EPU95 – Montmorency
Neurologie
Mise à jour du 24 Avril 2007

Troubles Comportementaux dans les Démences
Docteur Philippe Taurand
Chef
de Service de Gériatrie (Centre Hospitalier Eaubonne-Montmorency)
Séance
octobre 2004
1. GENERALITES
Les démences regroupent des entités très différentes, en
fonction des étiologies, on distingue :
4
La maladie d’Alzheimer dans 3/4
des cas des démences
4
La maladie à Corps de Lewy où les troubles cognitifs
sont proches de la maladie d’Alzheimer et pouvant s’associer à un syndrome
parkinsonien,
4
Les
démences fronto-temporales où le trouble comportemental frontal
précède l’atteinte cognitive,
4
La maladie de Steele-Richardson (paralysie supra-nucléaire
progressive)
4
Les démences vasculaires.
Plus on avance dans la compréhension des démences, plus
on s’aperçoit qu’il y a :
4
Des modes évolutifs différents allant des formes
d’évolution rapide aux formes d’évolution lente
4
Des formes où l’atrophie cérébrale est focale, à
côté de celles plus fréquentes où l’atrophie est diffuse.
Les démences ont actuellement une identité qui ne cesse
d’évoluer avec de nouveaux concepts. Toutefois, on retrouve toujours 2
types de symptômes dans les démences :
4
Les troubles intellectuels (cognitifs),
4
Les troubles du comportement. Ce sont les troubles
psycho-comportementaux qui posent le plus de problème de prise en charge.
Il existe des troubles du comportement en marge du
syndrome cognitif dans tous les types de démence. Ces troubles
comportementaux ne sont pas autonomes, ils sont favorisés par l’atteinte
cognitive.
2. LES TROUBLES
DU COMPORTEMENT AU COURS DES DEMENCES
2.1. Variable …
Ainsi on va retrouver pour chaque démence un trouble du comportement
un peu particulier :
Dans la maladie
d’Alzheimer, parallèlement aux troubles intellectuels, ce sont
principalement :
-
Des idées de préjudice et le délire paranoïaque,
-
Des troubles de l’humeur à type dépression.
Dans la maladie à
corps de Lewy, où là aussi les troubles comportementaux sont
concomitants avec les troubles intellectuels cognitifs, ce sont les
hallucinations visuelles qui sont au cœur des troubles comportementaux.
Dans les démences
Fronto-Temporales (DFT), le tableau clinique est différent. Les
troubles comportementaux sont précoces, précédant les troubles cognitifs.
Ils peuvent être de plusieurs types, désinhibition ou à l’inverse
comportement ralenti, apathique.
Dans la maladie
de Steele-Richarson, les troubles comportementaux sont
différents :
-
Conduite de préhension
-
Incapacité à inhiber des programmes moteurs
automatiques (par exemple : applaudissement impossible à interrompre)
Dans les démences
vasculaires, les troubles comportementaux sont aussi fréquents que dans
la maladie d’Alzheimer, mais :
-
En fait, le plus souvent il s’agit de démences
mixtes,
-
il existe peu de démences vasculaires pures dont le
diagnostic est difficile à porter avec précision. On retient, comme critère
principal de démence vasculaire, l’apparition de troubles cognitifs dans
les 3 mois qui suivent un AVC, alors qu’ils n’existaient pas avant
celui-ci.
2.1. Dans la maladie d’Alzheimer
2.1.1 Les troubles cognitifs
Le trouble de la mémoire est le trouble intellectuel
situé au centre de la maladie. Il va pouvoir survenir aux différents
niveaux de la mémoire :
La mémoire à
court terme comprend :
-
la « mémoire de travail » correspondant à
la capacité de gérer plusieurs informations pendant une période courte.
Elle est recherchée, par exemple dans le M.M.S, lors de
l’établissement d’une série numérique par soustraction d’un même chiffre,
la répétition de mots simples
La mémoire à long
terme comprend :
-
La mémoire non déclarative de type procédural, peu
touchée dans les démences ou tardivement (par ex : conduite
automobile). La mémoire déclarative comprenant :
o
La mémoire épisodique correspondant à la capacité à
relater des épisodes de la vie, récents ou anciens. Au début l’atteinte des
faits récents est prépondérante mais au cours de l’évolution le gradient
temporel à tendance à s’estomper.
o
La mémoire sémantique correspondant à la capacité à
faire la différence entre des objets, des êtres vivants … Les
difficultés à distinguer les animaux est plus précoce que pour la
distinction des objets.
A côté du trouble de la mémoire mais lié à lui, on
retrouve :
-
L’atteinte de l’attention
-
Le dysfonctionnement fronto-cognitif (presque
constant) : incapacité à programmer des tâches ou à anticiper des
situations (par exemple, utilisation du téléphone, des transports en
commun, gérer un traitement, ses papiers, son argent)
-
La désorientation,
-
Les troubles du langage (manque du motet
appauvrissement global, paraphasies phonémiques et sémantiques),
-
Les troubles de la gestuelle (apraxies),
-
Les troubles de la reconnaissance (visages peu
familiers au début, plus tardivement l’entourage).
2.1.2. Les troubles du comportement
Tous les troubles intellectuels s’associent à des troubles du comportement
qui classiquement apparaissent de façon un peu retardée, mais souvent on
s’aperçoit qu’ils sont en fait très précoces.
C’est la mémoire épisodique qui est touchée et c’est
cette amnésie qui va être à l’origine de nombreux troubles du comportement.
En effet, en prenant les troubles du comportement les uns après les autres
on s’aperçoit qu’il existe un lien dans l’éclosion du trouble et le déficit
mnésique. Ainsi les idées de préjudice et le délire paranoïaque sont
largement favorisés par l’incapacité du patient à se souvenir des endroits
où il a pu ranger certains objets. Il est assez naturel d’attribuer à
autrui la responsabilité de ces pertes.
L’amnésie apparaît bien comme un facteur prépondérant
dans l’apparition des idées de préjudice.
-
La perte de mémoire représente une blessure
narcissique très importante pour les patients. Pour certains auteurs, la
blessure narcissique est constante dans la maladie d’Alzheimer. L’amnésie
représente là encore un facteur favorisant l’éclosion d’une dépression.
-
Toutefois, beaucoup de malades Alzheimer sont
totalement anosognosiques et ont un déni des troubles et de la réalité des
problèmes qu’ils rencontrent.
-
L’errance, la déambulation permanente (dromomanie)
s’expliquent par l’amnésie des lieux, l’oubli des motivations et
l’incapacité à identifier des endroits qui étaient auparavant parfaitement
connus.
-
L’agitation, l’angoisse, la peur sont elles aussi favorisées
par l’amnésie.
Il est évident à l’heure actuelle que les troubles
cognitifs favorisent l’apparition des troubles comportementaux et il
apparaît que les anticholinestérasiques ont également un effet sur les
troubles comportementaux, à tel point qu’ils sont maintenant recommandés de
les utiliser en première intention avant les antidépresseurs ou les
neuroleptiques dans la prise en charge des troubles comportementaux.
Troubles intellectuels
|
Troubles comportementaux
|
4
Oublis des faits récents
4
Oublis des faits anciens
4
Atteinte de la mémoire de travail
4
Diminution de l’attention
4
Désorientation
4
Troubles du langage
4
Troubles de la gestuelle
4
Troubles du jugement
4
Troubles du raisonnement
4
Troubles de la reconnaissance visuelle
4
Anosognosie
|
4
Agitation
4
Agressivité
4
Errances
4
Insomnie
4
Dépression
4
Apathie
4
Délire/Hallucinations
4
Troubles sexuels
4
Cramponnement et poursuite
4
Angoisse et peur
4
Labilité émotionnelle
|
2.1.3. L’évolution de la maladie d’Alzheimer
L’évolution de la maladie d’Alzheimer est lentement
progressive :
-
Au début, on retrouve très souvent des idées de
préjudice, des troubles de l’humeur.
-
Les troubles du comportement majeurs, l’agressivité
surviennent plus tardivement et ensuite le déclin cognitif.
-
Assez précocement l’instabilité posturale
occasionne les chutes fréquemment rencontrées chez les patients Alzheimer.
-
Puis progressivement survient la perte d’autonomie
et en dernier la perte des fonctions motrices.
Une aggravation brusque des troubles (souvent trouble
confusionnel) au cours d’une maladie d’Alzheimer doit inciter à
détecter :
-
une pathologique intercurrente plus ou moins sévère
(épisode infectieux, pneumopathie, globe vésical, fécalome, trouble du
rythme cardiaque …) dont le traitement adapté permettra de récupérer l’état
antérieur avec parfois quelques séquelles.
-
Les éléments perturbants ne sont pas toujours
organiques. Ils peuvent être iatrogènes, et parfois même psychologiques
(perturbation dans son environnement, élément dépressif,…). Il faut savoir
les prendre en compte et les traiter.
2.1.4. La prise en charge des symptômes psycho-comportementaux
Les troubles du comportement sont à bien différencier
des troubles intellectuels et l’effort pédagogique du médecin est
primordial dans l’explication des symptômes à l’entourage et aux aidants
naturels, acteurs principaux de la prise en charge.
a) Agitation, nervosité, Agressivité, Akathisie (patient ne tenant pas
assis)
Le patient change de caractère, il devient méfiant, ou
agressif avec son entourage qui ne comprend pas toujours ce qui aggrave le
conflit.
Le rôle de l’aidant
Il est aussi important que le rôle du médecin et que le
traitement médicamenteux :
-
faire comprendre à l’aidant de l’importance à
rester calme
-
simplifier l’environnement,
-
préserver l’espace de déambulation en se souvenant
que les mesures de contention majorent l’anxiété, l’agressivité et ne
règlent absolument rien.
-
Laisser déambuler les patients agités à leur guise
dans un environnement rassurant et sans risque (espace sous forme de
cloître dans les unités de psychogériatrie).
-
Limiter l’espace parfois ; certains patients
agités ont besoin d’un environnement réduit pour pouvoir prendre leurs
repas.
Le rôle du médecin
-
Il est avant tout d’essayer de comprendre ce qui se
passe : rechercher une frustration, une anxiété, une peur, un préjudice,
une douleur, un état confusionnel lié à une prise médicamenteuse, une cause
somatique (globe vésical, fécalome, …).
-
Ensuite de prendre certaines dispositions :
-
S’il n’existe pas de perturbation majeure, il n’est
pas nécessaire de traiter systématiquement.
-
Il faut limiter les contentions. Quand elle est
nécessaire, il y a obligation de la prescrire et de renouveler la
prescription ce qui est peu réalisable en pratique. Dans les institutions,
il faut faire en sorte que les contentions fassent l’objet d’une réflexion
avec l’équipe soignante et qu’elles ne soient pas décidées par un soignant
isolément.
-
Le traitement médicamenteux est parfois
inévitable (neuroleptiques, anticholinestérasiques) :
a) Si certains recommandent
de ne rien prescrire dans les troubles psycho-comportementaux de la maladie
d’Alzheimer en dehors des anticholinestérasiques (Aricept®, Exelon ®) ou de
la mémentine (Ebixa ®) à un stade plus avancé, cette attitude semble
souvent contestable, car ne répondant pas aux exigences de la vie quotidienne
et ne tenant pas compte de la réalité du patient et des aidants.
b) Toutefois ne jamais
prescrire de neuroleptiques sans surveillance à long terme. En effet, il
existe un risque d’accumulation du produit dans les graisses d’où un
relargage possible du produit et un risque de somnolence, de chute ou de
malaises retardés. Il est nécessaire de diminuer les doses dès
l’amélioration des symptômes.
b) Idées de préjudice
Rôle de l’aidant :
-
Rechercher s’il existe un persécuteur désigné.
Malheureusement, il s’agit en général de la personne qui vient le plus en
aide au patient. Le plus souvent il s’agit du conjoint qui s’épuise
nerveusement et des études ont mis en évidence une augmentation des
maladies coronariennes chez les conjoints de malades Alzheimer.
-
Conseiller à l’aidant de ne pas écouter le malade,
d’ignorer, de « laisser glisser », de ne pas se sentir
concerné. Parfois ne pas chercher à trop expliquer.
-
Repérer les endroits de rangement, prévoir des
objets en double (clés…) peuvent s’avérer utiles.
Le rôle du médecin
C’est d’évaluer le retentissement et d’atténuer le
délire avec des neuroleptiques ou les anticholinestérasiques qui peuvent
avoir aussi un effet bénéfique
c) Apathie, ralentissement
La perte d’initiative, la perte des centres d’intérêts habituels
et le repli sur soi sont très fréquents au cours de l’Alzheimer et sont
parfois faussement attribués à une symptomatologie dépressive.
Chez les malades Alzheimer, on rencontre plus souvent
des apragmatismes, une incapacité à s’investir dans la vie que
d’authentiques syndromes dépressifs. Le diagnostic de dépression est porté
souvent avec trop de facilité, parce qu’il est facile de prescrire un
antidépresseur d’autant que les nouvelles molécules sont bien supportées.
En cas d’apragmatisme intense, il ne faut pas
contraindre à faire, mais encourager à faire, proposer des activités
agréables (programmes d’activités physiques et ludiques pour les patients
Alzheimer dans les unités spécialisées).
Rechercher un médicament
responsable (sédatif, anxiolytique)
Proposer un accueil de jour
La mémentine (Ebixa®) peut avoir un effet bénéfique.
Elle doit être prescrite à dose progressive 1/2 comprimé par jour pendant
la 1ère semaine, puis augmentation d’i/2 cp par semaine jusqu’à
atteindre la dose de1 comprimé 2 fois par jour. Ne pas dépasser cette
posologie pour éviter le risque d’hallucinations. Une réponse favorable est
possible au moins pendant les premiers mois avec reprise d’un intérêt à
faire des choses.
d) Angoisse et peur
Angoisse et peur pouvant aller jusqu’à l’attaque de
panique sont très fréquents chez l’Alzheimer du fait des troubles
cognitifs. Les causes sont multiples :
-
Incapacité à s’orienter dans le temps
-
Agnosie des lieux, des visages (prosopagnosie)
-
Hallucinations visuelles
-
Incapacité à s’adapter à toute situation nouvelle
L’aidant doit rassurer (intérêt du contact physique, du
toucher), distraire, assurer un environnement stable.
A noter que le passage en maison de retraite peut être
bénéfique, quand le domicile est devenu anxiogène et que les aidants
extérieurs, intervenant ponctuellement, ne sont plus identifiés. La maison
de retraite peut s’avérer rassurante en redonnant un cadre, des horaires
précis de fonctionnement. Certains patients s’améliorent en institution.
Le recours aux anxiolytiques peut être utile, ou à un
antidépresseur sérotoninergique en cas d’attaque de panique.
e) Cramponnement, Poursuite
Le cramponnement est très fréquent à un stade évolué, et
se rencontre plutôt chez les patients institutionnalisés. Il est mal
supporté par l’aidant en l’épuisant. Le malade va au devant de l’aidant
pour se rassurer, avoir une présence.
L’aidant doit garder son calme, rassurer en expliquant,
trouver une occupation au malade en cas d’absence de l’aidant, car le
malade est souvent perdu, confus quand il perd son support.
L’ « Accueil de Jour » est souvent
bénéfique pour le malade et l’aidant (séjour de répit).
Eventuellement, prescription de mémentine ou
d’anticholinestérasique.
f) Hallucinations
Elles sont fréquentes dans toutes les démences.
Dans le cas particulier de la maladie à corps de Lewy,
les hallucinations sont stéréotypées plus souvent visuelles qu’auditives,
de caractère un peu angoissant.
Le malade adhère à ses hallucinations ce qui les rend
difficile à critiquer.
Elles sont parfois favorisées par un handicap sensoriel
(diminution de l’acuité visuelle). Plus fréquentes le soir à la baisse de
la luminosité, elles s’atténuent avec un bon éclairage.
Le rôle de l’aidant
-
Ne pas discuter les convictions du malade
lorsqu’elles sont fortes,
-
Détourner l’attention du patient,
-
Eviter les contraintes qui majorent les
hallucinations.
Le rôle du médecin
Il consiste toujours à se poser la question de savoir si
les troubles comportementaux productifs de la maladie d’Alzheimer ne
redonnent pas une certaine richesse perdue du fait de l’atteinte cognitive
(amnésie, appauvrissement de la mémoire). Les phénomènes délirants,
hallucinatoires peuvent redonner une vie affective un peu plus riche.
4
Si les hallucinations sont bien supportées, et
épisodiques, il est logique de ne rien faire.
4
Si les hallucinations sont angoissantes, source de
souffrance et de retentissement sur la vie quotidienne, les neuroleptiques
antidélirants (Risperdall®, Haldol®) ou plus sédatifs (Largactil®) sont à
essayer. Dans tous les cas, les posologies sont à adapter à chaque
cas : certains patients vont réagir favorablement à quelques gouttes,
parfois moins de 5 gouttes 3 fois par jour ; d’autres nécessitent des
posologies plus importantes pour contrôler leur trouble.
Dans le cas particulier de la maladie à corps de Lewy,
les neuroleptiques sont délétères, d’où la contre indication absolue à leur
emploi. Le Risperdal® peut cependant être utilisé.
g) Errance, dromomanie
Il faut éviter les contentions
Les médicaments sont ici très peu efficaces
Conseiller le système anti-fugue pour pouvoir laisser
déambuler le malade. C’est à l’institution de s’adapter, ce n’est pas le
malade qui pourra s’adapter à l’institution.
h) Dépression
Le risque est de porter le diagnostic de dépression trop
rapidement :
-
Ralentissement et apragmatisme démentiel sont
difficiles à différencier de la perte de l’élan vital.
-
Il faut rechercher le maximum de symptômes
dépressifs :
-
Tristesse +++ (peu de dépression sont capables de
sourire)
-
Si le patient se met à pleurer, faire la différence
entre le pleurer spasmodique des syndromes lacunaires ou des atteintes du
tronc avec labilité émotionnelle.
-
Les échelles d’évaluation sont peu utilisables.
C’est l’écoute du patient, la tonalité du discours, les signes qu’on peut
lire sur son visage qui doivent permettre d’évaluer la tristesse.
-
Tenir compte des troubles associés (douleur,
somatisations, troubles alimentaires)
-
Interroger l’entourage, les soignants à la
recherche d’une rupture dans le comportement du malade.
Chez le malade Alzheimer, éviter les tricycliques, qui
peuvent favoriser un état confusionnel ou des crises, épileptiques.
Utiliser préférentiellement un inhibiteur de la recapture de la sérotonine
(Prozac®, …).
i) Comportements déplacés
Ils sont fréquents comme dans toutes les démences,
caractérisés par le levée de l’inhibition et un mécanisme frontal ;
exhibitionnisme, urination, mange des excréments à un stade évolué.
Rechercher une explication possible.
-
Le traitement médicamenteux : une amélioration
sous anticholinestérasiques est possible, sinon recours aux neuroleptiques.
-
En ce qui concerne les conduites érotomaniaques
fréquentes chez les hommes, le recours aux antiandrogènes périphériques
donne parfois des résultats.
2.2. Troubles du comportement dans la
démence Fronto-Temporale
C’est la démence où les troubles du comportement sont au
premier plan. Elle débute par des troubles du comportement avant
d’entraîner des troubles cognitifs.
2.2.1. Description de la démence Fronto-Temporale
Elle est caractérisée par une atrophie cérébrale
antérieure, survenant typiquement chez un sujet plutôt jeune, mais pouvant
survenir à un âge plus avancé.
L’incidence des formes familiales est assez élevée. Cela
différencie la démence Fronto-Temporale de la maladie d’Alzheimer où il
existe bien une prédisposition familiale, mais il s’agit alors de formes
sporadiques tardives qui ne sont pas associées à une mutation sur un gène.
Le diagnostic est possible à l’interrogatoire de
l’entourage.
La présentation du patient est souvent évocatrice :
patient désinhibé ou apathique, indifférent, négligé, souvent
anosognosique.
Le M.M.S. est souvent normal parce que le patient a
souvent peu de troubles cognitifs. On trouve une séméiologie typiquement
frontale.
Principaux
troubles du comportement dans la démence Fronto-Temporale
|
4
Une hyperoralité
4
Un changement de goût alimentaire
4
Parfois une appétence pour l’alcool
4
Une instabilité motrice
4
Une irritabilité
4
Une désinhibition verbale
4
Un trouble du comportement émotionnel
4
Une négligence personnelle
4
Un désintérêt social
4
Des conduites stéréotypées et persévératives
4
Un émoussement affectif ou une exaltation
|
2.2.2. Sur le plan psychométrique
Le bilan est pauvre :
-
Parfois une diminution de la fluence verbale
-
Ultérieurement peuvent être notés :
-
Une atteinte de la mémoire du rappel différé qui
est influencé par l’indiquage
-
Une atteinte de la mémoire de travail
-
Une désorientation temporelle parfois modérée
-
Une difficulté dans la reproduction de figures
géométriques
-
Un manque du mot
-
L’orientation spatiale reste longtemps assez bonne
Donc à un stade
évolué, on retrouve les symptômes de la maladie d’Alzheimer. C’est
l’interrogatoire rétrospectif qui permet alors le diagnostic.
L’électro-encéphalogramme
est normal.
A l’imagerie
radiologique l’atrophie cérébrale antérieure est mise en évidence, ainsi
qu’à la scintigraphie avec un hypodébit vasculaire dans les régions
cérébrales antérieures.
2.2.3. Evolution et traitement
Il existe peu de traitement à proposer :
-
Les anticholinestérasiques ne sont pas indiqués,
car ils aggravent les troubles cognitifs
-
La prescription de sérotoninergiques comme la
Trazodone (Pragmarel ®), permet un certain contrôle de l’hyperphagie, de
l’anxiété, de l’instabilité motrice.
-
Les neuroleptiques ont un effet délétère, comme
dans la maladie à corps de Lewy
La phase avec peu de troubles cognitifs est plutôt
longue, mais lorsque apparaît
l’altération du M.M.S. il y a une accélération du déclin évolutif.. Au
stade évolué, il n’y a pas de différence avec une maladie d’Alzheimer à
composante frontale.
3. Syndrome de
glissement
3.1 Définition
3.1.1. Historique
C’est CARRIE qui a inventé le mot en 1956, à l’occasion
de sa thèse, étudiant des vieillards en hospice.
Il désignait ainsi une façon de mourir assez
inexplicable des vieux « par un processus d’involution et de
sénescence » distinct de celui qui frappe un patient atteint d’une
défaillance d’un organe déterminé dans le cadre d’une affection précise.
Le nom de « syndrome de glissement » a été
employé dès 1956 par des gérontologues pour désigner un état de « cachexie »
résultant d’un « processus d’involution et de sénescence porté à son
état le plus complet » et qui présente un risque quasi constant
d’évolution mortelle.
Reprise du syndrome par les gérontologues jusqu’à la
définition classique d’Yves DELOMIER en 1978 et 1985.
3.1.2. Le syndrome de glissement
«C’est une affection spécifique du grand âge »,
comportant une décompensation rapide de l’état général faisant suite à une
affection aiguë
- Infectieuse,
- Traumatique,
- Vasculaire,
- Chirurgicale,
- Choc
psychique, etc.
C’est une maladie qui suit la maladie initiale quand
celle-ci paraît guérie ou en voie de guérison.
Elle évolue pour son propre compte en jours ou semaine
et conduit facilement à la mort à travers des troubles biologiques et
neuropsychiques sévères.
En somme, ce sont des vieillards de plus de 80 ans
porteurs
- De
lourdes affections somatiques relativement stabilisées et qui viennent
de se remettre apparemment d’une atteinte organique aigue.
- Tout
devrait aller bien… or leur état s’aggrave de façon inexorable sans
qu’on puisse agir sur l’étiologie d’un processus qu’on ne comprend pas
ce qui ne facilite pas la conduite thérapeutique.
3.2. Le syndrome clinique
Il est composé d’éléments disparates non constants chez
tous les patients. Sur le plan psychique, Il comporte un tableau imprécis
mélangé parfois aux données étiologiques supposées :
Troubles somatiques
|
Troubles comportementaux
|
4
Une tension artérielle abaissée Asthénie,
4
Adynamie,
4
Anorexie,
4
Adispsie,
4
Météorisme abdominal sur constipation chronique
4
Incontinence,
4
Un syndrome de déshydratation extracellulaire
|
4
Choc psychique
4
Tableau confuso-dépressif,
4
Agitation et troubles caractériels
|
3.3. L’évolution
Elle se fait par :
- L’aggravation
des constantes biologiques,
- Une
rechute infectieuse,
- L’apparition
foudroyante d’escarres,
- Une
adynamie et indifférence
Tout cela aboutissant à la mort en quelques semaines.
3.4. Traitement
Le traitement était autrefois considéré comme impossible
puisque le tableau comporte :
- Une
résistance aux antidépresseurs,
- Un
manque de compliance aux soins de maternage,
- Un
refus de la kinésithérapie,
- Un
refus alimentaire et des boissons,
- Un
laisser aller sphinctérien dans l’indifférence,
- Un
refus des médicaments.
De telles formes irréversibles existent sans doute,
elles évoluent très vite et constituent un défi à l’action thérapeutique.
Mais, l’action possible passe d’abord par une
différenciation des tableaux voisins du syndrome mélancolique qui pourra
réagir à un traitement jusqu’alors inefficace,
- De
la régression psychomotrice que l’on parviendra à remobiliser malgré
les obstacles initiaux.
- Le
refus du maternage pourra être contourné par certaines attitudes
soignantes différentes (exemple : le contournement du refus
alimentaire ou de la boisson).
3.6. Conclusion
Le nom de « syndrome de glissement » n’est pas
employé dans la nosologie psychiatrique, mais très couramment par les
médecins généralistes et par les soignants qui dépistent, au sein de la
population âgée, des états de renoncement psychologique à la vie, associés
à un effondrement somatique qui comporte habituellement dénutrition,
adynamie, troubles du contrôle sphinctérien, atonie vésicale et
intestinale, puis finalement escarres, troubles de l’équilibre
hydro-électrolytique, menant au décès.
4. Conclusions
La compréhension des troubles est indispensable.
La fluctuation (fréquente) des troubles impose une
évaluation approfondie (fréquence, durée…)
L’évolutivité (constante) impose une adaptation
régulière des traitements.
Les aidants sont essentiels pour le diagnostic et la
thérapeutique.

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