EPU95-Montmorency
Gastro-entérologie
Mise à jour du 19 Mai
2007
Incontinence
anale “IA”
Pr. D. Gallot
Chef
de service de chirurgie viscérale Hôpital Bichat
Séance
du 20 avril 2000
1. Introduction
L’IA est un problème de santé publique,
qui en France jusqu’à une date toute récente était très largement
sous-estimé. La première étude de Philippe Denis était très générale et
remonte à 7 ans. L’IA concerne :
4 1 à 2 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile,
4 30% des personnes de plus de 65 ans vivant en institution
4 1,1% de la population générale
En matière de santé publique tant en
France que dans les autres pays, le coût de cette pathologie atteint des
sommes très importantes.
4 Une étude de l’industrie de la recherche de 1984 a chiffré à 5 milliards
d’Euros par an les coûts induits par l’incontinence fécale.
4 Une étude plus récente de 1992 montre que pour un patient les coûts
de protection et de soins nécessités par l’IA est de l’ordre de 500€ /
mois.
L’IA pose un problème médical préoccupant.
Il s’agit, à l’inverse de l’incontinence urinaire, d’une pathologie
cachée, vécue comme une affection « tabou ».
Elle concerne surtout les femmes, et le
traumatisme joue un rôle important dans sa survenue. C’est une infirmité
très handicapante, avec pour conséquences l’isolement, le repli sur soi, un
retentissement psychologique et une dégradation de la qualité de vie ;
conséquences d’autant plus marquées qu’il s’agit de sujets âgés,.
L’IA étant une pathologie cachée, le
médecin généraliste ou le gastro-entérologue doit la rechercher devant des
tableaux qui a priori n’ont rien à voir avec une IA : le sujet vient
consulter pour des douleurs, de la diarrhée, une gêne. Il faut l’examiner
et si l’on apprend que le sphincter est un peu faible que dans les
antécédents on note une multiparité, ou des déchirures périnéales, ou le
recours au forceps pour l’un des accouchements, il faut penser à
l’incontinence fécale. Les femmes ne viennent pas vous dire :
« je perds mes selles ». Il faut avoir un interrogatoire dirigé
si l’on veut faire le diagnostic de cette pathologie.
2. Les mécanismes
de l’incontinence anale
Il y a à l’origine de l’IA plusieurs
mécanismes qui peuvent intervenir.
2.1. Les troubles de la sénescence
Avec l’âge survient :
4 Une diminution des performances des sphincters du muscle strié,
4 Chez la femme des troubles dystrophiques du muscle strié liés aux
modifications hormonales post-ménopausiques,
4 Des troubles neurologiques périphériques mais aussi dégénératifs
centraux qui doivent interférer avec une physiologie complexe,
4 Des troubles de la perception du besoin d’exonération.
2.2. Les troubles trophostatiques
Les modifications trophostatiques sont
liées :
4 A l’effondrement musculaire du plancher pelvien
4 A des modifications au niveau ostéo-articulaire : avec les hyperlordoses, la bascule du sacrum, le recul de la butée
coccygienne qui aboutissent à une verticalisation de l’intestin terminal et
à la suppression de la valve ano-rectale.
Ces modifications trophostatiques
jouent un rôle aussi important que l’altération du sphincter lui-même dans
la survenue de l’IA.
2.3. Hyperpression abdominale
chronique : constipation terminale
Chez les femmes que l’on est amené à voir
dans le cadre de l’IA, il existe presque toujours une constipation très
ancienne. Ces femmes ont ressenti pendant des
années le besoin d’aller aux toilettes pour évacuer leur rectum, et n’y
arrivant pas, elles poussent de façon importante répétée et quotidienne.
Cette constipation terminale, cette
dyschésie ou « anisme » à pour cause l’hypertonie paradoxale des
releveurs qui ne se relâchent pas au moment de la défécation
(dysfonctionnement musculaire)
4 Elle aboutit à ce que les anglais appellent « une défécation
traumatique par étirement » lors des efforts de poussée abdominale
répétée
4 Cette défécation traumatique persistante pendant 10, 20, 30 ans
entraîne à la longue non seulement une distension des muscles releveurs
mais également un étirement des nerfs moteurs des releveurs (les nerf honteux
internes) pour aboutir à une neuromyopathie par élongation.
Ainsi chez la femme âgée, s’associent, le
plus souvent, ces trois facteurs :
4 La défécation traumatique,
4 La diminution des performances musculaires du sphincter strié,
4 Les troubles trophostatiques modifiant la statique pelvienne avec
la verticalisation de l’intestin terminal et la suppression de la valve
anale.
La neuromyopathie qui en résulte aboutit à
un effondrement musculaire et à une incontinence anale.
2.4. Les traumatismes directs
A côté des mécanismes précédents, l’IA
peut être la conséquence de traumatismes directs :
4 Les ruptures sphinctériennes et avant tout les ruptures du
postpartum
4 Certaines complications de la chirurgie proctologique par malfaçons
opératoires notamment de la cure des abcès et/ou de fistules anales,
4 Certaines modifications de la statique pelvienne liées à des
interventions chirurgicales, notamment l’hystérectomie,;
4 Des traumatismes plus rares et inhabituels qui peuvent aboutir à la
destruction du canal muqueux aboutissant à « une incontinence
sensible » par perte du besoin de défécation avec un muscle strié
intact ;
4 Les traumatismes de la voie publique avec dysjonction symphysaire
majeure qui déchire complètement le plancher pelvien.
3.
La prise en charge de l’incontinence anale
Dans la pratique il y a une intrication de
ces différents mécanismes. Actuellement le recrutement du service
chirurgical est essentiellement féminin : sur 120 patients
seulement 12 hommes.
Cette constatation est faite par les
différentes équipes chirurgicales s’intéressant à la question, sans qu’une
explication puisse être donnée.
Cependant les études épidémiologiques
montrent une équivalence de l’IA dans les deux sexes et même après 65 ans
une prédominance masculine.
La prise en charge chirurgicale ne
concerne actuellement qu’une minorité de patients. Ce sont :
4 Les I.A. traumatiques par
o Rupture sphinctérienne (essentiellement déchirure du postpartum)
o Destruction de la muqueuse canalaire, ce sont les incontinences
sensitives ;
4 Les incontinences par détérioration fonctionnelle qui sont peut
être les plus fréquentes, mais dont la prévalence est actuellement
inconnue.
3.1. D’abord reconnaître
l’incontinence anale
Circonstances du diagnostic
La situation est totalement différente
selon que l’on est amené à voir un patient :
4 En institution où l’IA est évidente : le linge, les vêtements
sont souillés ; tout le monde le voit et donne l’information.
4 Autonome et qui vient consulter au cabinet. La consultante ne
parlera pas de son IA. (c’est une pathologie qui est cachée au médecin).
Elle parle facilement de son incontinence urinaire qu’elle rattache au
traumatisme obstétrical mais pas de son incontinence fécale.
L’interrogatoire
Il faut reconnaître l’incontinence :
4 Par l’interrogatoire et par l’examen du linge,
4 S’enquérir sur son ancienneté,
4 En précisant ses facteurs déclenchants. Ce peut être des accidents
d’incontinence transitoires, temporaires et sans gravité liée à une
modification du transit ou une pathologie infectieuse ou la prise de
médicament,
4 Eliminer une affection neurologique centrale : dans cette
situation, le chirurgien ne peut pas faire grand chose, encore que…,
4 Apprécier la sévérité de l’IA et son retentissement sur la vie
quotidienne, familiale, sociale.
o Est-elle totale ? : persistant même lorsque les selles
sont solides
o Est-elle permanente ou non ?
Les données de l’interrogatoire vont
déterminer les éléments de prise en charge.
L’interrogatoire en outre :
4 Doit rechercher une incontinence urinaire associée, car elle existe dans environ 90 % des cas lorsque l’incontinence
fécale est totale mais la prise en charge thérapeutique est rarement
concomitante :
o La patiente a souvent été opérée et parfois plusieurs années
auparavant par un gynécologue ou un urologue de leur incontinence urinaire.
o Seulement 10 % des patients ont un traitement simultané de leur
incontinence urinaire et fécale.
o Il faut savoir que leur physiopathologie est commune par
effondrement musculaire et neuropathie mais aussi que la constitution d’un
fécalome qui est une cause de fausse incontinence fécale est favorisée par
l’existence d’une incontinence urinaire et par le trouble physiologique
qu’il entraîne.
4 Préciser les antécédents obstétricaux et gynécologiques.
L’examen clinique
Il doit s’assurer de la vacuité du rectum.
il faut s’assurer qu’il s’agit bien d’une incontinence et non pas d’une
fausse incontinence par fécalome. Lorsque l’anus est béant il laisse voir
le fécalome, sinon le TR permet de constater une ampoule rectale pleine de
matières.
Le fécalome
C’est une incontinence anale par rectum
plein comme le dit Philippe Denis ou fausse incontinence par
regorgement si l’on veut faire un parallèle à la fausse incontinence
urinaire.
Le fécalome est favorisé par la
constipation de transit, les troubles des facultés cognitives, et la perte
de la sensibilité rectale.
Devant la situation de fécalome, il faut
évacuer le rectum au besoin par manœuvre digitale et ensuite faire en sorte
que le fécalome ne se reproduise pas.
4 Rechercher un prolapsus rectal en décubitus latéral, membres
inférieurs repliés et bascule du bassin pour favoriser le relâchement des
muscles pubo-rectaux, et en exigeant une poussée abdominale. S’il existe,
il faut en priorité le traiter.
4 Apprécier l’état du périnée, la musculature et évaluer l’épaisseur
et le tonus de l’appareil sphinctérien en particulier en avant car les
ruptures obstétricales sont toujours commissurales antérieures. La rupture
est évidente lorsqu’à l’examen il y a une diminution de la distance
ano-vulvaire, ou une atténuation des plis radiés sur un des secteurs du
sphincter. Souvent l’aspect des parties molles est conservé et s’est au
toucher bidigital que l’atteinte sphinctérienne sera mise en évidence.
3.2. Les examens complémentaires
Le contexte
Peut-on faire des examens complémentaires ?
Réponse : oui. !
Peut-on en tirer des informations
importantes ? Cela est beaucoup plus discutable !
Les examens complémentaires
Les examens suivants peuvent être
pratiqués :
4 Le temps de transit colique aux marqueurs, pour rechercher une constipation de transit ; celle-ci
pouvant en cas de prolapsus rectal constituer une contre indication à une
rectopexie banale.
4 Le rectogramme va permettre de rechercher un trouble de la
statique rectale quand il n’existe pas de
prolapsus extériorisé.
4 L’échographie anale est sans doute l’examen le plus important qui donne l’image de la rupture sphinctérienne (image de defect).
En fait avec un minimum d’expérience, la rupture commissurale antérieure du
post-partum est reconnue cliniquement très facilement. L’image échographique
de la rupture sphinctérienne est un document médico-légal absolument
indispensable.
4 La manométrie ano-rectale permet de reconnaître l’hypotonie par l’effondrement des pressions aussi bien dans la position de
repos quand il y a une rupture du sphincter interne que lors d’effort
volontaire.
4 L’étude du volume maximal tolérable,
c’est l’étude du volume que peut contenir l’ampoule rectale avant
d’expulser. Elle permet de reconnaître :
o Les mégarectums fonctionnels comme on le voit fréquemment dans la
constipation de transit,
o Les petits rectums intolérants où l’appareil sphinctérien est
beaucoup plus souvent sollicité et dont le résultat de la réparation
fonctionnelle sera plus incertain dans cette condition.
4 L’électromyogramme « EMG » peut
utiliser deux techniques :
o La myographie classique monofibre qui donne une cartographie de
l’altération du muscle strié. C’est une façon de quantifier l’altération du
muscle strié dont l’intérêt n’est pas considérable.
o La mesure du temps de latence distal du nerf pudendal (nerf honteux
interne) technique qui relève encore de la recherche clinique. Ses
résultats sont relativement incertains et leur interprétation discutée.
§ Au cours d’une défécation traumatique ou bien lors d’un
accouchement, le plancher pelvien est distendu par un effort de poussée
brutale et avec lui le nerf pudendal dans son segment distal. En effet, le
nerf honteux interne vient des racines sacrées et rentre dans le pelvis en
contournant la grande échancrure sciatique ; il est bloqué à ce niveau
par l’aponévrose qui recouvre le muscle et il ne peut se distendre que dans
sa courte portion distale, lors de la distension musculaire.
§ Par cet examen, ce qui est mesuré ce sont les anomalies qui peuvent
survenir sur cette portion distale du nerf et ainsi l’atteinte nerveuse
peut être quantifiée.
Au total
Aucun des examens complémentaires ne va
modifier le geste réparateur d’une rupture sphinctérienne (confirmée par l’échographie endo-anale).
Il n’a pas été démontré que ces examens
avaient un intérêt pronostique de la réparation de la rupture
sphinctérienne. Ils sont donc d’un intérêt limité et à discuter cas par
cas :
4 En cas d’inefficacité des moyens médicaux devant les incontinences
anales invalidantes,
4 Selon les antécédents, la tension, l’état général, l’espérance de
vie,
4 Et seulement si une solution chirurgicale peut être valablement
envisagée.
4.
La prise en charge en fonction du mécanisme
4.1. L’IA traumatique par rupture
sphinctérienne
4.1.1. Trois tableaux d’IA
Ils peuvent être décrits en fonction du traumatisme :
4 Les ruptures lors d’accidents de la voie publique sont
exceptionnelles : 3 cas sur 120 patients.
4 L’incontinence par malfaçon chirurgicale, c’est à dire rupture du
sphincter externe par le chirurgien ou par l’élastique d’un drainage en
setton,
4 Les ruptures postpartum qui constituent la très grande majorité des
ruptures traumatiques.
4.1.2. Le diagnostic d’IA
Il est essentiellement clinique, la
confirmation par écho-endoanale est indispensable.
4.1.3. Le traitement
Il est simple : si la rupture
entraîne une incontinence, il faut la réparer.
4.1.4. Les ruptures sphinctériennes obstétricales
Le contexte
4 Elles peuvent intéresser soit le sphincter interne, soit le
sphincter externe, soit les deux.
4 L’incontinence anale précoce est très rare,
4 Il s’agit d’une rupture commissurale antérieure,
4 Elle est longtemps compensée par le jeu normal des muscles du
plancher pelvien ;
o Le chirurgien est amené à prendre en charge les incontinences qui
se démasquent jusqu’à 20 ans après le traumatisme obstétrical, au moment de
la ménopause par exemple
o Ce sont en fait des IA multifactorielles où la rupture
sphinctérienne est associée aux conséquences de la neuropathie d’étirement
liée au traumatisme obstétrical et pratiquement toujours à la constipation
terminale et où la rupture favorise la décompensation sélective elle-même
aggravée par les troubles liés à l’âge.
4 La reconstitution anatomique est toujours indiquée quand
l’incontinence est totale et permanente, quel que soit l’âge et quelle que
soit l’ancienneté de la rupture.
L’angle ano-rectal
Il représente le cap anal des anatomistes.
Il mesure au repos environ 90°. Il est la conséquence de l’attraction vers
l’avant de l’intestin terminal par le muscle pubo-rectal qui est le
faisceau le plus interne des releveurs du plancher pelvien.
Le muscle pubo-rectal cravate par en
arrière l’intestin terminal, l’angule et réalise une sorte de valve
puisque toute hyerpression abdominale va plaquer la paroi antérieure de
l’ampoule sur l’orifice interne du canal anal et l’obture.
Cette valve a une efficacité telle, que
l’on peut être parfaitement continent avec une rupture sphinctérienne tant
que l’on a des muscles qui fonctionnent normalement.
C’est pour cela que les ruptures
sphinctériennes de la femme jeune du post-partum n’entraîne
qu’exceptionnellement une traduction fonctionnelle tant que la femme a de
bons muscles. La rupture sphinctérienne est habituellement compensée.
La verticalisation de l’intestin terminal
(effacement du cap anal) liée aux phénomènes de sénescence supprime l’effet
de valve : le sphincter est alors beaucoup plus directement sollicité
pour le maintien de la continence. Ainsi s’explique la décompensation
secondaire, parfois très tardive des ruptures sphinctériennes
obstétricales.
Le taux de rupture sphinctérienne
Après le premier accouchement, il est de
20% (statistique de Bichat provenant d’un excellent service d’obstétrique).
Ce chiffre est relativement inférieur à celui publié par les anglais (30%).
Toutefois seulement 1% de femmes se
plaignent au décours de l’accouchement de trouble de la continence (avant
toute rééducation).
Cette discordance entre la fréquence des
ruptures et la rareté des troubles de la continence précoce s’explique par
l’anatomie. La sangle pubo-rectale reste efficace chez la femme jeune. La
décompensation n’apparaîtra qu’ultérieurement quand les autres facteurs
viendront s’associer à la rupture.
La rééducation
Elle n’apporte aucun bénéfice lorsque
l’incontinence anale est totale. Elle peut être utile et redonner le
confort quand l’incontinence est modérée.
Il y a dans toutes les séries un petit
pourcentage d’échec (10 %), ce qui a fait rechercher les éléments de
pronostic. Actuellement trois sont à l’étude :
4 l’âge,
4 l’importance du défect,
4 la neuro-myopathie.
Mais aucun de ces éléments ne peuvent
servir de critères pour modifier la prise en charge. L’élément le plus
important du pronostic reste la qualité de la réparation anatomique
contrôlée par l’échographie endo-anale.
L’intervention
Elle peut se faire sous anesthésie
loco-régionale rachianesthésie, péridurale mais pour le chirurgien et le
patient l’anesthésie générale est plus confortable.
L’incision arciforme est centrée sur la
rupture (en général antérieure). On ne commence pas la dissection par la
ligne médiane mais latéralement et l’on va dans le plan intersphinctérien
entre le sphincter interne qui est blanchâtre et le reliquat du sphincter
externe, pour passer dans une zone avasculaire et en revenant vers la ligne
médiane en préservant parfaitement le canal muqueux et la musculeuse du bas
rectum.
La dissection faite, on répare si besoin
le sphincter interne puis le sphincter externe. La fermeture du plan cutané
est souvent un temps difficile car l’incision arciforme antérieure a
tendance à se verticaliser et le rapprochement cutané se fait souvent sous
tension. Ceci entraîne parfois un séjour hospitalier un peu long en raison
des soins que nécessite l’impossibilité de la fermeture cutanée.
Cette intervention peut se faire sous
couvert d’une colostomie de dérivation, mais celle-ci n’est pas
systématique et l’avantage statistique n’a pu être mis en évidence. Dans
des cas particuliers la stomie de dérivation doit être envisagée
(réintervention avec présence de tissu fibreux, maladie de Crohn,…) ou
quand une suture de la muqueuse a du être faite.
Les résultats de ces réparations vont
de 70 à 95 % de bons résultats avec une continence
correcte. Pour juger du résultat des séries rapportées, il faut
s’intéresser au score de continence et au recul post-opératoire :
Le score de continence.
Il y a de nombreux scores de continence
plus ou moins complexes. Le Pr. Gallot est resté fidèle à un score simple
qui comprend 4 stades :
Stade
|
Morbidité %
|
A
B
C
D
|
Continence normale
Incontinence aux gaz
Incontinence aux selles liquides
Incontinence totale
|
Les stades A et B sont considérés compatibles avec une vie normale.
Les stades C et D incompatibles avec une vie normale rentrent dans le cadre des
incontinences graves.
Si on a ce résultat au décours d’une
intervention, c’est un échec.
Le recul post-opératoire.
Dans l’étude du Pr. Gallot il y a une
dégradation des résultats avec le temps. Pour 60 opérés avec un recul de 7
1/2 ans on a :
4 80% de bons résultats à 1 an
4 70% au terme de l’étude.
Cette dégradation semble provenir du fait
que les patientes opérées ont au moment de l’intervention une
neuro-myopathie qui va continuer à évoluer après l’intervention. Dans cette
hypothèse il semble, bien qu’on ne puisse l’affirmer avec certitude, que
les ruptures obstétricales ont une détérioration plus importante.
4.1.5. Quelques cas particuliers
Lorsqu’une suppuration persiste
Il faut mettre à plat (ce peut être une
intervention de type Musset).
Les ruptures latérales
Elles peuvent être d’origine
post-traumatiques vraies ou post-chirurgicales.
Elles sont en principe immédiatement
invalidantes, à la différence des ruptures commissurales. Le principe de la
réparation est le même et leur pronostic est le même (le siège et l’absence
de neuro-myopathie n’influent pas sur le pronostic).
Les ruptures isolées du sphincter interne
Elles donnent des incontinences aux gaz
qui sont parfois gênantes, et sont exceptionnellement une indication à la
chirurgie.
La maladie de Crohn et les lésions radiques
Ce que l’on peut réparer dans la maladie
de Crohn ce sont les malfaçons chirurgicales, c’est à dire les ruptures
sphinctériennes faites par un chirurgien lors d’un traitement d’un abcès ou
fistule anale ; mais on ne peut jamais réparer les ulcérations
térébrantes crohniennes qui détruisent le sphincter. Il en est de même pour
les lésions radiques.
4.2. Les Incontinences traumatiques
sensibles
4.2.1. Le contexte
Les incontinences traumatiques sensibles
sont dues à une disparition de la muqueuse sensible. Ici tous les
mécanismes moteurs de la continence ( la contraction du sphincter interne,
la relaxation du réflexe anal inhibiteur, la contraction réflexe du
sphincter externe) existent mais ne peuvent être mis en jeu par le perte de
la sensibilité anale muqueuse.
De telles incontinences sont très rares et
la cause la moins exceptionnelle est la « nécrose des ponts
muqueux », survenant surtout après traitement radical des hémorroïdes
enlevant la totalité de la circonférence du canal anal. Normalement il faut
laisser au moins 3 ponts de muqueuse sensible pour qu’il y ait un mécanisme
de continence normale.
4.2.2. Le traitement
Cette incontinence traumatique sensible se
traite en recréant un canal sensible avec la peau de la marge anale :
4 incision circonférentielle à 3 cm de l’orifice anal jusqu’à
l’aponévrose superficielle
4 attraction spontanée vers le haut de cette bande cutanée
circonférentielle par les fibres profondes de l’appareil sphinctérien au
cours même de l’intervention.
4.3. Les incontinences liées à une
détérioration fonctionnelle
Cette pathologie est essentiellement celle
du sujet âgé. Sa prévalence n’est pas encore bien étudiée.
Quand on reconnaît l’incontinence, il faut
éliminer :
le
diagnostic de fécalome,
le
prolapsus total du rectum.
4.3.1. Les incontinences fonctionnelles associées à un
prolapsus total du rectum
Le contexte
40 à 80 % des prolapsus totaux du rectum
s’accompagnent d’une incontinence anale. Les mécanismes sont divers :
4 La distension progressive, répétée de l’appareil sphinctérien par
le boudin du prolapsus ;
4 Les anomalies du réflexe recto-inhibiteur. La contraction du
sphincter externe se fait après perception de l’arrivée du bol fécal et
fermeture du sphincter anal. Quand le boudin du prolapsus est en permanence
dans le canal anal, le réflexe ne se fait pas et il n’y a pas de
contraction du sphincter d’où perte de la continence.
A-t-on besoin d’examens complémentaires ?
Quand le diagnostic d’IA fonctionnelle
associée à un prolapsus rectal est posé, aucun examen complémentaire n’est
utile si ce n’est ceux que l’anesthésiste demandera.
Le traitement
C’est celui du prolapsus. Deux grandes
catégories de traitement :
4 La rectopexie, intervention
par voie haute sous anesthésie générale consistant
à fixer avec deux bandelettes le rectum sur le promontoire. La rectopexie
est l’intervention la plus efficace pour éviter la récidive de prolapsus
(< à 4 %). La constipation post-opératoire après rectopexie est
fréquente, de mécanisme complexe et il faut distinguer :
o L’aggravation d’une constipation de transit préexistante,
o Une constipation apparue après l’intervention. A son
origine il s’agit :
§ Le plus souvent d’une constipation terminale (dyschésie) soit par
« anisme » qui était masquée avant l’intervention par le
prolapsus
§ Plus rarement, une malfaçon chirurgicale (sténose rectale par
hématome, excès de tension des bandelettes). Actuellement on insiste
surtout sur le « clapet » obstructif que peut réaliser la bascule
d’un long sigmoïde après reposition rectale – d’où les associations
thérapeutiques « résection-rectopexie » ; d’autre part sur
la possible blessure de l’innervation rectale et aussi sigmoïdienne
4 L’intervention de Delorme, par voie basse avec recours possible à une rachianesthésie, consiste en une
plicature de la musculeuse rectale après dissection de la muqueuse du
prolapsus extériorisé. Cette plicature réduit le prolapsus. Elle a pour
inconvénient d’entraîner un taux de récidive plus important et surtout de
beaucoup moins bien contrôler l’incontinence. Elle doit être réservée aux
patients chez qui la rectopexie n’est pas possible.
4 L’intervention d’Altemeier : résection du prolapsus extériorisé par voie basse, peut aussi être
indiquée chez un sujet très âgé, pour le traitement d’un volumineux
prolapsus
L’espérance de vie, et le contexte général
vont servir de guide pour le choix de l’intervention.
4.3.2. Les incontinences fonctionnelles ne s’accompagnant
pas de prolapsus
Contexte
Il faut éliminer d’abord une rupture
sphinctérienne méconnue par une échographie endo-anale. Si elle existe, on
revient au cas précédant. Sinon, on rentre dans le cadre de l’Incontinence
anale idiopathique des femmes âgées, actuellement dénommée
« incontinence neurogène ».
Ce sont des femmes qui ont un plancher
périnéal effondré, et une neuro-myopathie, mais sans rupture sphinctérienne
ni prolapsus rectal. L’effondrement du plancher musculaire pelvien a abouti
à une verticalisation de l’intestin terminal avec disparition du cap anal.
Comment traiter cette incontinence neurogène ?
Pendant une période il a été proposé une
myoraphie rétroanale , dite opération de Parks, consistant à refaire un
angle ano-rectal par suture derrière le rectum du muscle pubo-rectal.
L’amélioration qui est de 80 % n’est malheureusement que de courte durée.
On a ensuite proposé l’association
myoraphie pré et rétro-anale, dite « total pelvic floor repair ».
La myoraphie ante-anale consiste à fermer en avant le plancher pelvien.
Très bon résultat à court terme mais à 2ans seuls 51 % des patientes sont
améliorées par cette intervention (publication de juillet 1999 avec
contrôle systématique par écho endo-anale).
Devant les échecs secondaires des
techniques précédentes, actuellement une chirurgie de substitution est en
cours d’évaluation. Elle fait appel à deux techniques :
4 La graciloplastie avec utilisation du
droit interne de la cuisse dont l’extrémité inférieure est remonté et vient
cravater le canal anal. Il est stimulé électroniquement sur le modèle d’un
pacemaker.
4 La mise en place d’un sphincter artificiel, sur le principe du sphincter artificiel utilisé en urologie
depuis une vingtaine d’année : manchon siliconé placé autour du canal
anal relié à un vase d’expansion placé derrière la symphyse pubienne et
d’autre part à une pompe manipulée par le patient lui-même et placée soit
dans la grande lèvre chez la femme soit dans le scrotum chez l’homme. En
actionnant la pompe le patient vide la manchette et remplit le réservoir,
le sphincter reste ouvert une dizaine de minutes pour permettre
l’exonération, puis le manchon se remplit automatiquement passée la dizaine
de minutes. Au moment de l’intervention on laisse la manchette ouverte et
c’est un mois plus tard (temps de la cicatrisation) au cours d’une
réhospitalisation que le réservoir sera activé.
Ces deux techniques (150 graciloplasties
et 50 sphincters artificiels : ordre de grandeur des cas publiés en
août 1999) sont des techniques non validées et en cours d’évaluation. Pour
le moment, les résultats seraient semblables pour ces deux techniques
: 60 % d’amélioration et 30 % d’échec.
Dans le service du Pr. Gallot, le
sphincter artificiel est utilisé car de technique plus simple, plus rapide
et surtout immédiatement efficace. La mise au point de la stimulation de la
graciloplastie est longue nécessitant des semaines de réglage. Les deux
techniques ont pour le moment des résultats équivalents, vraisemblablement
avec le temps elles auront chacune leur indications préférentielles encore
faut)il que leur évaluation à moyen et long terme soit faite avant d’en
proposer un usage plus grand.
La complication post-opératoire de cette
chirurgie est l’infection. Le fécalome est la complication fonctionnelle à
moyen et long terme qu’il faut systématiquement prévenir par l’emploi de
régulateurs du transit et la sollicitation régulière de la défécation.
5.
En conclusion
Il ne faut pas abandonner les patients
incontinents.
Seule une minorité d’incontinents relève
de la chirurgie. Mais un grand nombre d’incontinents sont peut être des
candidats à une colostomie. Celle-ci, si elle est
bien appareillée en bonne position, est plus confortable, mieux acceptée
par son entourage surtout pour les sujets âgés dépendants qu’une
incontinence totale, invalidante.
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