A éliminer une origine biliaire dans certaines lithiases millimétriques même avec l’échoendoscopie

4    A porter le diagnostic de PA alcoolique notamment lors de l’épisode inaugural aigu d’une pancréatite chronique débutante.

L’interrogatoire et le contexte clinique permettent d’emblée d’évoquer certaines causes :

4    PA iatrogènes : post-opératoires, traumatiques, post CPRE

4    PA médicamenteuse de l’ordre de 2 %.

o        Fréquemment asymptomatique hormis les cas de manifestations de type immuno-allergique.

o        L’imputabilité intrinsèque repose sur des critères chronologiques cohérents (administration, arrêt et réintroduction du médicament) et sur l’élimination des autres causes de PA..

4    PA infectieuses peuvent être bactériennes, virales ou parasitaires. Dans le cas du VIH, le mécanisme de la PA peut être multiples (infection opportuniste, tropisme pancréatique du VIH,  médicamenteuse).

4    PA d’origine métabolique :

o        Primitive ou secondaire à l’alcoolisme

o        Hypercalcémie : hyperparathyroïdie, iatrogénie par prise de vitamine D, paranéoplasie

4    PA associées aux maladies inflammatoires ou dysimmunitaires : Maladie de Crohn, gastroentérite à éosinophiles, lupus érythémateux, vascularites.

4    PA par obstruction en particulier néoplasique (2 %) ++. L’échoendoscopie et/ou CPRE (la CPRE est réservée aux PA récidivantes en raison de sa morbidité potentielle) rechercheront :

o        Des anomalies canalaires débutantes ou un ampullome papillaire,

o        Un adénocarcinome pancréatique révélé dans 3 à 9 % des cas par une PA,

o        Une tumeur intra-canalaire papillaire et mucineuse révélée dans 20 à 60 % des cas par une PA,

o        Une sténose ou un dysfonctionnement du sphincter d’Oddi.

4    PA d’origine génétique chez un sujet jeune

Au terme de ce bilan initial qu’il faudra répéter dans les formes récidivantes, un certain nombre de PA demeurent idiopathiques.

5.   LA GRAVITÉ D’UNE PANCREATITE AIGUE

5.1. Le contexte

La pancréatite aiguë grave est définie par l’existence :

4    d’une défaillance d’organe

4    et/ou par la survenue d’une complication locale à type de nécrose, d’abcès ou de pseudokyste.

Elle est associée à une mortalité de 30 %.

Les éléments d’appréciation de la gravité doivent permettre d’atteindre au moins un des objectifs suivants :

4    Orienter les malades graves vers un service de réanimation, ++

4    Identifier, en cours d’hospitalisation, les patients dont la prise en charge sera différente (surveillance accrue, examens ou traitement spécifiques), ++

4    Permettre la définition de cohortes de malades homogènes statistiquement comparables.

5.2. Les Critères de gravité

Les critères de gravité sont regroupés en 5 catégories :

5.2.1. Le terrain :

4    l’âge > 80 ans (indépendamment des scores biocliniques spécifiques

4    l’obésité avec un indice de masse corporelle > 30,

4    l’insuffisance rénale chronique,

4    les autres insuffisances organiques préexistantes

5.2.2. Les scores gravité à l’admission

Le score de Ranson et d’Imrie

Ils sont spécifiques et facilement réalisables (cf. tableau). Ils ont 2 inconvénients :

4    ils ne peuvent être établis que 48 h après l’admission

4    ils reposent sur des critères de gravité historiques.

Leurs performances sont insuffisantes à l’échelon individuel (70 à à 80 % de malades bien classés).

 

Score de Ranson (1 point par item)

Score d’Imrie (1 point par item)

A l’admission ou au moment du diagnostic

Age > 55 ans

Globules blancs > 16 G/L

Glycémie > 11 mmol/L

LDH > 350 U/l  (1,5N)

ASAT > 250 U/l (6N)

Durant les 48 premières heures

Baisse de l’hématocrite > 10 %

Ascension urée sanguine > 1,8 mmol/L

Calcémie < 2 mmol/L

PaO2 < 60 mm Hg

Déficit en bases > 4 mmol/L

Séquestration liquidienne estimée > 6 L

 

A l’admission ou au moment du diagnostic

Age > 55 ans

Globules blancs > 15G/L

Glycémie > 10 mmol/L (sauf diabète)

LDH > 600 U/l (6 N)

Urée sanguine > 16 mmol/L

Calcémie < 2 mmol

PaO2 < 60 mm Hg

 

 

Le score APACHE

Il est non spécifique. C’est un score de réanimateur, validé sur un grand nombre de malades et utilisable pour l’évaluation du pronostic au jour le jour. Ses performances sont insuffisantes à l’échelon individuel.

Il est peu utilisé en France.

5.2.3. L’existence d’une défaillance d’organes

Elle est évaluée avec des critères :

4    Hémodynamiques : fréquence cardiaque, TA, perfusion cutanée

4    Respiratoires : fréquence respiratoire, SO2, gaz du sang sous air ou avec une fraction d’O2 connue

4    Neurologiques : confusion, agitation, somnolence

4    Rénaux : diurèse, créatinémie.

Pour prendre en compte les dysfonctions d’organes plusieurs scores sont disponibles dont le score « SOFA ».

5.2.4. Les marqueurs biologiques indépendants

La CRP

C’est le marqueur le plus intéressant :

4    Elle a une valeur pronostique négative de 94 % si le taux est < 150 mg/L à la 48e heure après l’admission.

4    Son augmentation au cours de l’évolution doit faire rechercher une aggravation locale.

Il n’y a pas de seuil de CRP formellement admis pour définir une PA grave.

L’interleukine 6 (IL-6)

 C’est aussi un excellent marqueur de la réponse inflammatoire et elle est précocement augmentée en cas de PA.

5.2.5. Les éléments morphologiques de gravité sont obtenus par la TDM

Le contexte

L’examen de référence est la TDM hélicoïdale avec injection de produit iodé :

4    L’examen initial est au mieux réalisé 48 à 72 heures après le début des signes car réalisé trop tôt les lésions peuvent être sous-estimées.

4    Sa sensibilité est de plus de 80 % pour le diagnostic de nécrose avec un taux faible de faux négatifs (3 à 20 %) selon l’étendue de la nécrose.

4    La spécificité des signes TDM dépend essentiellement de l’importance de la nécrose (100 % si la nécrose atteint 30 % de la glande, 50 % seulement pour des lésions nécrotiques moins étendues.

4    La TDM est moins performant à préciser la nature des coulées extra-pancréatiques ne sachant pas différencier œdèmes, hémorragies et nécrose.

4    La TDM est réalisée tous les 10 à 15 jours si la gravité persiste ou en cas d’aggravation suspecte de complication.

Les signes de gravité

Ils sont représentés par l’inflammation pancréatique et son extension péri-pancréatique (décrits en 1985 par Balthazar), et l’importance de la nécrose pancréatique (décrits en 1990 par le même auteur).

La quantification de ces 2 éléments permet d’établir un « index de sévérité tomodensitométrique » ; score total maximum : 10 pts.

 

Index de sévérité tomodensitométrique

Inflammation pancréatique et péri-pancréatique

Nécrose pancréatique

Grade A

Pancréas normal (0 pt)

 

Pas de nécrose* (0 pt)

Grade B

Elargissement focal ou diffus du pancréas (1 pt)

 

Nécrose < 30 % (2 pts)

Grade C

Pancréas hétérogène associé à une densification de la graisse péri-pancréatique (2 pts)

 

Nécrose 30 à 50 % (4 pts)

Grade D

Coulée péri-pancréatique unique (3 pts)

 

Nécrose > 50 % (6 pts)

Grade E

Coulées multiples ou présence de Bulles de gaz au sein d’une coulée (4 pts)

 

 

Certains éléments ne sont pas intégrés dans l’index de sévérité, mais ils méritent d’être mentionnés même si leur valeur pronostique n’est pas validée : ascite, épanchement pleural, siège de la nécrose qui serait plus grave au niveau céphalique.

Valeur pronostic de l’index

 

Index de sévérité

Morbidité %

Mortalité %

< 3

4 –6

7-10

8

35

92

3

6

17

 

5.2.6. L’IRM

Elle donne des résultats morphologiques comparables, mais elle précise mieux les zones de nécrose et d’hémorragie et l’inflammation péri ou intra-pancréatique.

Son utilisation est limitée par l’insuffisance du parc IRM.

5.3. Utilisation des critères de gravité

Jusqu’à la 48ème heure après l’admission, l’évaluation de la gravité est fondée sur la recherche d’une défaillance viscérale appréciée sur des éléments simples ou par l’utilisation d’un score SOFA.

L’utilisation d’un score bioclinique spécifique d’évaluation de la gravité de la PA est recommandée à la 48e heure.

La réalisation d’une TDM à visée pronostique est recommandée entre la 48e et la 72e heure après le début des douleurs.

Aucun élément d’évaluation n’est à lui seul suffisant pour prédire la gravité de l’évolution.

La stratégie recommandée par le jury de la conférence de consensus dans l’utilisation des scores de gravité est résumée dans le tableau ci-dessous.


 

Stratégie d’évaluation de la gravité d’une pancréatite aiguë

Malade à risque 

Surveillance renforcée 

Défaillance viscérale 

Terrain,

CRP > 150mg/L,

Ranson ou Imrie >3

Index TDM ≥ 4

Clinique pluri-quotidienne

Biologique

créatinine,

SpO2,

hémogramme quotidien,

CRP bi-hebdomadaire

Radiologique

TDM tous les 10 à 15 jours

Créatinine > 170,

TA < 90

PaO2 < 60 mm Hg,

Glasgow < 13,

Plaquettes <80G/L

 

6.    PRise EN CHARGE dES FORMES NON COMPLIQUÉES

6.1. L’environnement

C’est le cas pour 60 à 80 % des malades. Cependant, tout malade porteur d’une PA doit être hospitalisé :

4    L’examen initial ne permet pas de déterminer avec certitude les formes qui, bien que se présentant initialement comme peu sévères, peuvent évoluer secondairement vers une forme compliquée.

4    La douleur et les troubles digestifs peuvent nécessiter une intervention médicale répétée.

L’hospitalisation doit se faire dans des services de médecine ou de chirurgie spécialisée en pathologie digestive disposant des moyens :

4    Equipe médico-chirurgicale spécialisée.

4    Possibilité de transfert rapide en réanimation.

4    Proximité d’un service de radiologie équipé d’un scanner et de moyens de radiologie interventionnelle

4    Disponibilité d’une endoscopie bilio-pancréatique.

6.2. Surveillance et mesures générales

Les malades atteints de PA non compliquée doivent être évalués cliniquement plusieurs fois par jour (détection de signe d’aggravation).

Sont sans intérêt : le dosage itératifs de la lipasémie, le renouvellement de la TDM si elle a été réalisée initialement.

Des apports hydro-électrolytiques importants sont justifiés (iléus réflexe, vomissements) pour éviter une déshydratation et la survenue de désordres hémodynamiques, rénaux et métaboliques.

6.3. Traitement de la douleur

Douleur et efficacité du traitement doivent être évaluées de façon objective : échelle visuelle analogique.

L’aspirine est contre-indiquée : rôle sur l’hémostase, possibilité de geste interventionnel.

Le paracétamol peut être suffisant, mais doit être utilisé avec prudence chez les malades alcooliques.

La morphine et ses agonistes purs sont les antalgiques de choix pour les douleurs importantes, sous réserve d’une surveillance conforme aux recommandations habituelles. L’analgésie contrôlée par le malade est une modalité bien adaptée au traitement de la douleur des PA.

6.4. Aspiration gastrique et alimentation orale

Aspiration

La mise en place d’une sonde naso-gastrique d’aspiration est réservée exclusivement aux malades présentant des vomissements répétés.

Le jeûne

Il s’impose souvent en raison des douleurs et de l’intolérance gastrique. Il ne doit pas être prolongé. L’alimentation orale est reprise progressivement après une période de 48 heures sans douleurs. Une lipémie < à 3N semble un bon critère pour la reprise de l’alimentation orale. La mise en route d’une nutrition artificielle est inutile si la reprise de l’alimentation se fait avant le 7e jour.

6.5. Autres traitements

On peut recommander une prévention des complications thrombo-emboliques habituellement proposées en chirurgie digestive, bien qu’il n’y ait aucun essai clinique spécifique.

Une antibiothérapie prophylactique n’est pas justifiée.

Il n’y a pas d’indication des antisecrétoires gastriques (la seule indication serait l’existence de défaillance viscérale qui n’entre pas dans ce cadre), ni de la somatostatine, ou des extraits pancréatiques : absence d’études montrant leur bénéfice.

Prise en charge étiologique

Dans ces formes non compliquées, l’enquête étiologique doit être réalisée dès que possible mais sans urgence.

Une éventuelle lithiase biliaire responsable doit être traitée au cours de la même hospitalisation.

7.    PRise EN CHARGE dES FORMES COMPLIQUÉES ?

7.1. Complications générales

7.1.1. Traitements spécifiques

Actuellement il n’existe pas de traitements spécifiques ayant pour objectifs de s’opposer à l’auto-digestion enzymatique du pancréas, de contrôler la sécrétion pancréatique ou de neutraliser les médiateurs de l’inflammation.

7.1.2. Défaillances viscérales

La PA peut se compliquer de défaillance viscérale dont la fréquence augmente parallèlement à la sévérité de la maladie, mais sans lien avec l’étendue de la nécrose et dont le traitement n’est pas spécifique.

Les défaillances respiratoires

Le syndrome de détresse respiratoire de l’adulte (SDRA) est la forme la plus sévère de l’atteinte respiratoire au cours de la PA.

Elle peut aussi être secondaire aux épanchements pleuraux ou à une altération spécifique de la cinétique diaphragmatique, responsable d’atélectasies des bases.

Les épanchements pleuraux ou abdominaux symptomatiques doivent être drainés.

Les défaillances circulatoires

Elles comportent :

4    lL plus souvent une hypovolémie en rapport avec l’iléus intestinal, les épanchements intra-péritonéaux et les troubles de la perméabilité capillaire.

4    Un choc hyperkinétique est fréquent.

4    Un remplissage vasculaire important permet de maintenir une perfusion viscérale correcte pour prévenir les défaillances hépatiques ou rénales en particulier.

L’atteinte hépatique

Elle st souvent liée à une défaillance circulatoire sévère.

L’insuffisance rénale

Elle est souvent de nature fonctionnelle, mais elle peut être liée à une nécrose tubulaire ou à une autre atteinte organique.

La nécessité d’une hémodialyse est de pronostic péjoratif. Aucune technique d’épuration extra rénale n’a fait la preuve de sa supériorité.

Les troubles de l’hémostase

Ils sont fréquents, en particulier la coagulation intra-vasculaire disséminée « CIVD ».

L’augmentation de la pression abdominale

Elle est observée lors d’un syndrome compartimental abdominal, peut contribuer à la survenue ou à l’aggravation de ces différentes défaillances et justifier la surveillance de la pression abdominale.

7.1.3. Modalités de la nutrition artificielle

La voie entérale

Si elle est réalisable, elle doit être privilégiée du fait de sa bonne tolérance et qu’elle est peu douloureuse, son moindre coût, sa moindre morbidité que la nutrition entérale, et pour une efficacité équivalente :

4    En site jéjunal à l’aide d’une sonde naso-jéjunale.

4    La mise en place d’une jéjunostomie doit être discutée si le malade doit être opéré pour une autre raison.

La voie parentérale

Elle reste indiquée en complément de la nutrition entérale si les objectifs d’apports ne sont pas atteints ou en remplacement de celle-ci, si elle n’est pas tolérée et permet une nutrition précoce (48 premières heures).

Les besoins énergétiques varient selon la gravité de la PA :

4    60 % des malades présentent un hypercatabolisme : 1,5 fois la dépense énergétique de base.

4    40 % sont normo ou hypométaboliques.

Les principes généraux sont ceux recommandés pour la nutrition des malades agressés (conférence de consensus, 1988) :

4    Les lipides ne sont pas contre-indiqués sauf en cas d’hypertriglycéridémie importante.

4    Les besoins azotés sont élevés, de l’ordre de 0,25 à 0,30 g par kg et par jour

4    Une supplémentation en micronutriments (vitamines A,C,E, sélénium), en zinc et en glutamine (pool diminué dans les formes sévères de PA.

7.2. Complications locales : la nécrose pancréatique

7.2.1. Définition

La nécrose pancréatique est définie anatomiquement comme une (des) zone(s) de parenchyme pancréatique non viable focalisée(s) ou diffuse(s), éventuellement localisée(s) en périphérie glandulaire et éventuellement associée(s) à une nécrose graisseuse péri-pancréatique.

Cette définition correspond à l’examen microscopique à une destruction du réseau capillaire des cellules glandulaires, des canaux excréteurs et de la graisse péri-lobulaire. Macroscopiquement, la nécrose a un aspect d’étoupe, siégeant le plus souvent dans un liquide séro-hématique.

Actuellement la définition d’imagerie supplante la précédente, car utilisable dès le diagnostic et lors de l’évolution. La nécrose est évoquée devant la présence de zones qui ne se rehaussent pas après injection de produit de contraste.

Deux examens permettre de définir et de suivre la nécrose pancréatique : la TDM avec injection de produit iodé, l’IRM avec injection de gadolinium.

7.2.2. Evolution de la nécrose

Le risque infectieux

L’évolution de la nécrose pancréatique est dominée par le risque d’infection secondaire (30 à 70 % des cas)  +++ :

4    C’est la plus grave des complications locales.

4    On estime que plus de 80% des décès par PA sont dus aux complications septiques locorégionales.

4    La probabilité de survenue de l’infection semble proportionnelle à l’étendue de la nécrose.

La contamination est due le plus souvent à des germes Gram négatif d’origine intestinale (Eschericia coli), mais aussi Gram positif (Staphylococus aureus), voire des levures (Candida sp). Elle se fait par translocation d’origine colique, par contiguïté ou par voie sanguine.

La survenue de l’infection

Le risque existe dès la première semaine. Il augmente progressivement pour atteindre un taux de 36 à 47% à la deuxième semaine. Le risque maximum de 60 à 70 % est atteint à la 3e semaine d’évolution, puis décroît.

En l’absence de surinfection, après la 4e semaine

La nécrose évolue vers la résorption complète dans plus de 50 % des cas.

Elle peut évoluer vers la constitution de pseudokystes ou d’abcès pancréatiques par surinfection tardive. La nécrose peut évoluer vers les organes de voisinage

4    Par infiltration des mésos par l’œdème ou par les coulées, vers la racine du mésentère ou le mésocolon transverse le plus souvent mais parfois plus à distance.

4    Par des ulcérations vasculaires (veine porte, pédicule splénique)

4    Par des nécroses de voisinage coliques ou gastriques.

7.2.3. Antibiothérapie préventive

Dans l’état actuel des connaissances, une antibiothérapie précoce préventive et systématique ne peut être recommandée. En revanche, l’antibiothérapie est justifiée en cas :

4    D’infection documentée par ponction à l’aiguille fine des coulées de nécrose ou collections pancréatiques suspectes

4    Devant un choc septique, une angiocholite, au cours des infections nosocomiales documentées.

Pour encadrer les gestes invasifs selon les recommandations en vigueur.

7.3. Complications locales : évolution des collections péri-pancréatiques

7.3.1 Les pseudokystes

S’ils peuvent se résorber même tardivement dans 50 % des cas, ils peuvent entraîner des compressions de voisinage, des hémorragies ou s’infecter secondairement.

L’abcès pancréatique est l’infection d’une collection liquidienne contenant peu de débris nécrotique. Il survient souvent tardivement après la 4e semaine et complique environ 3 % des PA. Son pronostic semble meilleur que celui de la nécrose.

7.3.2. Ponction guidée de la nécrose et des collections liquidiennes

La démonstration de l’infection de la nécrose est indispensable à la prise en charge thérapeutique de la PA :

4    La ponction n’est indiquée que chez les patients présentant un faisceau d’arguments : liniques, TDM et biologiques, faisant suspecter l’infection pancréatique.

4    La ponction systématique n’est pas justifiée.

La ponction percutanée à l’aiguille fine (18 à 22 G) sous guidage TDM doit concerner des lésions accessibles dont le remaniement TDM est évocateur d’infection :

4    Elle doit être réalisée précocement puisque l’infection peut survenir précocement.

4    Il est licite de la répéter chez les malades dont les troubles persistent ou s’aggravent.

4    Le prélèvement doit être traité immédiatement pour identification du germe et antibiogramme.

4    Parfois, les caractéristiques macroscopiques du prélèvement permettent de transformer immédiatement le geste diagnostique en geste thérapeutique de drainage.

7.3.3. Traitement de la nécrose

La nécrose stérile n’a pas à faire l’objet de résection ou de drainage.

Seules la nécrose et les collections infectées, confirmées par ponction diagnostique, doivent être traitées par voie chirurgicale (nécrose solide), radiologique percutanée (nécrose liquidienne), ou mixte.

Les buts du traitement sont l’évacuation des débris nécrotiques et le drainage des collections infectées en respectant le pancréas sain.

Le drainage chirurgical reste la technique la plus classique.  Les avantages respectifs des différentes techniques chirurgicales n’ont pas été démontrés.

La technique doit être adaptée aux lésions.

La nécrosectomie associée au lavage continu, après la fermeture de la laparotomie, semble devoir être privilégiée.

L’évolution oblige souvent à des interventions itératives.

Les résultats du drainage percutané sont améliorés par l’emploi de drains de gros calibre. Le drainage percutané a une durée longue, et une gestion délicate.

La place respective des méthodes chirurgicales et percutanées n’est pas encore établie, mais la tendance actuelle est à une association dans le temps des deux méthodes, selon des modalités à affiner.

8.    COMMENT TRAITER UNE PANCRÉATITE AIGUË BILIAIRE ?

8.1. Traitement d’urgence

L’évolution de la majorité des PA biliaires est spontanément favorable en quelques jours et seul le problème de la récidive se pose.

La chirurgie biliaire n’a pas sa place en urgence. Seule la sphinctérotomie endoscopique (SE) peut avoir un intérêt.

Deux situations font l’objet d’un consensus :

4    En cas d’angiocholite et/ou d’ictère obstructif, la SE est indiquée quels que soient la durée d’évolution et le degré de gravité.

4    Dans les PA bénignes d’évolution favorable, il n’y a pas d’indication à réaliser une SE en urgence.

Deux situations non consensuelles :

4    Dans les PA graves, la SE peut être réalisée en urgence (sans déplacement du malade) par une équipe experte et disposant d’un plateau technique adapté. Elle n’est indiquée qu’au cours des 72 premières heures d’évolution.

4    Dans les PA vues à un stade précoce (12 premières heures), il est difficile de prédire la gravité de l’évolution et aucune recommandation ne peut être faite.

8.2. Traitement différé

8.2.1. Dans les formes de PA non compliquées

Le pronostic est dominé par le risque de récidive. Une cholécystectomie doit être réalisée et la voie laparoscopique, au cours de la même hospitalisation. C’est le traitement de la lithiase vésiculaire. En fonction de l’équipement et du degré d’expertise de chaque centre, la recherche et le traitement de la lithiase cholédocienne peuvent se faire :

4    soit dans le même temps que la cholécystectomie laparoscopique,

4    soit avant celle-ci à l’aide d’un examen de haute performance (échographie endoscopique ou IRM.

8.2.2. Dans les PA graves

Le pronostic est dominé par les complications générales et locorégionales. Le risque de nouvelle migration passe au second plan.

4    La cholécystectomie laparoscopique peut être réalisée à distance des phénomènes aigus.

4    Si les complications ont imposé une laparotomie en cours d’hospitalisation, le geste biliaire peut être réalisé lors du même temps opératoire.

4    La lithiase cholédocienne diagnostiquée en cours d’hospitalisation chez un porteur d’une PA grave doit être traitée par CPRE, en raison de son risque potentiel et des difficultés chirurgicales.

4    Chez les malades à très haut risque opératoires en raison de tares viscérales et/ou d’un âge avancé, il peut être recommandé de limiter le traitement de la lithiase biliaire à une sphinctérotomie endoscopique sans cholécystectomie associée.

9.   PEUT ON PRÉVOIR ET PRÉVENIR LA PANCRÉATITE POST-CPRE ?

La PA post-cathétérisme pancréatique rétrograde (post-CPRE) est à distinguer de l’hyperlipémie ou de l’hyperamylasémie isolées fréquemment observées au décours de cet examen.

Les facteurs de risque sont multiples liés au malade (âge jeune, voie biliaire fine, absence de calcul de la VBP au moment du CPRE, surtout dysfonctionnement du sphincter d’Oddi ++), à la technique (nombre de canulations et d’opacifications du Wirsung, pression d’injection, pratique d’une précoupe) et à l’opérateur (expérience).

Même en l’absence de tout facteur de risque, la pancréatite post-CPRE peut survenir de façon imprévisible.

4    La meilleure prévention consiste à limiter les indications diagnostiques de CPRE.

4    La prévention médicamenteuse reste décevante.

4    Le drainage pancréatique prophylactique par endoprothèse reste à valider.

10.         cONCLUSIONs

Des séquelles fonctionnelles et morphologiques peuvent être observées au décours d’une PA, en particulier nécrosante.

La fréquence de survenue d’un diabète, insulino-dépendant ou non, est variable.

4    Les facteurs favorisants en sont l’étendue de la nécrose et la réalisation d’une pancréatectomie gauche.

4    Son apparition est immédiate dans deux cas sur trois, peut être retardée de plusieurs mois ou années.

4    Il est toujours définitif et peut s’aggraver.

4    Une surveillance de la glycémie est indiquée après une PA, mais le rythme de la surveillance à distance n’est pas défini.

Au décours immédiat de la PA, l’insuffisance exocrine est constante avec ou sans manifestation clinique.

4    Elle peut persister plus d’un an, mais a tendance à s’améliorer spontanément.

4    Les explorations fonctionnelles ne seront faites qu’après PA nécrosante étendue, en cas de signes cliniques persistants (diarrhée, amaigrissement).

Les pseudo-kystes

4    Ils compliquent 10 à 25 % des PA nécrosantes

4    Ils régressent dans 30 à 50 % des cas dans les 2 premiers mois.

4    Ils ne doivent être traités que s’ils deviennent symptomatiques ou se compliquent.

Les fistules

4    Elles peuvent être internes responsables d’épanchement séreux, ou externes après chirurgie ou drainage.

Au total, la qualité de vie après PA est globalement bonne et les résultats justifient une attitude agressive !