E.P.U. 95
Formation Mdicale Continue du Val d'Oise
ASSOCIATION AMICALE DĠENSEIGNEMENT POST UNIVERSITAIRE DE LA RGION DE MONTMORENCY
LĠannonce de la
maladie grave
DĠaprs un expos du Dr Isabelle
Marin
Oncologue – Rseau ONCONORD & Hpital Delafontaine (Saint Denis)
Sance de formation du 1er fvrier 2007
JusquĠau 20me sicle la maladie et la mort taient annonces, sans que nul nĠvoque de difficult de lĠannonce de la mort mais plutt sa ncessit. LĠannonce tait faite par la famille, le prtre, puis le mdecin vers le milieu du 19me sicle.
Le dbut du 20me sicle correspond lĠarrive du mdical et du Ç mensonge È qui perdurera durant tout le sicle !
LĠvolution des mentalits, traduite rcemment dans le Code de dontologie mdicale, amne le mdecin se sentir oblig dĠinformer son patient de faon plus prcise quĠauparavant. Ceci ne fait jamais que traduire ce qui devrait se passer dans toute relation dĠadulte adulte, tout en laissant au mdecin, sĠil le juge ncessaire, la possibilit de ne pas dire, ou de ne pas tout dire dĠune vrit qui contient des inconnues.
AujourdĠhui, le thme de la vrit, Ç due È au malade ou non tant acquis, lĠannonce dĠune maladie grave au patient ne peut tre dite sans prcautions.
Annoncer une maladie grave est une circonstance difficile. Selon le mode dĠexercice, cet vnement survient plus ou moins souvent. Le mdecin gnraliste nĠy est confront que quelques fois dans une anne, il en est autrement dans certaines spcialits (hmatologie, oncologie,É).
Le fait de devoir annoncer une maladie grave se situe un niveau thique :
4 Faut-il toujours tout dire ?
4 Peut-on lgitimement cacher Ç la vrit È ?
4 LĠannonce dĠune Ç maladie grave È sous-tend bien toujours celle de la mort, mort prochaine ou tout simplement possible.
4 Les consquences de lĠannonce et leur intensit sont-elles prvisibles ?
Cette situation nĠest pas spcifique du cancer mais cĠest la seule affection, ce jour, pour laquelle un dispositif dĠannonce a t mis en place.
Le cancer est une maladie qui voque, dans la reprsentation et dans lĠimaginaire, la mort. Le seul fait que cela ne soit pas dit est dj un point qui mrite dĠtre soulev et qui est directement en relation avec le changement de rapport la mort et la maladie. CĠest probablement cet tat de fait qui rend le problme particulirement aigu.
Le choc de lĠannonce du cancer provoque un bouleversement. CĠest dĠabord, une crise individuelle de dtresse, de dsespoir, dĠangoisse et de penses relatives la mort. Puis, vient la remise en question des relations familiales et sociales.
Trois mois, en moyenne, sont ncessaires pour 70% des patients pour prendre totalement conscience de ce fait. Ce temps, doit tre respect, pour permettre au malade de sĠadapter la ralit, pour percevoir, comprendre et agir. Il faut, aussi, du temps pour lĠalternance de dni et dĠintgration de lĠinformation vers une adaptation plus stable.
Dans ce sentiment global de prcarit et dĠincertitude, le patient subit le choc. Il a peur de la perte ou de lĠaltration de ses relations aux autres. Il craint lĠinterruption des projets de vie et a peur dĠune atteinte lĠimage de son corps. Enfin, il apprhende la mort et se pose des questions existentielles.
Il faut savoir que 20 50% des patients souffrent de troubles psychologiques, type d'anxit, de dpression et de troubles de l'adaptation, cette occasion.
Le dispositif dĠannonce comprend quatre temps ; lĠobjectif tant de permettre au malade dĠavoir de meilleures conditions dĠannonce de sa pathologie. Ce dispositif sĠarticule autour :
4 DĠun temps mdical dĠannonce et de proposition de traitement ;
4 DĠun temps soignant de soutien et de reprage de ses besoins ;
4 DĠun accs des comptences en soins de support.
Il concerne, dĠune part, le diagnostic initial dĠun cancer confirm histologiquement et, dĠautre part, la rechute.
LĠarticle 35, aprs avoir prcis que le mdecin doit en principe informer la personne quĠil soigne, ajoute : Ç Toutefois, dans lĠintrt du malade et pour des raisons lgitimes que le praticien apprcie en conscience, un malade peut tre tenu dans lĠignorance dĠun diagnostic ou dĠun pronostic graves, sauf dans les cas o lĠaffection dont il est atteint expose les tiers un risque de contaminationÈ.
Ce texte prcise que, seul, Ç lĠintrt du malade È justifie le silence du mdecin. Cependant, en pratique quotidienne, il nĠest pas toujours simple de dterminer de faon prcise o se situe lĠintrt du malade car il est souvent difficile dĠapprhender, chez le patient, le dsir de savoir ou de ne pas savoir. Mme, si cĠest un peu plus ais dans le cas dĠun malade connu de longue date, cette apprciation reste en partie alatoire. Par exemple, un mdecin peut estimer que son patient est trop fragile pour supporter une annonce pjorative, alors quĠil le pourrait. Inversement, tel patient que lĠon croit Ç solide È, peut ne pas supporter lĠannonce dĠune maladie grave.
Si lĠon dcide de ne rien dire, il risque de sĠinstaller, entre malade et mdecin, une relation o le Ç non-dit È va parasiter le Ç colloque singulier È. En outre, le mdecin peut tre pouss se taire en pensant que le doute sera plus Ç confortable È pour tout le monde, y compris pour lui, mdecin.
Point important, une fois la situation de Ç mensonge È installe, il nĠest pas toujours
facile de revenir en arrire.
LĠannonce du diagnostic est entoure dĠune ou plusieurs consultations durant lesquelles. Outre lĠannonce proprement dite, une proposition de stratgie thrapeutique, dfinie lors de la runion de concertation pluridisciplinaire (RCP), sera prsente, au patient, par le mdecin.
Ç La Mesure 31 du Plan Cancer, prvoit de faire bnficier les
nouveaux patients dĠune concertation pluridisciplinaire autour de leur dossier
et de synthtiser le parcours thrapeutique prvisionnel issu de cette
concertation sous la forme dĠun Programme Personnalis de Soins (PPS) remis au
patient.
Sont aujourdĠhui considres non seulement comme le lieu de la discussion
diagnostique et thrapeutiques, mais aussi comme un vecteur dĠchanges de
grande valeur pdagogique entre les professionnels, permettant galement dĠeffectuer
une analyse du bnfice risque et de la qualit de vie pour la personne malade. È
La dcision thrapeutique est ensuite formalise par crit et lui sera remise sous forme dĠun programme personnalis de soins (PPS).
Ç Ce document simple et informatif
permet dĠexposer au patient la chane de soins coordonne qui se met en place
autour de sa prise en charge. tabli un moment prcis de cette dernire, il
est susceptible dĠvolution : il peut tre complt, modifi, voire remplac.
Il permet aussi une prise en charge
optimale par un mdecin ne connaissant pas la personne malade (quand le mdecin
traitant est indisponible, par exemple). Il prend la forme dĠun document papier
o sont indiqus au minimum :
4 Le plan thorique cĠest--dire la proposition accepte par la personne
et son organisation dans le temps,
4 Les diffrents bilans prvus,
4 Les noms et coordonnes du mdecin responsable du traitement et de
lĠquipe soignante joignables par le mdecin traitant, le malade et ses
proches,
4 Les coordonnes des associations de patients pour une ventuelle prise
de contact È.
Ce document synthtique est expliqu et remis au patient au dcours dĠune consultation longue (>30mn), tranquille, sans tierces personnes et sans tlphone.
Dans cette fiche est expose la chane de soins Ç coordonne È qui va tre mise en place, comme dans lĠexemple ci-dessous, pour un cancer du sein.
TYPE
DE TRAITEMENT |
MODALITES
DE TRAITEMENT |
DATE/DUREE |
CHIRURGIE |
Intervention type : Chirurgien : |
Prvue le : |
CHIMIOTHERAPIE |
Chimiothrapie type : Service : |
1 sance de xxx jours tous les xx jours. Nombre de cures envisages : 1re cure prvue le : |
RADIOTHERAPIE |
Radiothrapie externe au centre de : |
Dure de la radiothrapie : |
CURIETHERAPIE |
Curiethrapie au centre de : |
Dure de la curiethrapie : |
IMMUNOTHERAPIE |
Traitement par : |
Dure de lĠimmunothrapie : |
HORMONOTHERAPIE |
Traitement par : Forme : |
Dure de lĠhormonothrapie : |
Aprs, la Runion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP), le mdecin traitant doit tre inform des conclusions du Ç RCP È, par tlphone, avant lĠenvoi dĠun compte rendu crit.
Une information plus dtaille est ensuite transmise, chaque tape du traitement ou en cas dĠvnement intercurrent. Elle porte, notamment, sur les points suivants :
4 Le diagnostic prcis,
4 Le projet thrapeutique, les modifications thrapeutiques
4 LĠinclusion ventuelle dans un essai thrapeutique
4 Les effets secondaires prvisibles du traitement et leur gestion
4 Les lments du pronostic
4 Les informations donnes au patient et ses proches.
Cette tape nĠa pas de caractre obligatoire et ne peut tre impose.
Il est assur, le plus souvent, par une infirmire dĠoncologie. Toutefois, compte tenu des spcificits de la radiothrapie, il peut sĠagir dĠun manipulateur dĠlectroradiologie mdicale impliqu dans lĠexcution de la radiothrapie.
Il est possible immdiatement aprs ou, distance, de chacune des consultations mdicales.
Il offre au patient un temps dĠcoute et de soutien psychologique suffisamment long et surtout tranquille, aprs la consultation avec le mdecin rfrant qui vient de lui annoncer la maladie.
Ce temps permet la reprise des questions et leur reformulation ainsi que de prciser les aspects pratiques du traitement, comme :
4 De fournir des informations pratiques complmentaires aux patients sur les diffrentes modalits traitement
4 De dfinir, avec lui, la date du dbut du traitement et la faon dont celui-ci va se drouler. la remise des documents
4 De donner des renseignements pratiques pour rentrer en contact avec lĠquipe mdicale
4 De demander le concours dĠautres professionnels de soins de support.
De plus, il permet au malade ou ses proches dĠaccder, selon leurs choix, des soignants disponibles qui coutent, reformulent, donnent de lĠinformation et peuvent :
4 Orienter, le cas chant, le malade vers dĠautres professionnels tels que :
o Le service social car le bilan social initial, souvent sous-estim ce stade, se rvle important pour aider ensuite amliorer la qualit de vie du patient pendant les soins,
o Un psychologue et/ou un psychiatre.
4 Informer sur le rle des associations de malades et les espaces de dialogue et dĠinformation tels les Ç Espaces Rencontres Information È ou autres. En effet, les associations de malades et les comits de patients peuvent fournir des documents dĠinformation, facilitant une meilleure approche de la maladie et/ou de ses consquences sociales.
Il permet au patient dĠtre soutenu et guid dans ses dmarches, en particulier sociales, en collaboration avec les quipes soignantes. Le malade pourra ainsi rencontrer, en fonction de sa situation et sĠil le souhaite, une assistante sociale, un psychologue, un kinsithrapeute, etc.
LĠannonce est difficile pour celui qui la reoit comme pour celui qui la donne. De ce constat, dcoule un paradoxe : les malades sĠen plaignent et les mdecins pensent bien le faire et sĠen soucient.
La premire annonce, celle du diagnostic, est Ç centr sur la maladie È, lĠannonce suivante est Ç centre sur le patient È. Cette modification de point de vue est importante, lĠannonce dĠun diagnostic de maladie doit tre ncessairement personnalise
Il nĠy a pas de rponse univoque cette question.
4 Certains malades dclarent, en effet, vouloir tout savoir, mais peut-tre la question leur a-t-elle t pose quand ils taient en bonne sant ? En sera-t-il de mme quand elles iront moins bien ?
4 DĠautres patients disent aussi vouloir Ç savoir È, mais prcisent quĠelles ne souhaitent pas quĠon leur dise, par exemple, quĠil leur reste peu de temps vivre ;
4 DĠautres encore, parfois dcourages par le langage mdical, souhaitent quĠon les informe en prsence dĠun tiers Ç pour tre sres de bien se rappeler ce quĠa dit le mdecin È !
4 Plus pragmatiques, certaines personnes veulent quĠon leur dise la vrit, Ç mais seulement condition que cela soit utile quelque chose È.
Il faut savoir que des mcanismes de dfense, parfois puissants, existent. De plus, ils sont extrmement variables :
Tous, malades et psychologues insistent, ds certains mots prononcs, le malade est sidr et ne peut plus rien entendre, soit quĠil soit rellement dans un tat dĠhbtude quĠil ne puisse plus entendre ni penser, soit, quĠau contraire, ses penses sont tellement Ç bruyantes È quĠelles lĠempchent dĠentendre quoi que ce soit :
4 QuĠest-ce que je vais devenir ?
4 Pourquoi moi ?
4 Je ne veux pas mourirÉ
4 Mes enfantsÉ.
La consquence pratique, est la ncessit de consultations longues.
Les attitudes, des patients, ensuite, sont variables :
4 Le dni : cela nĠexiste pas
4 La dngation ou lĠincrdulit : ce ne peut pas tre vrai,
4 Le mutisme ou lĠengourdissement des facults intellectuelles, allant jusquĠ la sidration.
4 La colre et la projection agressive,
4 La banalisation : cela nĠest pas si grave que cela !
4 LĠhumour et la drision,
4 Le dplacement,
4 La culpabilit,
4 La rgression infantile.
Robert Buckman, dans son ouvrage sur le cancer, insiste sur quelques points cls, avant dbuter la Ç procdure dĠannonce È.
4 Quel cadre pour lĠannonce ?
4 A quel moment annoncer ?
4 Que faire pour se montrer dtendu, rceptif ?
4 Quel lieu pour lĠentretien ?
4 Quelles personnes vont y assister : famille, soignants, etc.
4 Comment optimiser les conditions matrielles de lĠentretien, pour une meilleure coute : position respective, distance, contact, É
4 Comment dbuter?
4 Comment terminer?
4 Quelle connaissance a dj le malade de sa maladie ?
4 Comment se reprsente-t-il son corps et la maladie ?
4 Quelle connaissance a-t-il de lĠimpact de la maladie sur sa vie et son avenir ?
4 Comment sĠexprime-t-il : registre de vocabulaire, tat motionnel, É
4 Que veut savoir le malade ?
4 Sur le diagnostic ?
4 Sur les aspects techniques du traitement ?
4 Sur le pronostic de la maladie ?
4 Sur le(s) traitement(s) ?
4 Le diagnostic ?
4 Le pronostic ?
4 Les thrapeutiques ?
4 Le soutien ?
Tout dĠabord, il faut amnager un contexte aussi calme que possible et il ne faut pas chercher rassurer tout de suite.
Il est important de commencer par des questions plutt que par des rponses. La meilleure rponse est dĠcouter le malade et respecter sa volont de savoir.
Le patient fait souvent des Ç accroches È, il faut lĠcouter. Il est important de respecter sa smantique du malade, sĠil prfre, par exemple dire Ç tumeur È que Ç cancer È, Ç mtastatique È que Ç gnralis È.
Bien quĠil soit important de ne pas maintenir un Ç suspense È insupportable, et aller, assez rapidement lĠessentiel, il ne faut pas se sentir oblig de rpondre tout et il peut tre utile de fragmenter les nouvelles et dĠattendre les questions complmentaires.
Il faut rester simple sans trop apporter de dtails, notamment techniques en tenant compte de ce que le malade sait ou peroit dj. CĠest aussi adapter lĠinformation donne au patient, :
4 Sa capacit dĠassimilation,
4 Sa comprhension et avoir en tte un glossaire de traduction du Ç mdical È en Ç franais È.
LĠcoute doit tre active. Le mdecin doit relancer la discussion en posant des questions Ç ouvertes È et non fermes. Il est important de demander au malade sĠil a bien compris, sĠil souhaite des prcisions supplmentaires.
4 Ne pas discuter ce que le malade refuse de reconnatre
4 Ne pas supprimer tout espoir
4 Ne rien dire qui ne soit vrai
Parmi les sujets aborder, les thmes suivants sont importants :
4 Comment prparer, le suivi et lĠavenir du patient ?
4 Quels sont les lments et les personnes de lĠentourage du malade qui peuvent rellement le soutenir ?
4 Comment en parler aux proches ?
4 Quel contrat dĠavenir je passe avec le malade ?
4 Quels interlocuteurs complmentaires je propose ?
4 Les recommandations nationales pour la mise en oeuvre du dispositif dĠannonce du cancer.
4 Les Ç outils È labors par les quipes dans le cadre de lĠexprimentation nationale.
- Les outils de liaison mdecin/infirmire :
¤ Fiches de liaison
¤ Fiches de consultation mdecin/infirmier
¤ Grilles de mots utiliss
¤ Check-list
- Des fiches types de Programme personnalis de soins (PPS)
- Des documents spcifiques de reprage des besoins en soins de support
¤ Fiches dĠvaluation sociale
¤ Fiches dĠvaluation psychologique
¤ Fiches dĠvaluation de la douleur
¤ Fiches dĠvaluation nutritionnelle
4 La liste des quipes exprimentatrices et leurs coordonnes. La liste des quipes Ç rfrentes È pour la formation.
4 Des tmoignages dĠquipes sur lĠexprimentation du dispositif dĠannonce. Des expressions de patients sur lĠexprimentation du dispositif dĠannonce.
4 Un document dĠinformation sur le dispositif dĠannonce destin aux mdecins libraux.
4 Critres de qualit de lĠannonce du diagnostic : point de vue des malades et de la Ligue nationale contre le cancer - Risques et Qualit en milieu de soins - Volume III. NĦ 2 - juin 2006
4 Les enjeux du dispositif dĠannonce : point de vue de la Ligue nationale contre le cancer - Oncologie - Volume 8. NĦ 5 - juin 2006
4 Une brochure dĠinformation sur le dispositif dĠannonce pour les malades et leurs proches sera disponible prochainement sur le site et auprs des Comits dpartementaux de la Ligue.
Il propose dĠintressantes animations interactives autour de la problmatique de lĠannonce.