EPU95
– Montmorency
Exercice
professionnel
Mise à jour du 28
Mai 2007*
Soins
palliatifs à domicile
Dr G. Desfosses
Chef
de service de l’unité de soins palliatifs - Institut de la Mutualité à
Paris
Séance
du 15 novembre 2001
1.
LA PROBLÉMATIQUE DES SOINS PALLIATIFS
1.1. La loi du 9 juin 1999
Même si les soins palliatifs ont intéressé
certains médecins depuis 10 à 20 ans, la définition en est récente.
La loi du 9 juin 1999 dit que :
« Toute personne dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des
soins palliatifs et à un accompagnement du malade et de sa famille ».
Cette loi a le mérite d’exister, elle
donne un droit général aux soins palliatifs et à un accompagnement ce qui
donne aux hôpitaux une autre dimension que purement technique, puisqu’il y
a une responsabilité d’accompagner le malade et sa famille. Mais, en même
temps, elle n’a pas défini précisément les personnes qui en relèvent. Elle
laisse aux médecins la responsabilité de dire quels malades y ont droit.
Cette loi générale ne présente pas de
restriction en ce qui concerne le lieu où les soins et l’accompagnement
peuvent être faits. De ce fait, ils peuvent être entrepris en
institution mais également à domicile.
1.2. Définition de la Société française des soins
palliatifs
Cette société a donné une définition des
personnes qui relèvent des soins palliatifs et qui a été validée par
le département de l’informatique médicale (PMSI) en lui donnant le code Z
51.5 :
« Les
personnes malades dont l’état requiert les soins palliatifs sont des
personnes atteintes de maladie grave, évolutive, mettant en jeu le
pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».
Les soins
palliatifs ce sont les soins terminaux qui se font plus en Unité pour soins
Palliatifs (USP) et les soins dans la phase avancée qui peut durer
plusieurs semaines ou mois lors de la prise en charge d’une maladie
incurable.
« Les
soins visent à améliorer le confort et la qualité de vie et à soulager les
symptômes. Ce sont tous les traitements et soins d’accompagnement qu’ils
soient physiques, psychologiques, spirituels et sociaux envers ces
personnes et de leur entourage ».
1.3. De quoi souffrent les patients qui relèvent de soins
palliatifs
L’étude a été faite à la Pitié en mai 1997
Elle avait pour objectif de concrétiser
les besoins de ces patients. Cette étude a été faite un jour donné au
niveau de tous les services (38) et pour chaque salle d’hospitalisation
(114 salles) pour recueillir le nombre de malades présents « atteints
de maladie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital en phase
avancée ou terminale », avec recueil des symptômes pour chacun d’eux.
Sur 1844 lits ouverts, 245 patients ont pu
être inclus dans cette étude. Pour un CHU court séjour cela représente 13 %
de l’activité clinique. A la Pitié, il y a 240 lits dans le Pavillon
Marguerite Gotard de moyen et long séjour et pour le reste c’est du court
séjour.
Les grands problèmes révélés
Cette étude a eu le mérite de montrer les
grands problèmes que l’on retrouve dans le cadre des soins
palliatifs :
4 La dépendance est présente chez + de 50% des patients, c’est-à-dire se situant au stade 4 et 5 de l’OMS
o stade 4 (alité + de 50% du temps éveillé) pour 29%
o stade 5 (alité à 100 % du temps éveillé) pour 27 %.
4 Une aide nécessaire pour manger dans 35% des cas.
4 Une communication non fiable avec le patient dans 44 % des cas
(lésions neurologiques, médicaments, confusion). Pour ces patients, une
hétéro-évaluation auprès des soignants a été nécessaire pour connaître
leurs besoins. Un inconfort physique a été évalué par les soignants
dans 66 %.
Les signes d’inconfort d’ordre physique
On retrouve, les signes suivants :
4 La douleur dans 50 % des cas,
4 Les tr. digestifs dans plus de 40 % des cas,
4 Les troubles du sommeil : 30 %
4 Les troubles respiratoires dans plus de 30 % des cas,
4 Les problèmes cutanés qui sont essentiellement des escarres,
4 Les troubles cognitifs à plus de 50 %
Dans cette étude, alors que l’on sait que
les soignants sous-évaluent l’importance des douleurs, les soignants
reconnaissent que chez 20% des malades, le traitement antalgique n’est pas
satisfaisant. Ceci montre la difficulté à ajuster les thérapeutiques
antalgiques chez ces patients.
L’association de ces symptômes est très
fréquente mais également : l’asthénie, la dépression, la perte
d’autonomie. Dans une étude en USP, la moyenne des symptômes en fin de vie
dont souffre un patient est de 13 symptômes différents
Sur le plan psychologique
Il ressort de l’étude un inconfort
psychologique chez 80 % des patients. Les actions menées sont
insatisfaisantes dans plus d’1/3 des cas. Ceci met en exergue la difficulté
pour les services hospitaliers à s’organiser pour une prise en charge
correcte des difficultés psychologiques de ces patients (en général par
manque de médecins ou de psychologues formés à ce type de prise en charge).
Sur le plan socio-familial
L’équipe soignante reconnaît :
4 Des problèmes importants dans 13 % des cas
4 Une souffrance de la famille dans plus de 50 %.
Cette dernière se sent mal armée pour
apporter une réponse à cette souffrance familiale.
Les difficultés sociales
Elles sont reconnues chez 35 % des cas.
Les difficultés sont : l’isolement (rupture familiale) qui entraîne
chez ces patients une grande souffrance avec souvent une perte de sens de
ce qu’il vive dans cette fin de vie, mais aussi des problèmes financiers,
de logement et de problèmes administratifs.
Dans les services de moyen ou long
séjour, plus de la moitié des malades ont moins d’une visite par semaine. Mais cela existe aussi dans les services de court séjour !
Dans le cadre de réseau, il est possible
de rompre partiellement l’isolement en ayant recours à des bénévoles ou à
des associations
1.4. La difficulté de repérer la fin de vie
A la question posée : quel traitement
spécifique (chimiothérapie ou radiothérapie ou chirurgie) dans les 15
derniers jours ?
4 Dans 45 % des cas il y a un traitement spécifique poursuivi, plus
souvent en court séjour (60 % sur 157 malades) qu’en moyen ou long séjour.
4 L’abstention thérapeutique est annoncée que dans 13 % des cas. Dans
cette phase de fin de vie, on a du mal à porter un diagnostic d’abstention
thérapeutique et majoritairement on continue la thérapeutique active.
Quand on demande quel objectif est attendu
des traitements, la réponse est :
4 Soit le ralentissement de l’évolution dans 60% des cas,
4 Soit la guérison dans 30%. Un certain nombre de malades considérés
en fin de vie peuvent aujourd’hui bénéficier de greffes de moelle dans le
cadre de maladie hématologique, ou de greffe d’organes. Ceci montre la
difficulté à définir ce qu’est la phase terminale chez un patient donné.
L’existence de traitement spécifique ne permet pas aujourd’hui de repérer
la phase toute terminale de la maladie. Soins palliatifs et soins curatifs
peuvent être intriqués, sans qu’il soit nécessaire de mettre une barrière
entre les deux types de soins.
4 Soit à visée psychologique !
Tout ceci concerne une étude en milieu
hospitalier. Mais même si le thème de ce soir est : « les soins
palliatifs en pratique de ville », ce tableau des besoins permet de
comprendre les attitudes qui doivent animer ceux qui envisagent de prendre
en charge de tels patients à domicile.
(On n’abordera pas ici le traitement
antalgique qui a été étudié lors de séances EPU antérieures)
1.5. Quelques réflexions sur la douleur à partir d’études
récentes
Enquête sur la prévalence de la douleur
En février 2000 à la Pitié, une enquête a
été faite sur la prévalence de la douleur en utilisant la même méthodologie
que précédemment (sur tous les patients présents à la Pitié un jour donné).
Un peu plus de 900 patients ont pu être retenus, ce qui correspond à une
prévalence de prés de 55 %.
Quand on demande au patient quelle a été
le niveau maximum de la douleur au cours des 24 dernières heures, par la
méthode de l’évaluation par l’échelle visuelle analogique (EVA), on a une
médiane à 60 mm correspondant à une douleur importante
4 EVA ≥ à 80 mm dans 25 % ce qui correspond à de fortes
douleurs
4 EVA < à 60 mm dans 25 %
On a classé les 472 patients douloureux en
fonction de l’ancienneté de la douleur par rapport à la date de
l’étude :
La durée de la douleur
Classement des douleurs en fonction de
leur date d’apparition parmi les patients hospitalisés 1 jour donné à
l’hôpital de la Pitié
Douleurs depuis :
|
moins de 24 h
24 h à 3 jours
3 jours à 3 mois
3 à 6 mois
plus de 6 mois
|
13 %
14 %
30 %
10 %
34 %
|
Il est intéressant de repérer 2 groupes
particuliers de patients douloureux :
Un premier groupe de 27% correspondant à
des douleurs récentes des deux premières lignes du tableau. Il s’agit
essentiellement de patients ayant des douleurs aiguës post traumatiques, ou
post-opératoires, de pathologie aiguë … nécessitant souvent des opiacés en
IV ou à la pompe, mais il s’agit de douleurs relativement faciles à
traiter.
Un deuxième groupe de 44 % correspondant à
des douleurs datant de 3 à 6 mois et de plus de 6 mois, correspondant aux
douleurs chroniques, rentrant dans le cadre d’un processus qui dure depuis
longtemps. Et là, la prise en charge de la douleur n’est pas simple car
bien souvent l’approche médicamenteuse seule ne suffit pas. Il faut y
adjoindre une approche médico-psycho-sociale. Ce que l’on retrouve dans le
cadre des soins palliatifs.
Les douleurs par crises
Parmi les patients douloureux, les
douleurs par crises sont très fréquentes (51%) le traitement de fond de
type Skénan® ne suffit pas, il faut des médicaments pour traiter les paroxysmes
douloureux. Ces patients ont besoin d’un traitement de fond et d’un
traitement aigu pour les paroxysmes. Certaines crises douloureuses sont
prévisibles (pansements, soins, brancardage, séances de radiothérapie) et
doivent être prévenues par un traitement ; d’autres ne sont pas
prévisibles et c’est le patient qui doit mettre en route le traitement
prévu à cet effet.
L’opinion des patients
Lors de cette étude on s’est intéressé de
l’opinion des patients à propos de la douleur (auprès de 730 patients). Elle
a été faite à partir d’un questionnaire dont certaines propositions
étaient les suivantes :
Question
|
Réponse « oui »
|
Devient-on facilement dépendant
des médicaments contre la douleur ?
Faut-il garder les médicaments
pour une douleur plus forte ?
Faut-il savoir supporter sa
douleur ?
Un « bon patient »
évite t-il de parler de sa douleur ?
Si je parle trop de ma douleur,
le médecin pourrait-il négliger le traitement de ma maladie ?
|
52 %
50 %
35 %
35 %
22 %
|
Cette étude fait ressortir qu’il y a chez les
patients une peur à prendre des médicaments contre la douleur, mais
également un besoin non formulé d’avoir une bonne information sur ce qu’il
doit faire en cas de douleurs.
Dans une étude faite à l’Institut de la
Mutualité Montsouris, en 2001 suivant la même méthodologie mais sur un
milieu plus chirurgical et portant sur 188 patients, il ressort des
conclusions assez similaires :
4 70 % ont des douleurs dans les 24 dernières heures. (liée à une
prévalence plus grande du milieu chirurgical).
o Ici la médiane est à 5 cm (différence sans doute peu significative
par rapport à la Pitié)
o Au moment de l’enquête la douleur est à 2 cm (soit il y a eu une
réponse à leur douleur, soit c’est une douleur qui évolue par crise).
o On distingue les douleurs apparaissant lors des mouvements du
patient par lui-même (non prévisibles), et celles qui sont prévisibles
(lors de transport à la radio, … par exemple) où un traitement
préventif est à instaurer.
4 30 % des patients se plaignent d’effets secondaires au traitement
antalgique, ce qui est important. Les effets secondaires doivent être
prévenus surtout les nausées et la constipation.
Si on demande aux patients s’ils sont
satisfaits, ils répondent à 90 % qu’ils le sont, alors qu’ils ont eu des
douleurs (médiane à 5) au cours des 24 h précédentes. Cette réponse peut
s’expliquer car les patients peuvent trouver normal d’avoir mal après une
opération mais aussi parce qu’on s’est bien occupé d’eux.
2.
ORGANISATION DES SOINS PALLIATIFS A DOMICILE
2.1. Les difficultés que le médecin peut ou va rencontrer
dans la prise en charge
L’étude de Pierre Vailler faite en 1996 a
essayé de lister les difficultés rencontrées à domicile pour développer les
soins palliatifs.
4 Le manque de formation des soignants sur la prise en charge de ces
patients,
4 La rémunération inadaptée (il s’agit d’une revendication car l’on
sait que les soins palliatifs nécessitent des actes longs et qu’il n’y a
pas de qualification qui permettent de pallier la difficulté) sauf dans le
cadre des réseaux aujourd’hui
4 Le manque de temps (quand on va chez ces patients, on risque d’y
aller pour 3/4 heure à 1 heure surtout si c’est les premières fois ou si le
malade ne va pas bien
4 Une mauvaise coordination ville-hôpital. C’est un thème qui ressort
régulièrement (sortie du patient un vendredi sans le dossier sans
information un peu en catastrophe, malade douloureux, … et il faut se
débrouiller).
4 La difficulté à travailler en équipe. Les soignants libéraux ont la
réputation d’être très individualistes et d’avoir même choisi ce mode
d’exercice pour être libre de l’organisation de son temps. Et il est vrai
que lorsqu’on veut développer les soins palliatifs il faut arriver à
développer des équipes ce qui exige de travailler autrement :
réunions, rencontres, temps de concertation et de partage avec les
infirmières et autres intervenants du domicile aide ménagère, assistante
sociale, etc…
4 20 % seulement des médecins pensent bien maîtriser les symptômes.
Ici on voit bien une difficulté ou un doute dans sa capacité à gérer les
symptômes d’un malade en fin de vie.
A domicile, le médecin va être confronté
beaucoup et en prise directe avec les familles. Ce travail à domicile ne
peut se faire que si le malade et ses proches acceptent et arrivent à
participer à cette prise en charge. Aujourd’hui dans le cadre des maladies
chroniques (évolution subaiguë qui dure souvent des années), il y a au fil
du temps un épuisement qui se produit surtout quand l’état se dégrade en
toute fin de vie (mauvais sommeil, nécessité de ramasser le patient tombé à
terre, …) qui ne peut plus faire face à la situation, à leur peur, leurs
angoisses. Cette situation nécessite de la part des soignants un temps
spécifique auprès de l’entourage pour l’aider à l’accompagnement de leur
proche nécessitant les soins palliatifs.
4 Le travail sur les émotions (relation à l’autre, souffrance, …)
que suscite l’accompagnement de patients en soins
palliatifs met souvent le soignant dans une situation de solitude,
nécessitant de sa part une grande énergie. Si le soignant est seul pour
gérer cette situation, il peut avoir un sentiment de mise à distance vis à
vis de ce travail sur les émotions, alors qu’en équipe et en USP on arrive
bien à faire ce travail par un partage plus facile.
4 L’imprévisibilité des situations, de
même que le recours possible à des soins 24h/24 suscitent un besoin de
sécurité pour les malades qu’il est difficile à organiser à domicile quand
on est seul. En réseau, on essaye d’anticiper le besoin en préparant très
tôt des ordonnances anticipatoires (sonde urinaire, pompe à morphine,
ampoule à morphine injectable même si le patient est traité par une forme
orale, produits antivomitifs, corticoïdes, sédatifs, …) pour pouvoir
traiter correctement même la nuit quand le besoin est là.
2.2. Le Réseau
Historique
Les soins palliatifs se sont développés
d’abord en U.S.P. ce qui a donné du crédit aux techniques pour traiter ces
malades en fin de vie. Les USP permettent d’accueillir des patients en
grande détresse, mais ces unités ne sont pas nombreuses et heureusement,
car elles ont un rôle de recherches cliniques et doivent servir de lieu de
ressources pour d’autres structures de soins palliatifs. Il faut que les
soins palliatifs puissent être faits partout avec l’aide d’équipes mobiles
formées, et également à domicile. Les soignants à domicile ont besoin des
U.S.P. comme lieu de référence, de formation, d’accueil de leur patient si
cela ne se passe pas bien.
Dans tous les cas, les U.S.P. seuls ne
suffisent pas pour faire face au besoin des soins palliatifs. Leur rôle est
de travailler avec ceux qui font des soins palliatifs de façon plus
quotidienne, c’est-à-dire le domicile, les services de court séjour et les
équipes mobiles.
La loi Soubie, au début des années 1990
permettait d’accorder des dérogations tarifaires pour des soins à domicile
dans le cadre de projet à visée « expérimentale ». Les conditions
étaient celles « d’une usine à gaz » et d’une grande complexité
d’où une faible efficacité, car en plus de 5 ans, il n’a été accordé en
France que dix réseaux.
Pour modifier l’organisation des soins à
domicile, il y a eu des alternatives par le Fond d’Aide à la Qualité des
Soins en ville (FAQS). Le FAQS a été mis en place en 2000 ce qui a permis
au premier réseau (celui mis en place par le Dr. Desfosses) résultant de
cette alternative de voir le jour au début 2001. Le FAQS ne finance pas
l’acte de soins et permet l’organisation des soins, leur coordination et
pour les médecins (MG qui s’engagent à prendre en charge des patients
nécessitant des soins palliatifs) il peut leur être donné en plus de leurs
honoraires une indemnité pour leur participation au réseau en termes
d’évaluation, de satisfaction des protocoles mais non le temps passé aux
soins.
Monter un réseau ?
C’est 4 ans de travail, pour que tout le
monde se rencontrent, se connaissent, s’aperçoivent qu’il ne s’agit pas
d’un enjeu de pouvoirs. Il faut rencontrer les médecins, les assistantes
sociales, les pharmaciens intéressés au réseau mais aussi les organismes
d’hospitalisation à domicile et aplanir les difficultés (non pas entrer en
concurrence mais travailler avec) ; dire ce qu’est un réseau, comment
on veut travailler pour que les personnes finissent par accepter de
participer.
Le fonctionnement du « Réseau Ensemble »
Il fonctionne sur trois arrondissements de
Paris (13° - 14° - 5°) avec une coordination depuis janvier 2001. Les
critères d’entrée dans le réseau sont les suivants :
4 Un pronostic vital réservé à trois mois (critère flou :
certains vont rester plus de 6 mois, d’autres décéder rapidement)
4 L’état de santé nécessite l’intervention d’au moins 3
professionnels du domicile dont un MG, un infirmier ayant besoin de se
coordonner.
4 Au moins 2 catégories de problèmes (douleur chronique, insuffisance
fonctionnelle sévère pulmonaire hépatique, de symptôme majeur autre que la
douleur : déchéance corporelle, troubles de la conscience, tr.
psychologique majeur).
4 Les maladies concernées : cancer, sida, maladies neurologiques
graves, pathologie gériatrique lourde, et les patients à polypathologie. Le
pronostic est parfois plus difficile à évaluer et leur évolution
imprévisible.
Pourquoi le réseau ?
« L’envie de travailler
autrement » c’est-à-dire l’envie de constituer des équipes à domicile,
d’établir des relations dans le cadre de réunions de synthèse hebdomadaire
pour comment organiser ou améliorer la prise en charge des malades. C’est
une autre façon de travailler pour les libéraux et pour l’hôpital et c’est
améliorer l’offre de soins à domicile. Les MG ne prennent jamais en même
temps plus de 2 malades qui relèvent de soins palliatifs.
La coordination se situe à plusieurs niveaux :
4 Lors d’une inclusion, la coordinatrice vient au domicile comme dans
le cadre d’une HAD pour évaluer les besoins du malade et de la
famille ; pour remplir le dossier d’inclusion. Le contact avec le
médecin traitant est nécessaire pour l’organisation de la prise en charge.
4 Le rapport de synthèse pour chaque patient, institué dans le cadre
du FAQS, contient un certain nombre d’éléments transmis par le médecin à la
coordination.
4 La réunion pluridisciplinaire une fois par semaine. Elle permet
d’entretenir des relations entre tous les membres de l’équipe.
4 L’existence d’un système d’alerte sociale avec possibilité de
recours à une assistante sociale (de l’arrondissement) en cas de personne
isolée, de personne à charge dépendante, ou des difficultés matérielles
importantes, …
4 L’existence d’une garde 24h/24 faite théoriquement par les médecins
du réseau. En pratique une partie des médecins ne peuvent plus faire les
gardes. Il y a toutefois un certain nombre de médecins du réseau qui y
participent pour les malades du réseau.
4 Le dossier médical informatique * a été mis en place avec les
garanties de confidentialité, de propriété et d’information. Il est
accessible par Internet par le médecin de garde à l’aide d’un code d’accès
lui permettant de savoir ce qu’à le malade, ce qui est prévu à domicile, et
en cas d’urgence. Il est mis à jour lors des réunions de coordination. Il
sert également de support de l’évaluation.
4 Une astreinte de médecins en soins palliatifs a été mise en place à
l’USP pour les médecins du réseau en cas de soucis techniques. Ces médecins
d’astreinte ont également accès au dossier informatique du malade. Il y a
donc un système de double garde (une de terrain et une d’astreinte).
4 Il existe un dossier papier standardisé à domicile
Quelques remarques importantes du fonctionnement de la
coordination :
4 Le dossier de soin. Il y a un recueil et transmission des données
dans le cadre du système d’information du réseau. Cela est fait par la
secrétaire administrative du réseau. Il faut qu’elle soit en contact avec
le médecin traitant qui transmet les données.
4 La coordination au lit du malade, c’est la réponse à l’urgence et
la garde 24h/24.
4 La rehospitalisation à l’USP ou dans le service d’origine. Un lit
est tous les jours laissé libre pour pouvoir prendre une situation du
réseau nécessitant une réhospitalisation d’urgence en règle bien ciblée et
pour une hospitalisation courte (moins de 15 jours).
Les MG ne demandent pas tout le réseau
tout le temps, car celui-ci exige un travail en plus des soins qui est
lourd. Ce n’est pas l’argent qu’apporte le réseau qui motive le MG. Ce qui
l’intéresse c’est une qualité de soins et une sécurité de prise en charge,
mais en même temps il n’a pas envie de se taper tout le dossier du réseau.
En fait on est en train de faire une forme plus légère du réseau. Il y a
des patients qui rentrent complètement dans le réseau lourd et il y a des
formes plus légères pour lesquelles les besoins sont moindre (la garde ou
le conseil donné par le médecin) sans mettre en branle tout le système.
Les thèmes faisant l’objet d’un protocole de soins :
4 Evaluation et traitement de la douleur (pompes programmable, ce qui
permet la formation des infirmières pour l’utilisation, et des médecins sur
les prescriptions pour l’emploi des pompes)
4 Protocoles nutritionnels
4 Prévention et traitement des escarres
4 Prise en charge des dyspnées
Les protocoles avant d’être mis dans le
circuit du réseau sont étudiés sérieusement (méthodologie, recherche
documentaire, groupe multidisciplinaire, test de faisabilité,…).
Au sein de ce réseau, une équipe mobile
est en train de se mettre en place. Si un MG a besoin d’une évaluation à
domicile d’une situation, on peut avoir une infirmière formée aux soins
palliatifs qui vient au domicile et peut donner certains conseils pour la
prise en charge du malade : infirmière, kiné, pharmacien, matériel
nécessaire au domicile et si besoin on met en place tout le système du
réseau.
3.
REPONSES A DES QUESTIONS
3.1. Demande d’euthanasie en unité de soins palliatifs
En USP, il y a des demandes d’euthanasie.
Elles sont rares. En fin de vie, il y a 3 à 4 tableaux que l’on peut
voir :
4 Un tableau décrit par Michel de M’UZAN qui est un
psychanalyste : il s’agit de personnes qui ont une conscience
claire de ce qu’elles vivent, qui surinvestissent le monde avant de mourir
dans une avidité relationnelle en fin de vie. Elles profitent de la vie
avant de mourir. Son interprétation est de dire
que ces personnes cherchent à se mettre au monde avant de disparaître.
Tableau d’intensité de relations, de discussion, de réflexions, d’échanges
avant la mort.
4 Un autre tableau qui n’est pas rare : il s’agit de patients
conscients de ce qui arrive et qui, en apprenant qu’il n’avait plus de
traitement spécifique, vont régler certains problèmes en suspens, demandent le sacrement des mourants, et puis attendent la mort
en souhaitant qu’elle vienne vite. Elle peut tarder, sans qu’il y ait une
demande d’euthanasie, mais du fait d’une asthénie majeure il y a un
désinvestissement du bout de temps qui reste à vivre et qui paraît long
alors que la douleur n’est pas présente. Il y a une souffrance de cette
attente.
4 Dans certains cas, le patient peut formuler une demande
d’euthanasie, parfois avec véhémence (par exemple en traitant son
interlocuteur de cruauté mentale dans le sens où on l’oblige de rester en
vie et dans une démarche « je vous donne ma vie. Tuez-moi »). Il
faut tenter de réduire cette souffrance par une sédation en tout cas la
nuit.
4 Un autre tableau où l’on voit certains patients mourir sereinement
dans un détachement paisible. Ils savent qu’ils vont mourir, ils sont
tranquilles avec une paix intérieure et meurent sans angoisse apparente.
4 D’autres sont dans un état de grande confusion (20 %) et
d’agitation nécessitant une sédation ; plus souvent chez des personnes
âgées et très dénutries.
Pour répondre à la question sur la demande
d’euthanasie. Elles existent surtout lors de douleurs non contrôlées. En
dehors de ces cas, elles ne sont pas fréquentes.
Cela a été chiffré : une étude sur
plus de 600 décès, il y avait eu moins de 5 % de demande d’euthanasie.
Peut-être certains personnes en fin de vie la souhaitent mais n’osent pas
la demander ou peut-être parce qu’une telle demande serait à leurs yeux une
transgression de la loi humaine.
S’il existe une vraie relation avec le
patient et si celui-ci se sent en confiance, il osera dire qu’il en a
marre, qu’il en a assez, qu’il faudrait que la mort arrive … Ici, on voit
qu’il n’est pas loin de la demande.
La demande d’euthanasie en provenance de
la famille se rencontre, mais elle s’atténue quand la famille est impliquée
dans les soins, quand elle reste proche du malade, qu’elle voit qu’il ne
souffre pas, quand on la rassure que l’on fait tout pour qu’il ne souffre
pas, que l’on ne fait rien pour le prolonger, quand on prend beaucoup de
temps pour écouter leur angoisse, leur peur et quand on peut leur dire que
c’est peut-être un temps important pour la personne malade. Si le malade ne
demande rien, elle voit bien que la demande d’euthanasie c’est leur demande
et pas celle du malade. Il est vrai qu’il y a une souffrance de la famille
dans une attente qu’elle supporte mal. L’agonie est longue, souvent plus de
24 h, la famille supporte mal ce temps au bout de quelques heures, (c’est long
d’être assis auprès de quelqu’un qui a une respiration avec pause, à qui on
ne peut plus parler et qui s’épuise) … mais si le malade est calme, elle y
arrive.
3.3. Pourquoi s’est-on éloigné de la définition initiale
soins palliatifs qui ne concernaient que la phase terminale de la
vie ?
Au début, c’est vrai que le rôle des USP
ne concernait que les soins terminaux. Aujourd’hui il est accepté que
les soins palliatifs ne soient pas seulement les soins terminaux, mais
également les soins nécessaires à une maladie incurable en phase avancée.
Il n’y a pas beaucoup de sens à limiter les soins palliatifs aux derniers
jours d’une vie, les choses se jouent dès que le pronostic vital est engagé
pour le malade avec une prise en charge de la douleur, de l’angoisse, de
comment aborder cette question du temps compté. Si on commence à réfléchir
à la fin de vie uniquement sur les derniers jours ou les dernières semaines
c’est insuffisant. C’est sûr que le problème commence bien avant les
derniers jours.
Sur le fait que l’on soit sortie du cadre
très limité des soins palliatifs terminaux puisqu’on parle aujourd’hui de
soins terminaux et non terminaux, une étude a été faite à la Pitié sur la
validité métrologique de la définition de phase avancée ou terminale d’une
maladie grave. Il a été demandé à des médecins, des infirmières, à des
gens de soins palliatifs quels malades ils mettaient dans la définition
puis on a comparé les réponses. On a vu qu’il y avait un test de
concordance excellent, c’est à dire que toutes les personnes contactées
mettaient les mêmes malades dans cette définition.
Quant au rôle des USP, on n’est plus
actuellement dans une unité qui n’est là que pour les soins à la phase
terminale d’une maladie incurable. Actuellement, il y a 20 % de malades qui
sortent vivants. Ce sont des malades qui vont mal, que l’on prend, qui
retournent à domicile, ou bien des malades symptomatiques. Il y a aussi des
séjours que l’on appelle de « répit familial » pour des gens
suivis à domicile qui sont très lourds, que l’on prend pendant un
mois pour que toute l’équipe de soignants à domicile puisse
souffler ; puis ils retournent à leur domicile où ils retrouvent leurs
soignants ; on les prend avant que l’équipe ne craque.
3.3. Quel rôle pour les bénévoles ?
Les bénévoles ne sont pas là pour faire
des choses, pour être utiles dans le sens de faire des soins ou faire des
gestes. Il sont là pour apporter une écoute, une humanité et le regard de
la société. Ils assurent une présence auprès des malades, comme on peut
l’avoir à domicile. Ils peuvent intervenir dans les USP mais également dans
le cadre du réseau.
|