EPU95-Montmorency
Affections Respiratoires
& Maladies Allergiques
Mise à jour du 24 Avril 2007
Embolie pulmonaire
DÉMARCHE
diagnostique & traitement
Dr Girard
Philippe
Pneumologue à l’Institut
Mutualiste Montsouris Paris 14°
Séance du 7 novembre
2002
La thrombose veineuse et l’embolie
pulmonaire sont liées : l’embolie pulmonaire est toujours une
complication de la thrombose veineuse.
Cette notion est ancienne et remonte à la
description princeps de Trousseau (1868). Dans le chapitre phlegmatia alba
dolens, il a très bien décrit tous les symptômes de la maladie qui donne
l’embolie pulmonaire, qui récidive avec de nouvelles embolies cause de mort
et donne une description parfaite de ce que l’on trouve à l’autopsie. A
cette époque, il n’existait aucune thérapeutique.
1.
EPIDEMIOLOGIE
1.1. L’incidence
L’incidence des phlébites et embolies pulmonaires (la
« maladie veineuse thromboembolique ») est grande : 1/1 000 habitants par an dans les pays
développés.
Vers 1975-80, il a été montré qu’il était nécessaire de
faire un diagnostic objectif de thrombose veineuse profonde (TVP), alors
qu’auparavant le diagnostic était purement clinique. A partir de ce
moment-là, l’incidence apparente de s EP et TVP a été divisée par deux.
Depuis, la fréquence a peu varié malgré les progrès
thérapeutiques. Une discrète baisse depuis les années 1990 semble se
dessiner, peut-être liée à une meilleure prévention.
1.2. Les facteurs de risque
D’abord l’âge :
l’augmentation de la fréquence augmente avec l’âge. Ce sont les personnes
âgées qui sont les candidats principaux à faire des accidents de TVP et
d’embolies pulmonaires (EP).
Parmi les maladies favorisantes, sur une étude de 6
000 patients, il est apparu que :
Conditions
|
Risque X par :
|
L’hospitalisation avec chirurgie
Les traumatismes
Le cancer sans chimiothérapie
Le cancer avec chimiothérapie
Les maladies hépatiques graves
|
21 (sans chirurgie :8)
12
4
6,5
0,1
|
Dans le cadre des cancers, la TVP ou l’EP
peut accompagner le cancer ou le précéder. Dans une étude sur des
patients présentant une TVP ou une
EP idiopathique et qui ont été suivies pendant 5 ans, un cancer va
apparaître chez 15 % d’entre eux.
L’embolie pulmonaire, comme l’a dit Trousseau, n’est
pas une maladie en soi, mais elle est toujours la complication d’une
thrombose veineuse. Elle survient au cours d’une thrombose veineuse
profonde non ou mal traitée, située dans plus de 80 % des cas (pour
certains 95 %) dans le réseau veineux cave inférieur (membres inférieurs et
pelvis).
2.
DIAGNOSTIC DES THROMBOSEs VEINEUSES PROFONDES
2.1. La spécificité de la clinique pour le diagnostic de TVP
Elle est faible, de l’ordre de 30%.
Si à la clinique, on additionne certains scores :
§
antécédents de TVP,
§
trauma,
§
intervention,
§
prise d’œstrogènes
on augmente un peu la spécificité à 75
%.
2.2. La phlébographie des membres inférieurs
Elle reste actuellement la référence, pour établir le
diagnostic.
2.3. Le dosage des D-dimères
C’est un examen intéressant dont il faut bien
connaître les limites :
4
Les D-dimères sont des produits de dégradation de
la fibrine è
un taux élevé de D-dimères sous-entend la présence de fibrine en train de
se lyser.
4
Le dosage des D-dimères, à la condition d’utiliser
une technique de référence, la technique Elisa, permet d’éliminer le diagnostic d’EP ou de TVP récente, lorsque leur taux est inférieur à 500
µg/l.. (récente veut dire globalement moins d’une semaine. Au-delà, le
dosage peut s’être normalisé et s’il s’est normalisé et alors qu’il y a eu
un caillot il y a 3 semaines, il n’est peut-être pas besoin de traiter
quelqu’un pour un diagnostic seulement suspecté)
Cet examen est très peu spécifique dans certaines
situations :
4
La chirurgie où le saignement et les caillots sont
fréquents,
4
Les traumatismes,
4
La grossesse pendant laquelle le taux de D-dimères
est élevé
4
Le cancer surtout s’il est évolutif ou métastatique
et/ou traité par chimiothérapie.
4
L’infection,
4
Le sujet âgé.
Une étude concernant des personnes âgées a montré
que :
4
Un taux inférieur à 500 garde une très bonne
sensibilité (98 %) même pour les patients âgés,
4
Seulement 10 % des personnes âgées présentant une
suspicion d’EP avec des D-dimères élevés ont une EP.
Une autre étude, chez des patients se présentant aux
urgences avec suspicion de phlébites a montré que chez les patients :
4
Sans cancer, 50 % d’entre eux ont un taux de
D-dimères normal ce qui permet d’éliminer le diagnostic une fois sur deux
4
Avec un cancer, cet examen ne permet d’éliminer le
diagnostic qu’une fois sur trois. Dans cette étude, il n’est pas donné de
précision sur le type de cancer ni sur le stade métastatique.
2.4. L’échographie veineuse
Le seul critère validé est la compressibilité de la
veine. La veine est compressible, il n’y a pas de caillot dans la veine.
D’autres techniques souvent couplées (doppler,
couleur) peuvent aider pour le repérage de la veine, mais le critère majeur
(indispensable) est la compressibilité.
La sensibilité (98 %) et la spécificité (97 %) sont
bonnes pour les veines proximales (poplitées et fémorales).
Par contre pour les veines distales et les veines
pelviennes et chez les patients asymptomatiques (suspicion d’EP pour
laquelle une échographie veineuse est demandée) la sensibilité de
l’échographie est moins bonne.
3.
DIAGNOSTIC D’EMBOLIE PULMONAIRE
3.1. Historique
De 1860 à 1960, le diagnostic était clinique ou lors
de l’autopsie
De 1960 à1995, l’angiographie pulmonaire et la
scintigraphie pulmonaire (Ventilation et de Perfusion) apparues en même
temps ont montré que la clinique était peu performante. Ce fut une période
où l’on ne voulait pas faire de diagnostic en dehors de l’angiographie.
De 1995 à ce jour, des stratégies diagnostiques
apparaissent, variables suivant les lieux où l’on réside et en fonction des
disponibilités des examens complémentaires. Il y a des stratégies validées
et d’autres qui ne le sont pas. Dans ces stratégies on inclut :
4
La clinique dont l’ECG reprenant un peu de place,
4
Les D-dimères,
4
Eventuellement, le scanner, la scintigraphie,
l’échographie cardiaque, l’angiographie avec adaptation à chaque patient, à
chaque entourage médical et hospitalier, suivant les pays en fonction de
leur disponibilité et de leur coût.
3.2. La Clinique
3.2.1. Trois grands tableaux :
2/3 des
patients se présentent suivant l’aspect typique d’infarctus pulmonaire
(douleur thoracique éventuellement associée à une dyspnée, une hémoptysie)
1/4 des
patients ont une dyspnée isolée
1/10 des
patients présentent d’emblée un tableau de collapsus circulatoire. Il
s’agit de l’embolie pulmonaire grave (non obligatoirement une embolie
massive car pouvant être liée à une « petite » embolie pulmonaire
chez un patient ayant déjà une insuffisance cardiaque et/ou respiratoire).
3.2.2. Elle ne permet pas de faire à elle seule le diagnostic d’EP.
Dans une étude de 365 patients sans antécédents
cardiaques ou respiratoires, et ayant tous eu une angiographie, la
suspicion purement clinique d’EP ne se trouvait confirmée que dans 30 % des
cas. Aucun signe clinique ne fut discriminant :
Résultat de l’angiographie Pulmonaire
|
Symptômes
|
E.P +
|
E.P. –
|
Douleur pleurale
|
66 %
|
59 %
|
Hémoptysie
|
13 %
|
8 %
|
Dyspnée
|
73 %
|
72 %
|
Œdème des M. Inf.
|
28 %
|
22 %
|
Douleur des M. Inf
|
26 %
|
23 %
|
Immobilisation
|
56 %
|
33 %
|
Chirurgie récente
|
54 %
|
31 %
|
Dans la même étude, comprenant 887 patients présentant
des signes de suspicion d’EP en y intégrant ceux qui avaient des
antécédents cardiaques et respiratoires), il était demandé au clinicien de
dire pour chacun d’eux ce qu’il pensait en terme de probabilité d’EP
(forte, moyenne, faible) avant l’angiographie, à partir de l’examen, de
l’interrogatoire, de l’ECG, des gaz du sang, de la radio du thorax. Parmi
les patients dont la probabilité d’EP était forte, le diagnostic était
confirmé dans 60 % des cas par l’angiographie.
Probabilité clinique d’EP
|
Forte
|
Moyenne
|
Faible
|
Confirmée par angiographie
|
60 %
|
30 %
|
9 %
|
Ainsi, la clinique et les examens de base permettent
d’orienter les patients dans une certaine mesure.
Certains ont même décrit des scores cliniques plus
élaborés. Dans une étude suisse, la probabilité « empirique » et
la probabilité à l’aide de « scores » donne les mêmes résultats.
3.2.3. La probabilité clinique doit être soumise à quelques réserves
Jamais seule : elle n’est pas suffisante pour
décider de traiter un patient, ou alors en attendant d’obtenir la
scintigraphie, scanner,… Elle est :
4
Une probabilité « pré-test » (à établir
avant d’avoir le résultat)
4
Validée pour des patients non hospitalisés, et pour
une stratégie donnée.
3.3. Les outils du diagnostic
Pour les D-dimères cf. ci-dessus le chapitre TVP
3.3.1. La scintigraphie pulmonaire
Elle est un examen non invasif et comporte 2
temps :
4
La scintigraphie de ventilation avec inhalation par
le patient d’un gaz radioactif (Tc, Kr)
4
La scintigraphie de perfusion avec injection par
voie intraveineuse de microbilles d’albumine marquée le plus souvent au
technétium. Les microbilles s’embolisent dans les capillaires pulmonaires
avec un comptage externe.
Il n’y a pratiquement aucune contre-indication à cet
examen, y compris la femme enceinte sous réserve de quelques précautions.
Une bonne scintigraphie doit avoir au moins 6
incidences (face antérieure, face postérieure, l’OAD, l’OAG, l’OPD, l’OPG)
Pour faire un diagnostic, il faut qu’au moins 2
segments soient hypoperfusés alors que la ventilation est normale dans ces
mêmes segments. Dans la pratique sur 100 patients adressés pour suspicion
d’EP :
4
13 % des patients ont une scintigraphie haute
probabilité (au moins 2 segments hypoperfusés avec ventilation normale)
4
14 % des patients ont une scintigraphie normale
4
73 % des
patients ont une scintigraphie « non diagnostique » (ne
permettant pas de dire s’il faut ou non traiter le patient)
C’est un examen qui coûte cher (Perfusion seule = 180
euros ; Perfusion + Ventilation = 360 Euros). Il y a peu de service
qui fonctionnent 24 h/24
3.3.2. L’angiographie pulmonaire
Il est l’examen de référence mais il est invasif.
Il nécessite la montée d’un cathéter si possible par
le bras, l’injection d’un produit iodé dans l’artère pulmonaire droite
(avec des clichés de face et de profil) et dans l’artère pulmonaire gauche
(avec des clichés de face et de profil). En règle, il nécessite 4
injections.
Sa sensibilité n’est pas meilleure que la
scintigraphie.
3.3.3. L’angioscanner ou scanner spiralé
Le scanner spiralé
Il a été introduit en 1992 par des Français, décrivant
la méthode (scanner + injection de produit iodé) et donnant comme résultat
sur 42 malades 100 % de sensibilité et 98 %de spécificité. Un biais à ces
résultats provient de ce que ces malades étaient sélectionnés.
Ce scanner a plusieurs détecteurs qui tournent autour
du patient et pendant l’examen le
patient est déplacé dans le sens longitudinal, ce qui permet d’obtenir un
mouvement spiralé et une succession d’images.
Injection de 100 à 120 ml du produit de contraste par
voie intraveineuse et ensuite lors d’une seule apnée (<à 10 secondes)
une série de 30 images d’épaisseur millimétrique d’excellente qualité peut
être obtenue avec des coupes qui ne se chevauchent pas.
Le radiologue peut faire défiler rapidement les
différentes coupes et ainsi facilement reconnaître les artères les unes par
rapport aux autres et reconnaître artères et veines.
Le diagnostic d’EP
Il est basé sur la vision du caillot dans l’artère.
Cet examen permet d’obtenir des fenêtres
parenchymateuses en faisant varier le contraste à l’intérieur du logiciel
pouvant mettre en évidence l’image triangulaire d’infarctus à base
pleurale. Ce dernier type d’image n’est pas suffisant pour affirmer l’EP.
Valeur du scanner spiralé dans le diagnostic d’EP.
En 2000, une étude américaine a repris les 15
meilleures études prospectives pour mettre en comparaison le scanner et
l’angiographie. Cette étude montrait la variation d’une étude à
l’autre :
-
la spécificité variait de 81 % à 100 %
-
la sensibilité variait de 53 % à 100 % (53% signifie que 47 % avec un angioscanner normal avaient
en fait une EP)
La conclusion de cette étude à laquelle la plupart se
rallie est la suivante :
4
Une image de caillot dans une artère segmentaire ou
lobaire au scanner suffit au diagnostic et nécessite le traitement. MAIS,
4
S’il n’y a pas de caillot ou seulement des défauts
de perfusion dans les artères sous-segmentaires, que faut-il faire ?
Une étude française portant sur 1 041 patients avec
suspicion clinique d’EP (vus en externe ou hospitalisés) avec comme
exclusion de l’étude la grossesse (encore que la contre-indication au
scanner soit relative), l’insuffisance rénale, l’embolie pulmonaire grave.
Les D-dimères n’ont pas été retenus car l’étude a concerné plusieurs
centres hospitaliers. L’examen scanner spiralé et un écho Doppler ont été
pratiqués chez tous les patients retenus.
4
Si le scanner montrait une EP où l’écho doppler une
thrombose veineuse ou les deux, il y avait un diagnostic et le patient
était traité.
4
Si étaient négatifs le scanner et l’échographie et
si la probabilité clinique d’EP était faible ou intermédiaire, les patients
n’étaient pas traités.
4
Pour les autres, il fallait adapter. Ceux qui
avaient une forte probabilité d’EP étaient soumis à d’autres examens de
vérification.
Les résultats de cette étude sont les suivants :
4
1/3 des patients (34%) ont une EP ou une TVP et
près de la 1/2 avait une Thrombose proximale (càd, au dessus du genou).
Parmi ceux-là, il y en avait qui avaient les deux examens positifs,
d’autres qui avaient le scanner positif et l’écho négative, quelques uns avaient
le scanner négatif mais l’échographie positive (5 %).
4
dans 10 % des cas, le scanner n’est pas de bonne
qualité et le radiologue ne peut donner de conclusion ou bien il en est de
même avec l’échographie.
4
Qu’est-il arrivé aux 507 patients qui avaient un
scanner et une échographie normales et une probabilité faible ou
intermédiaire et n’ayant pas reçu de traitement anticoagulant (certains
avaient des anticoagulants pour troubles du rythme,…). 1,8 % de ces
patients ont fait une embolie pulmonaire ou une phlébite dans les trois
mois. Ce taux est extrêmement faible avec un intervalle de confiance étroit
ce qui permet de considérer la stratégie comme bonne.
4
Si on différencie les patients venus en externe de
ceux qui étaient hospitalisés, le risque d’EP est :
o
Patients vus en externe (381) è
0,8 % (0,2 à 2,3%)
o
Patients hospitalisés (126) è
4,7 % (1,5 à 10 %).
Conclusions actuelle
Le scanner seul
est insuffisant pour éliminer une embolie pulmonaire ou une maladie
veineuse thrombo-embolique. Le scanner ne voit pas les petits caillots,
ce qui n’est peut-être pas très important s’ils sont isolés mais qui le
devient s’ils sont associés à une thrombose veineuse.
Un scanner négatif + une échographie négative
permettent de ne pas traiter un patient, si la probabilité d’EP est faible
ou intermédiaire.
3.3.4. L’échographie cardiaque
Elle peut montrer des caillots dans les cavités
droites.
A l’échographie transœsophagienne (ETO), des caillots
de l’artère pulmonaires peuvent être mis en évidence.
Cet examen n’est pas pratiqué pour faire le diagnostic
mais pour dire dans certaines situations si l’EP est grave ou non.
4.
TRAITEMENT DES EMBOLIES PULMONAIRES
Il n’est pas abordé ici le traitement préventif, sauf
pour dire que le Lovenox® est la seule HBPM qui a une AMM pour la prévention
de la phlébite et de l’EP en situation « médicale » (hors
chirurgie).
Traitement curatif de l’EP. Il faut distinguer le
traitement de l’EP grave du traitement de l’EP non grave.
4.1. L’embolie pulmonaire grave
Elle se définit
par une mauvaise tolérance hémodynamique (hypotension, choc, syncope,…) et
non par l’importance de l’embole. Il y a des embolies massives bien
tolérées et des embolies non massives mal tolérées.
La mortalité dans l’EP grave est élevée à 30 % (5 %
dans l’EP non grave).
Dans ces situations graves, pour déboucher rapidement
l’artère, on a parfois recours aux thrombolytiques :
4
Au tout début, la streptokinase fut donnée pendant
24 heures avec le risque de chute du fibrinogène à 0 g.
4
Vers les années 1980, l’urokinase fut utilisée à 15
000 UI/kg en bolus pendant 10 minutes. Le fibrinogène ne baissait pas et un
bon résultat hémodynamique était obtenu.
4
L’Alteplase® (rTPA) est actuellement le médicament
le plus employé aux doses utilisées dans l’infarctus du myocarde : 50
mg en bolus, puis 50 mg/h pendant 2 heures. Des études ont montré que 50 mg
en une seule fois était aussi efficace. Parfois, en quelques heures (24 h),
le caillot n’est plus visible au scanner. Mais en fait ce qui est recherché
c’est d’obtenir une amélioration rapide des résistances vasculaires
pulmonaires totales en fonction du degré d’obstruction vasculaire
pulmonaire.
Sur des poumons sains, jusqu’à 50 ou 60 %
d’obstruction vasculaire (équivalent d’une pneumectomie par ex.), il n’y a
pas ou peu d’augmentation des résistances vasculaires pulmonaires. Au-delà,
les résistances augmentent très vite.
Le rôle du thrombolytique dans l’EP est de réduire
l’obstruction vasculaire pour permettre une diminution des résistances
vasculaires pulmonaires et ainsi de passer d’une situation instable à une
situation tolérable sur le plan hémodynamique.
Dans ces situations d’EP graves, il ne serait pas
éthique de ne pas utiliser les thrombolytiques s’il n’y a pas de
contre-indication, la seule formelle étant une neurochirurgie récente.
4.2. L’embolie pulmonaire non grave
4.2.1. L’évolution naturelle de la TVP et de l’E.P non grave
Sans traitement, la TVP distale
4
L’extension vers la TVP proximale est de 25 %, ce
qui est beaucoup mais pas énorme.
4
Une prise en charge variable selon les pays :
o
Dans certains pays, ces TVP distales ne sont pas
traitées, mais sont surveillées par écho doppler. Le traitement
anticoagulant coûte cher et nécessite une surveillance. Si la thrombose
s’étend, le traitement anticoagulant est entrepris.
o
En France, la plupart des médecins s’accordent à
traiter par anticoagulant.
Sans traitement, la TVP proximale :
4
Se complique dans 50 % d’EP.
4
Si l’EP n’est pas traitée, le risque de récidive
est de 50 %. Et parmi les EP qui récidivent, une sur deux se termine mal.
4.2.2. Le traitement de l’E.P non grave
Les moyens
Le traitement repose sur les anticoagulants :
héparine, héparine de bas poids moléculaire (HBPM), antivitamine K (AVK)
Les études cliniques
Un essai a porté sur 600 patients qui ont reçu soit
une HBPM soit de l’héparine par voie veineuse à la seringue électrique
(traitement de référence). Pour tout le monde les AVK ont été commencés au
bout de 2 à 3 jours. Le critère d’évaluation était le nombre d’EP + le
nombre de thromboses veineuses + le nombre de décès + le nombre
d’hémorragies graves.
Résultats :
4
A J8, pas de différence entre l’emploi de l’HBPM et
l’héparine IV.
4
A 3 mois, la différence n’était pas significative
(à partir de J8, tous les patients n’avaient que des AVK).
C’est pour cette étude que l’Innohep® a eu une AMM
dans l’EP symptomatique. Les autres HBPM n’ont, théoriquement, une
indication que pour les TVP.
L’intérêt de ces produits, c’est qu’il n’y a pas
d’adaptation des doses. Il est nécessaire de surveiller le taux des
plaquettes 2 fois par semaine pendant au moins un mois (risque de
thrombopénie grave 1/1000).
Les autres HBPM ont une AMM pour les TVP mais pas pour
l’EP, même si dans leurs études parmi les patients traités pour TVP
certains avaient une EP.
La Conférence de consensus américaine donne une préférence
à l’HBPM par rapport à l’héparine IV.
Une réserve pour l’emploi de l’HBPM est l’insuffisance
rénale (contre-indication formelle si la clearance de la créatinine < à
30 ml/min, facilement calculée par la formule de Cokroft), car les HBPM
sont éliminés par voie urinaire d’où le risque de leur accumulation lors
d’une insuffisance rénale.
Lors du relais de l’HBPM par les AVK, il faut avant
d’arrêter l’HBPM ou l’héparine que l’INR pratiqué deux jours successifs
soit compris entre 2 et 3. Il convient de maintenir l’INR entre ces 2
chiffres.
En respectant le protocole, le risque de récidive de
TVP ou d’EP pendant le traitement est inférieur à 5 % et quand la récidive
se produit, c’est toujours dans les 2 à 3 premières semaines.
4.2.3. Rappel sur l’INR
Le sang est recueilli dans un tube avec anticoagulant.
Les GR sont enlevés. Au laboratoire on ajoute de la thromboplastine et l’on
regarde en combien de temps la coagulation se produit : temps de Quick
(TQ). Le temps de prothrombine (TP) est le temps de Quick en %. L’OMS a
demandé, il y a 15 ans, d’abandonner le TQ car la thromboplastine peut,
suivant son origine, avoir une sensibilité différente et donc donner des
résultats différents.
L’OMS recommande d’exprimer le résultat non pas en
secondes ou %, mais en INR = (TQ
malade /TQ du témoin) isi , où L’index
isi est un index de sensibilité internationale. Un INR à 2 veut dire
que la coagulation est deux fois plus longue que chez le témoin.
4.2.4. Durée du traitement
Trois options : 3 à 6 mois, au moins 6 mois, de 6
mois à toute la vie
4
Si l’EP est le premier épisode avec un facteur de
risque limité dans le temps (par exemple plâtre, et même en cas de mutation
du facteur V ou du facteur II), le traitement est au moins de 3 mois (entre 3 et 6 mois).
4
Si la TVP ou l’EP est idiopathique et même s’il
s’agit d’un premier épisode, il faut traiter au moins 6 mois.
4
Si la TVP ou l’EP est un premier épisode chez un
patient ayant un cancer associé et tant que le cancer n’est pas guéri
définitivement depuis plusieurs mois, ou ayant un syndrome des
antiphospholipides, le traitement est
au moins un an, voire toute la vie.
4
Chez les patients dont ce n’est pas le premier
épisode (récidive idiopathique ou pas, avec ou sans déficit de facteurs de
coagulation ou mutation de facteur de la coagulation), le traitement est au moins douze mois, voire toute la vie.
Il s’agit de schémas à adapter au cas par cas.
Comparaison de résultat entre 6 semaines de traitement
et 6 mois de traitement lors d’accident thromboembolique
idiopathique :
-
Traitement pendant 6 semaines : à 6 mois 10% de récidive et à 2 ans 20%
de récidive
-
Traitement de 6 mois : le taux de récidive à
l’arrêt des AVK reste plus faible dans le temps.
Dans tous les cas de phlébite, la prescription des bas
de contention est recommandée.
4.2.5. Les filtres Caves
Trousseau avait déjà imaginé que la prévention des EP
serait de mettre une « barrière » entre le caillot et le cœur. De
nombreux modèles de filtres ont été conçus depuis une trentaine d’années.
Certains peuvent se mettre par voie transcutanée.
4
Les filtres ne servent à rien pour prévenir
l’extension des thromboses veineuses ou leur récidive.
4
L’indication d’un filtre cave concerne seulement
les malades, qui ont une contre-indication formelle aux anticoagulants ou
chez qui leur emploi se solde par un échec (récidive de TVP ou EP malgré un
traitement bien conduit.
Référence : Conférence de consensus de
l’ACCP (American College of Chest Physicians), Chest 2001;119, supplément
de février.
|