EPU95 –
Montmorency
Diabète - Endocrinologie - Maladies
Métaboliques
Mise à jour du 11 Mai
2007* 

Bilan
Phospho-calcique : quand et comment ?
Dr L. Groussin
(Chef
de Clinique - Service d’endocrinologie et métabolisme - Hôpital Cochin –
Paris)
Séance
janvier 2004
1. L’HYPERCALCÉMIE
Il y a 40 ans, l’hypercalcémie était
détectée sur les signes cliniques.
Aujourd’hui, l’hypercalcémie est de
découverte fortuite dans 80 % des cas , lors d’un dosage
systématique facilité par l’emploi d’automate, dans un tableau clinique
asymptomatique ; dans 20 % des cas seulement, il existe des signes
cliniques devant faire évoquer une hypercalcémie.
1.1. Rappel du métabolisme phosphocalcique (cf. Schéma 1)
La calcémie totale est la somme du calcium
lié aux protéines sanguines (albumine essentiellement) et du calcium ionisé
libre. Ce dernier est à lui seul le reflet du calcium efficace dans le
sang.
-
Ainsi lorsqu’il existe un trouble des protéines
sanguines (hyper ou hypoalbuminémie), le dosage du calcium ionisé est
nécessaire pour connaître le taux de la calcémie efficace.
-
Il faut donc toujours faire, parallèlement au
dosage de la calcémie, un dosage des protéines sanguines : plus les
protides sanguins sont augmentés, plus la calcémie totale est élevée et
inversement. Dans ces situations, la calcémie totale ne peut pas être un
bon reflet du Ca++ efficace, et l’on doit avoir recours au dosage du
calcium ionisé. Formule d’ajustement : Ca(adj) = Ca + (40 - Alb) x
0.025

Schéma 1 – Echanges calciques
L’os, l’intestin et le rein sont les
organes qui interviennent dans la régulation du calcium puisque des
échanges se produisent à tous ces niveaux avec le milieu extracellulaire.
Total Calcium = IONISÉ + LIE + FIXE
|
Calcium ionisé
|
Fraction physiologiquement active
Effets directs sur la cellule
Contrôlé par la PTH
|
Calcium lié aux protéines
|
Physiologiquement inactive
Principalement lié à l’albumine (50%)
|
Calcium fixé
|
Sels de calcium ; calcium phosphate
|
1.2. Deux acteurs majeurs interviennent dans la régulation de la
calcémie
1.2.1. La Parathormone (PTH)
La PTH est régulée de façon fine par le
niveau de la calcémie : quand la calcémie diminue, la PTH augmente et
inversement quand la calcémie augmente la sécrétion de PTH est freinée.
L’action de la PTH s’exerce au niveau
osseux et au niveau rénal :
La PTH régule au niveau rénal la conversion
du 25(OH)D3 en 1,25 (OH)2 D. Cette 1,25(OH)2 D est la forme active de la
vitamine D et favorise l’absorption du Ca++ .
Au niveau de l’intestin, si la 1,25 (OH)2 D
augmente, l’absorption intestinale de Ca++ augmente.
La PTH a également une action directe au
niveau de l’absorption rénale du Ca++.
1.2.2. Rappel sur la vitamine D et ses métabolites
La 25 OH D3 la forme de stockage de la
vitamine D. Il s’agit d’un métabolite inactif.
La forme active de la vitamine D est la
1,25 (OH)2 D produite par hydroxylation de la 25 OH D3 par la 1-hydroxylase
exprimée au niveau du rein.
Il existe un autre métabolite de la
vitamine D, la 1 a
OH D3, qui devient actif après une hydroxylation hépatique.
Schéma
2 - Action de la PTH et de la 1,25 (OH)2 D

1.3. Quand demander un bilan phosphocalcique ?
Plus de 80 % des hypercalcémies sont
asymptomatiques et découvertes lors d’un dosage systématique de la
calcémie. Il peut, parfois, exister des signes cliniques évocateurs portant
sur 4 systèmes :
4
SNC : trouble de la concentration, dépression,
psychose, confusion, stupeur, coma ;
4
Digestif : polydipsie, anorexie, nausées,
vomissements, douleurs abdominales, constipation ;
4
Rénal : polyurie, coliques néphrétiques,
lithiase ;
4
Cardio-vasculaire : HTA, QT court sur l’ECG,
sensibilité particulière aux digitaliques.
A côté de ces symptômes, il en existe de
moins traditionnels :
4
Asthénie, irritabilité, anxiété, apathie, syndrome
démentiel, faiblesse musculaire
4
Intolérance au glucose
4
Ont, aussi, été signalées : des anomalies
lipidiques, HTA, hypertrophie ventriculaire.
En conséquence, la prescription du bilan
phosphocalcique doit être large.
1.4. Comment demander un bilan biologique phosphocalcique ?
Le bilan doit se faire en 2 étapes :
Tableau RÉCAPITULATIF des normes
|
Bilan
|
Dosages
|
Normes en mmol
|
Normes en mg ou g
|
Première étape
|
Calcémie totale
Protides sanguins (albumine)
Phosphorémie
|
2,2 à 2,6 mmol / l
0,9 à 1,3 mmol /l
|
8,8 mg à 10,4 mg /dl
60 à 80 gr /l
2,8 à 4 mg /dl
|
Deuxième étape
(en cas d’anomalie)
|
Calcémie ionisée *
Calciurie des 24 h
Créatinurie des 24 h
PTH
25OHD3
|
(sur les résultats de la 1ère étape)
< à 1,25 mmol /l
2,5 à 10 mmol /jour
pour évaluer la qualité du recueil
20 à 200 mmol /l
|
4,8 mg / dl
100 à 400 mg /jour
10 à 65 ng /l
8 à 80 ng /ml
|
* Le dosage du Ca++ n’est pas remboursé par
la SS
1.5. Exemple d’hypercalcémies
La
plupart des hypercalcémies (> 90 %) sont des
hyperparathyroïdies primaires ou des cancers.
Pour schématiser la démarche diagnostique,
nous prendrons le tableau clinique d’une hypercalcémie familiale
bénigne, ce qui permettra de parler d’une maladie génétique de découverte
récente mais rare :
Cas clinique
Chez un patient de 55 ans, cuisinier dans
une brasserie, le signe d’appel a été un syndrome polyuropolydipsique
depuis quelques semaines (4-5 L / jour), et un amaigrissement récent de 8
kilos avec pour bilan initial une glycémie normale, une calcémie à 2,65
mmol /l à la limite haute de la normale et une phosphorémie normale à 1,06
mmol /l.
Au contrôle :
Calcémie
totale à 2,59 mmol /l et phosphorémie à 0,79 mmol /l (limite inférieure de
la normale)
Calcémie
ionisée faiblement élevée à 1,32 mmol/l,
La
PTH à 16 ng/l, et la 25(OH)D3 normale à 14,6 µg /l
et
au niveau rénal, un bon recueil urinaire (créatinurie = 15,3 mmol /l) avec
une calciurie à 3,8 mmol / l (limite inférieure de la normale).
Au départ le diagnostic a erré.
La
1ère question qu’il faut se poser : est-ce que la régulation au niveau
des parathyroïdes se fait de façon physiologique ?
Normalement lorsque la calcémie monte, la
PTH baisse ; ici la PTH est basse mais elle n’est pas complètement
freinée. Cela doit faire évoquer une hypercalcémie par anomalie
parathyroïdienne.
Si la PTH avait été franchement élevée,
cela aurait été facile car évocateur d’une hyperparathyroïdie primitive.
La
2ème question plus subtile qu’il faut se poser : si le patient a une
hypercalcémie, il doit avoir une hypercalciurie.
Or ici, la calciurie n’est pas élevée, mais
à la limite inférieure de la normale. Devant ces résultats, une recherche
d’une néoplasie a été faite ; elle a été négative. De même les bilans
osseux et rénal n’ont pas mis en évidence de retentissement liée à
l’hypercalcémie.
Chez ce sujet, l’existence d’une
hypercalcémie d’origine parathyroïdienne sans retentissement avec une
calciurie basse non adaptée doit faire évoquer une maladie parathyroïdienne
familiale hétérozygote bénigne et rare :
Ce patient faisant partie d’une fratrie de
9 sujets, l’hypercalcémie a été retrouvée chez deux autres de ses membres
de sexe différents (2,65 mmol pour l’un, 2,67 pour l’autre). Leur calciurie
était également basse. Il s’agit d’une maladie génétique caractérisée par
un trouble du récepteur du calcium au niveau de la parathyroïde. Ce
récepteur permet de transmettre l’information de la calcémie ionisée des
liquides extracellulaires aux parathyroïdes. L’information étant
insuffisamment transmise, la PTH est insuffisamment freinée. Ce récepteur
est aussi présent au niveau du rein ce qui explique l’hypocalciurie.
L’hypercalcémie hypocalciurique
parathyroïdienne familiale bénigne est de transmission autosomique
dominante. Il existe un défaut génétique situé sur un locus du chromosome 3
qui a pour effet d’inhiber le récepteur. Dans la descendance il faut
rechercher d’autres hypercalcémies précoces dans les 10 premières années de
la vie. Cette maladie bénigne ne justifie pas d’acte chirurgical.
L’hypocalcémie hypercalciurie familiale est
la maladie inverse ; elle est liée à une mutation différente au niveau
du récepteur. ayant pour effet d’activer le récepteur.
1.6. Arbre diagnostique
La discussion du bilan Phosphocalcique
tourne donc essentiellement autour de la calcémie et la PTH.
Devant une hypercalcémie, il faut doser la
PTH :
1.6.1. Si la PTH est élevée
L’hypercalcémie est dépendante d’une
hyperparathyroïdie primitive et associée en règle à une
hypophosphorémie et une hypercalciurie :
4
avant tout l’adénome parathyroïdien,
4
plus rarement l’hyperplasie thyroïdienne qui touche
les 4 glandes parathyroïdes,
4
et de façon exceptionnelle le cancer de la
parathyroïde.
1.6.2. Si la PTH est normale ou normale basse
Cela traduit une bonne freination de sa
secrétions secondaire à l’hypercalcémie. -
Ce tableau évoque essentiellement une origine néoplasique
4
soit du fait de métastases osseuses qui détruisent
l’os,
4
soit une sécrétion par la tumeur de PTH RP, hormone
apparentée à la PTH, ayant les mêmes propriétés que la PTH, mais qui n’en
est pas. Il s’agit d’une hypercalcémie humorale néoplasique. Il est
possible de doser la PTH RP ;
Plus rarement comme causes de PTH
freinée :
4
l’hyperthyroïdie dans un contexte évocateur,
4
l’intoxication à la vitamine D,
4
granulomatose (formation de 1,25(OH)D à partir du
granulome), et d’autres causes plus rares ….
1.7. Prise en charge de l’hyperparathyroïdie primitive (Consensus 2002)
La question posée devant une
hyperparathyroïdie primitive : faut-il opérer tous les malades ?
La réponse a été donnée en 2002 lors de la
commission de consensus sur le sujet (Anaes),
1.7.1. L’intervention
chirurgicale doit être proposée
Lorsqu’il existe une hyperparathyroïdie
symptomatique ou compliquée :
4
Lithiase rénale,
4
Fracture,
4
Syndrome neuromusculaire.
Elle doit être discutée dans le cadre des
hyperparathyroïdies asymptomatiques, (situation la plus fréquente)
seulement dans les cas suivants :
4
Si le malade est jeune (< 50 ans),
4
S’il existe des signes d’ostéoporose quel que soit
son site (T-score < -2,5 "
le site),
4
Si le Ca++ extra cellulaire > de 1 mg/dl
au-dessus de la limite supérieure normale,
4
Si la Calciurie > 400 mg/24h, car risque de
lithiase
4
S’il existe une insuffisance rénale se traduisant
par une baisse de la clairance de créatinine de plus de 30% par rapport à
des sujets témoins d’âge comparable.
1.7.2. Exploration des parathyroïdes avant l’intervention
Cas
clinique
Patiente de 57 ans, opérée d’un cancer du
sein et curage ganglionnaire, ayant reçu un traitement chimio +
radiothérapie.
Une hypercalcémie est découverte lors d’un
examen systématique (calcémie totale à 2,72 mmol /l, Ca ++ à 1,39 mmol /l
et calciurie à 8,6 mmol /l ).
Cette hypercalcémie n’est pas liée à la
néoplasie, car la PTH à 188,5 ng /l est très augmentée. Il existe une
hyperparathyroïdie primitive. Le bilan tel qu’il est décrit ci-dessous a
permis de localiser un adénome ectopique paracardiaque
A Cochin, l’habitude est de faire
systématiquement un examen morphologique pour les raisons suivantes :
4
Identifier la parathyroïde responsable par
l’échographie cervicale :
o
avec ses limites liées à la compétence de
l’opérateur
o
étude délicate nécessitant d’orienter correctement
l’opérateur sur l’examen des parathyroïdes.
4
La scintigraphie osseuse au MIBI est le 2ème
examen à pratiquer :
4
Le MIBI est un marqueur qui se fixe sur les
cellules parathyroïdiennes adénomateuses. Ce n’est pas un marqueur spécifique
de la parathyroïde (glandes salivaires, thyroïde, autres tumeurs
endocrines…)
4
Elle permet de localiser un adénome ectopique en
particulier médiastinal
4
Le dosage étagé de la PTH par cathétérisme non
seulement au niveau de la thyroïde mais également de la région médiastinale
(dans le cadre d’un adénome ectopique) à la recherche d’un gradient de PTH.
Cet examen affirme l’origine parathyroïdienne et permet de déceler de très
petits adénomes de 5 à 10 mm.
4
Scanner et IRM pour localiser avant intervention
l’adénome ectopique suspecté sur les examens précédents. IRM et scanner ne
sont pas des examens de 1ère intention.
L’intervention
chirurgicale pour adénome parathyroïdien se fait sous anesthésie locale
plutôt que générale.
Après échec d’une première chirurgie (une
cervicotomie exploratrice blanche nécessite l’évocation d’une localisation
ectopique) et le. dosage de la PTH en per opératoire
Evolution après intervention :
4
S’il s’agit à l’histologie d’un adénome
parathyroïdien, la PTH chute après intervention et le bilan phosphocalcique
se normalise.
4
Si l’hypercalcémie récidive après une
amélioration il peut s’agir :
o
D’un autre adénome
o
D’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1
(hyperplasie parathyroïdienne associée à des tumeurs hypophysaires et pancréatiques,
maladie génétique située sur le chromosome11).
Principales causes d’HYPERCALCÉMIE - RÉSUMÉ
|
4
Hyperparathyroïdie
4
Cancers
4
Lésions lytiques
4
Causes humorale : PTHrp
4
Iatrogéne : médicaments (diurétiques
thiazide)
4
Hyperthyroïdie
4
Excès d’absorption
4
Intoxication à la Vitamine D ; syndrome des
buveurs de lait
4
Maladies osseuses y compris les immobilisations
prolongées
4
Pathologies rénales
4
Artefact : stase veineuse causant une
augmentation artificielle du taux d’albumine
|
2. HYPOCALCÉMIE
Deux causes peuvent en être responsables :
l’hypoparathyroïdie acquise ou familiale, le déficit en vitamine D
2.1. Hypoparathyroïdies acquises ou héréditaires
2.1.1. Il existe une hypocalcémie. Il faut doser la PTH.
Normalement en cas d’hypocalcémie, si les
parathyroïdes fonctionnent normalement on devrait avoir une PTH élevée.
Si la PTH est basse ou normale, il existe
une hypoparathyroïdie.
4
Soit hypoparathyroïdie acquise :
o
Post chirurgicale de thyroïdectomie totale
(iatrogénie)
o
Destruction du tissu glandulaire (maladie de Wilson,
hémochromatose, amylose)
o
Maladie auto-immune,
4
Soit héréditaires familiale ou par mutation gène
PTH, gène CaR...),
o
Hypomagnésémie (congénitales ou secondaires).
Le but du traitement n’est pas de rétablir
à tout prix une calcémie normale, mais de parvenir à une calcémie à la
limite inférieure de la normale (2 à 2,2 mmol /l et une calciurie
inférieure à 0,1 mmol / kg / 24h, car sinon il y aurait alors un risque de
lithiase rénale, de néphrocalcinose ou d’insuffisance rénale chronique
faute de PTH pour réguler la calcémie. La surveillance de la calcémie se
fera 1 à 2 fois/an.
2.1.2. Le traitement
Il consiste en
4
Sels de calcium (1 à 2 gr de calcium élément
répartis dans la journée, à distance des repas),
4
Métabolite actif de la vitamine D : 1,25 (OH)2
D (Rocaltrol®) 0,5 à 1 mg/j ou
la 1-aOH
vit D (1 alpha®)1 à 2 mg/j.
4
Un diurétique thiazidique est parfois nécessaire,
4
Rechercher et corriger une carence en magnésium
entraînant une résistance à l’action de la PTH et à la vitamine D.
2.2. Déficit en vitamine D ou ses métabolites
Les parathyroïdes fonctionnant normalement,
la PTH est augmentée avec baisse du 25 OH D3.
Il faut savoir que dans ces tableaux la
calcémie n’est pas forcément basse au début de la carence.
Une PTH augmentée isolément n’est pas
forcément une hyperthyroïdie. Les causes de ce déficit en vitamine D :
4
Carence alimentaire, défaut d’ensoleillement,
4
Malabsorption,
4
Insuffisance rénale chronique entraîne une
hyperparathyroïdie secondaire, qui au bout de plusieurs années peut
s’autonomiser aboutissant à une hyperthyroïdie tertiaire.
4
Cirrhose,
4
Déficit héréditaire en 1a-hydroxylase.
Le traitement de l’hypocalcémie par déficit
en 1,25(OH)2D3 est simple, puisqu’il suffit d’apporter par voie orale un
apport correct en vitamine D3 permettant de normaliser la calcémie et la
PTH.

|