EPU95-Montmorency
Affections Respiratoires
& Maladies Allergiques
Mise à jour du 24 Avril 2007
Maladies Allergiques
Dr M-Th
Guinnepain
Chef de Service
Allergologie Clinique à l’Institut Pasteur de Paris & Hôpital Foch
(Suresnes)
Séance de
septembre 2004
1.
Définition
L’allergie est une réponse immunitaire
spécifique, inhabituelle, amplifiée et pathologique d’un individu
sensibilisé au contact de produits (= allergènes) de son environnement,
généralement inoffensifs pour les autres sujets.
Cette réaction disparaît si l'éviction de
l’allergène responsable est réalisée.
La sensibilisation est
« silencieuse » et précède toujours la réaction allergique.
La plupart des allergènes sont des
glycoprotéines.
Des traces d’allergènes peuvent induire des
réactions violentes. L'anaphylaxie est une réaction allergique suraiguë.
2.
Epidémiologie
2.1. En général
La fréquence des maladies pouvant comporter
une composante allergique est en constante augmentation.
Le rôle de l’hérédité influence de façon
importante le risque de survenue de manifestations allergiques
Risque de manifestations allergiques en
fonction de l’hérédité
|
Antécédent familial
|
Risque
|
4
Absent
4
1 parent ou fratrie
4
1 parent et fratrie
4
2 parents
4
2 parents et un de la fratrie
4
2 membres avec même maladie
|
4
10 à 18%
4
20 à 38%
4
30 à 58%
4
40 à 58%
4
80%
4
50 à 80%
|
Les facteurs environnementaux incriminés dans
cette augmentation
La réduction des maladies infectieuses
bactériennes dans le bas âge pourrait modifier la polarisation du système
immunitaire vers une réponse lymphocytaire de type TH2 plutôt que vers une
réponse de type TH1 et romprait, ainsi, l’équilibre Th1/Th2.
Une augmentation de l’exposition à des
allergènes domestiques ou professionnels,
L’urbanisation et la modification du mode de
vie :
L’habitat : augmentation de la concentration
en allergènes
Le tabagisme (actif et passif),
Les polluants et irritants,
-
La modification des habitudes alimentaires :
-
Diversification précoce de l’alimentation chez le
nourrisson
-
Les « nouveaux aliments », les aliments complexes
-
Les nouvelles techniques de préparation ou de
conservation.
2.2. Les allergies graves
Les formes sévères d’allergie sont en
augmentation, multipliées par 5 en France entre 1980 et 1993.
Dans les études publiées, les aliments
représentent la première cause de chocs anaphylactiques.
Dans une série du service de l’Institut
Pasteur, l’allergie alimentaire est aussi la 1ère cause (39 % de
275 chocs).
Les aliments responsables de morts sont par
ordre décroissant de risque : les crustacés, les œufs, le poisson,
l’arachide, le soja, le lait, les noisettes, les noix de Pécan.
Il est important de se rappeler qu’il s’agit,
dans 30% des cas graves, « d’aliments masqués ».
3.
TYPES D’ALLERGIE
3.1. L’allergie de type immédiat
Elle apparaît très rapidement après un contact
avec l’allergène. Les manifestations cliniques sont variables : une
urticaire, un choc anaphylactique, un angioedème, une rhino conjonctivite,
une crise d’asthme et certains eczémas.
Elle s'accompagne d'une sensibilisation
cutanée et biologique. L'allergène,
en contact avec les IgE, déclenche l'activation des mastocytes et/ou des
basophiles qui libèrent des
médiateurs, chimiques, principalement l'histamine et les leucotriènes,
mais aussi des cytokines et des chimiokines.
3.2. Hypersensibilité retardée dite cellulaire
Le temps nécessaire à la sensibilisation
dépasse en général 10 à 15 jours. La réaction survient 24 à 72h après le
contact avec l'allergène. Il n’y a pas de sécrétion d’anticorps. Cette
réaction implique principalement les lymphocytes T, à l’origine d’une
l’inflammation locale dermo-épidermique. L'eczéma de contact en est le
modèle.
Tableau comparatif des caractéristiques
de l’allergie immédiate et retardée
|
Type
d’allergie
|
« Immédiat »
|
« retardé »
|
Délai
moyen d’apparition après contact avec l’allergène
|
Rapide
(minutes, heures)
|
24
à 72 heures
|
Allergène
|
Grosses
molécules (glycoprotéines)
|
Petites
molécules chimiques
|
Médiateurs
et cellules
|
Anticorps
(IgE)
Mastocytes
et basophiles
|
Lymphocytes
T, cellules dendritiques de l’épiderme….
|
Clinique
|
Urticaire,
rhinite, asthme
Angio-œdème
Anaphylaxie
|
Eczéma
|
3.3. L'atopie
Un terrain “atopique” est défini par une
tendance, génétiquement
déterminée, à développer des signes d’hypersensibilité en réponse à des allergènes de l'environnement.
Les manifestations pathologiques ne sont pas
obligatoires.
Les facteurs prédisposant à l'allergie sont :
-
Des antécédents familiaux d’allergie,
-
Une élévation du taux des IgE,
-
Des tests cutanés positifs
-
La présence d’IgE circulantes spécifiques pour des
allergènes de l'environnement.
-
La faculté de produire des interleukine (IL4
& IL-5 )
-
La présence d’une éosinophilie.
3.4. Le choc anaphylactique
C’est une réaction allergique suraiguë
définie par Richet et Portier en 1901.
Les causes et les signes cliniques
Les causes de la réaction anaphylactique sont
variables, mais l’origine alimentaire est la plus courante. Devant une
anaphylaxie, une enquête s’impose à la recherche du phénomène
déclenchant : aliments, médicaments, piqûre d’hyménoptères, latex,
etc.
Les manifestations cliniques sont variables
et sont résumées dans le tableau. :
Manifestations
|
Fréquence
|
4
Dermatologiques (tous confondus)
4
Urticaire / Angioedème
4
Flush
4
Dyspnée / Wheezing
4
Gastro-intestinales
4
Hypotension
4
Rhinite
|
4
>90%
4
87%
4
50%
4
46%
4
30%
4
30%
4
18%
|
C’est une urgence dont il faut savoir
reconnaître les « petits signes » précurseurs, avant le choc
avéré. Il s’agit, le plus souvent :
-
de démangeaisons diffuses, parfois seulement aux
paumes et plantes
-
d’un malaise général,
-
de difficultés respiratoires : sifflements par
atteinte laryngée, gêne à la déglutition ou modification de la voix.
-
Le traitement
Un tableau, de choc anaphylactique
impose :
-
de l’adrénaline en injection I.M. (ou S.C..)
de 0,005 mg/kg, en 1ère intention, qui peut être renouvelé
-
une hospitalisation courte car l’évolution
peut être biphasique (recrudescence à la 24ème heure).
Les malades à haut risque peuvent avoir sur
eux un système auto-injecteur « Anapen™ ». Il existe deux dosages
0,05% (pour 10 à 20Kg) et 0,1% (au delà de 20kg).
4.
EXPLORATIONS DE LA MALADIE ALLERGIQUE
L’objectif de l’exploration est d’informer le
patient sur les mesures préventives à prendre selon sa sensibilité personnelle.
L’allergène reconnu, le patient en ne s’y exposant plus pourra prévenir les
réactions allergiques.
4.1. L’examen clinique
L’objectif
est d’évaluer :
le type clinique de la maladie, ses
manifestations
le mode évolutif chronique ou répétitif,
perannuel ou saisonnier
de rechercher à l’aide d’un questionnaire
détaillée le ou les allergènes responsables
de mettre en évidence que les réactions
allergiques surviennent en présence d’un allergène déterminé et
disparaissent en son absence.
4.2. Les tests cutanés
Deux catégories de tests sont utilisables
pour la reconnaissance de l’allergène responsable :
-
Le
Prick-test
-
Le
Patch-test.
Le choix se fera selon le type de symptômes
et le mécanisme allergique incriminés :
|
« Prick
test »
|
« Patch-test »
|
Indications
|
Signes
évocateurs d'allergie IgE dépendante (urticaire, oedème de Quincke, choc
anaphylactique, rhino conjonctivite, asthme)
|
En
présence d’eczéma
Pour
confirmer le mécanisme d’hypersensibilité retardé
|
Conditions
|
A
distance d'une poussée évolutive, d’une affection aiguë, d’une exposition
solaire et après interruption des médicaments interférant.
Réactifs
standardisés, (sinon non irritants, à concentration adaptée).
|
Conditions
identiques
|
Technique
|
Sur
l’avant-bras
Micro
scarification avec aiguille calibrée.
|
Sur
peau saine du dos
Une
petite quantité de la substance à tester est appliquée.
« Patch »
maintenu 48h.
|
Lecture
|
Immédiate :
15 à 20 minutes
|
48
à 72 heures
|
Cotation
|
Diamètre
de la papule comparé aux contrôles positifs et négatifs
|
« + » à
« +++ ».
|
4.3. Le dosage des IgE
Dans certains cas précis, on peut envisager
le dosage des IgE
Les IgE totales
Elles sont élevées dans 80% des cas en cas de
dermatite atopique et de syndromes dermo-respiratoires allergiques. Pour
ces affections le taux a une valeur pronostique.
Elles se trouvent à des taux élevés dans
d’autres pathologies :
-
parasitoses (helminthiases, scabiose…),
-
viroses (VRS, VIH…),
-
aspergillose broncho-pulmonaire allergique,
-
certaines maladies auto-immunes, certaines hémopathies malignes et
déficits immunitaires.
Les IgE spécifiques d’un allergène
Les anticorps, présents chez l’allergique
déjà sensibilisé, vont réagir de manière spécifique avec l’allergène
lorsqu’il est introduit dans l’organisme. Par activations en cascade, ils
vont induire les symptômes de l’allergie immédiate.
Leur forme circulante peut être recherchée,
par exemple pour les acariens, les pollens, des aliments comme l’œuf,
l’arachide….
Les tests «de dépistage »
recherchent simultanément des IgE spécifiques vis à vis d’un mélange
d’allergènes, ce sont des tests d’orientation.
5.
QUELQUES ASPECTS particuliers D’ALLERGIE
Sans aborder le sujet de l’asthme déjà traité
récemment dans le cadre de l’EPU, quelques mots sur l’eczéma et l’allergie
alimentaire
5.1. L’eczéma
5.1.1. Généralités
L’origine de l’eczéma de contact est
extrêmement variable : professionnelle, cosmétique, produits
d’hygiène, produits de bricolage, de jardinage, de sport. Les allergènes
les plus souvent incriminés sont :
Les métaux, en particulier le nickel, le cobalt,
le chrome. Le nickel fait l’objet de nouvelles recommandations européennes.
Les parfums et arômes : baume du Pérou,
huiles essentielles, cannelle, anis, lavande, vanille. Une directive
européenne imposera bientôt le signalement sur l’étiquette de 26
allergènes.
Les teintures capillaires, les tatouages
transitoires (= henné noir)
Le caoutchouc
Les médicaments à usage local :
antibiotiques, corticostéroïdes, les extraits végétaux, les AINS (sans
oublier le Kétum™ qui peut induire des photosensibilisation avec délai
d’apparition jusqu’à 2 ou 3 mois).
La fréquence de la dermatite atopique est
estimée entre 8 et 20%. Le pourcentage d'enfants atteints de dermatite
atopique, d'asthme ou de pollinose est chiffré à 30%, avec une fréquence
plus élevée chez les garçons.
5.1.2. Les traitements traditionnels de l’eczéma de contact
Les traitements topiques ont pour objectif de
calmer les démangeaisons et combattre l’inflammation et la sécheresse de la
peau.
Les dermocorticoïdes diminuent la
réaction allergique inflammatoire. Le traitement d’attaque utilise des
doses fortes qui sont progressivement diminuées. Il faut se souvenir qu’en
cas d’utilisation prolongée ils peuvent avoir des effets secondaires locaux
et généraux, notamment chez l’enfant jeune
Les soins quotidiens sont une part
importante du traitement. On utilise à cet effet des émollients et on
veille à une bonne hydratation de la peau.
5.1.3. Les nouveaux traitements ou les topiques immunosuppresseurs
Il s’agit d’immunosuppresseurs qui inhibent
la calcineurine et l’expression de cytokines inflammatoires comme l’IL 2,
l’IL5 ou le TNF alpha.
Actuellement deux macrolides
immunosuppresseurs topiques, voisins de la cyclosporine : le
tacrolimus (Protopic™) et le pimécrolimus (Elidel™) viennent d’être
approuvés par l’Agence du Médicament pour le traitement de la dermatite
atopique.
Ce sont des « médicaments
d’exception », coûteux qui nécessitent une procédure de prescription spécifique
de la part d’un pédiatre ou d’un dermatologue.
Pour le Protopic™ la posologie est la
suivante :
-
Adulte : 0,1%,
2 applications par jour jusqu’à guérison (parfois réduction à 0,03%
en consolidation).
-
Enfant : 0,03% 2 applications par jour pendant un
maximum de 3 semaines ; la dose est ensuite réduite jusqu’à guérison.
5.1.4. Les traitements du XXIème siècle
D’assez nombreux anticorps monoclonaux et
d’anticytokines sont en cours d’évaluation clinique.
L’un des plus avancé sur le plan clinique est
un anti IgE destiné à traiter l’allergie à l’arachide. Les premiers
résultats publiés par Leung (N Engl J Med 2003;348:986-3) ont apporté la
preuve de concept par une réduction du taux d’IgE totales d’environ 90%
associée à une réactivité pour l’arachide moins sévère. Ils font l’objet
d’études dans certains asthmes allergiques sévères.
5.2. L’allergie alimentaire
5.2.1. L’ampleur du problème
L’allergie alimentaire toucherait 3,5 % de
la population française. Elle n’est pas banale, car les formes aiguës
peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Les manifestations cliniques sont
variables :
-
Un œdème de Quincke ou angio-œdème,
-
Un choc anaphylactique, une anaphylaxie à l’effort,
-
Un syndrome oral de Lessof,
-
Une dermatite atopique, une urticaire (aiguë)
Principaux aliments et manifestations
en fonction de l’âge
|
|
Enfants
|
Adultes
|
Aliments
|
4
Œuf
4
Lait
|
4
Fruits de mer
4
Fruits
4
Légumineuses
|
Manifestation clinique
|
4
Dermatite atopique
|
4
Angio-œdème
|
5.2.2. Le cas de l’arachide
La prévalence de l’allergie à l’arachide est
en augmentation constante. Elle affecterait aux USA 1,5 millions de
personnes et serait directement responsable de 50 à 100 morts par an après
ingestion involontaire de traces d’arachide, car son éviction complète est
difficile à réaliser, en pratique (présence de l’allergène dans huile).
Les deux allergènes majeurs incriminés sont
dénommés : Ara h1 (viciline) dont il existe 23 épitopes connus et Ara
h7.
Les facteurs de risque : antécédents
familiaux d’allergie à l’arachide, présence d’atopie
Dans une cohorte de 13 971 enfants d’âge
préscolaire à Londres, 49 d’entre eux présentent une allergie à l’arachide
dont 23 avec une réintroduction positive (DBPC). Ces allergiques y ont été
exposés avant l’âge de 6 mois.
L’analyse a retrouvé les facteurs de risque
et les associations suivants :
-
Une consommation de lait de soja ou d’aliments
contenant de l’arachide
-
Des rashs des plis ou des articulations
-
Des rashs croûteux ou suintants
-
Les
facteurs de risque suivants pourraient expliquer l’augmentation de ce type
d’allergie
-
L’application d’huile d’arachide sur une peau
inflammatoire
L’association à une ingestion de protéines du
soja pourrait être mise sur le compte d’une allergie croisée /
légumineuses.
Il ne faut pas négliger les allergie
croisées : latex <-> fruits ; pollen <-> fruits.
5.2.3. Prévention
La prévention primaire peut être faite dès la
naissance dans les familles à risque allergique important
En réduisant l’exposition aux
allergènes : domestiques (pneumallergènes, cosmétiques...) puis
professionnels,
En retardant la diversification des
aliments : pas d’oeuf, arachide, poisson, fruits exotiques avant 1 an,
En recommandant l’allaitement maternel,
En prenant en compte ces données lors de
l’orientation professionnelle des jeunes allergiques, comme par exemple,
l’eczéma fait déconseiller la coiffure et les professions paramédicales
(gants de latex), tout en sachant que les allergiques peuvent se
sensibiliser
au contact de nombreux allergènes !
6.
LA DESENSIBILISATION
6.1. Les nouvelles règles
Il existe deux types de désensibilisation :
la forme « classique » injectable et la voie
« sublinguale » (non orale).
La désensibilisation par injection. Il faut
savoir que :
-
la technique est réglementée et impose que le
patient reste au moins 30 minutes.
-
on ne désensibilise pas vis à vis de tous les
allergènes.
-
la nouvelle réglementation limite le nombre
d’allergènes à 2 par flacons, s’il n’existe pas de réaction croisée. Il est
cependant toujours possible d’aller jusqu’à 5 allergènes différents s’il
existe une similitude de structure biochimique conduisant à une réaction
croisée constante comme pour les pollens des graminées.
Les extraits utilisables sont :
-
Le venin des hyménoptères,
-
Les acariens,
-
Les poils d’animaux : chat, chien,
-
Les pollens de graminées, de bouleau, de noisetier,
d’aulne, d‘olivier, d’armoise
-
La moisissure alternaria.
6.2. La voie sublinguale
Son intérêt principal est chez l’enfant.
Néanmoins, l’efficacité de cette voie
d’administration n’est pas encore validée car elle ne repose que sur des
études ouvertes et de rares essais contre placebo aux résultats
contradictoires.
Elle ne peut être généralisée car
l’efficacité doit être établie pour chaque allergène en comparaison avec la
voie classique.
Son innocuité, concernant les éventuelles
réactions générales et/ou des muqueuses, doit être démontrée pour chacun
des aliments responsables de manifestations allergiques.
|