Accidents vasculaires crbraux
A partir dun expos du Pr Franois Mder (Neuroradiologue - Hpital
Saint Anne Paris)
Sance de FMC du 3 novembre
2011
En France, chaque anne, il y a 150 000 AVC, soit plus que d'infarctus du myocarde (130 000).
L'AVC reprsente l'affection la plus frquente chez les patients admis dans les services d'accueil des urgences. Sa morbi-mortalit est lourde :
3me cause de mortalit aprs les accidents coronariens et les cancers tous types confondus (10 20% des patients dcdent durant le premier mois)
1re cause de handicap non-traumatique dans les pays dvelopps (20% des patients restent institutionnaliss et la moiti de ceux qui regagnent leur domicile, gardent des squelles physiques ou relationnelles importantes).
2me cause de dmence et cause majeure de dpression.
Lincidence des AVC augmente avec lՉge ; les trois quarts des nouveaux AVC surviennent aprs 65 ans, 15% des patients ont moins de 55 ans.
Les AVC sont dorigine ischmique ou hmorragique.
Les AVC ischmiques sont les plus frquents (80 85% des AVC dans la population de race blanche). Ils tmoignent dun infarctus crbral qui relve de trois mcanismes :
Athrosclrose des grosses artres : stnose, thrombose ou embolie partir dune plaque dathrome,
Embolie dorigine cardiaque,
Maladie des petites artres perforantes ou lacunes (substance blanche)
Plus rarement dune thrombose veineuse crbrale (0.5 1% des AVC), dune embolie paradoxale ou dune dissection.
Les AVC hmorragiques regroupent
Les hmorragies primitivement intracrbrales (environ 15% des AVC)
Les hmorragies crbro-mninges (environ 5% des AVC). Ils rsultent de la rupture dune malformation vasculaire ou dune petite artre, favoriss par lhypertension artrielle ou un traitement antithrombotique.
Les syncopes et malaises sans dficit focal, les ischmies globales par bas dbit, et les hmorragies sous-arachnodiennes sans atteinte du cerveau lui-mme (sans hmorragie intracrbrale ni vasospasme associ) sont, en pratique, exclues du cadre des AVC.
Il regroupe les Infarctus crbraux et les Accidents Ischmiques Transitoires (AIT).
Dfinit en 1975, il se caractrise par un dficit neurologique transitoire, focalis, ou oculaire, de survenue brutale et dont les symptmes rgressent dans les 24 heures (NINDS). Son diagnostic nest pas bas sur des documents radiologiques.
Son origine ischmique est dautant plus probable que la dure du dficit est plus brve (< 1 2 heures, en moyenne 30 minutes). On associe aux AIT l'amaurose ou ccit mono-oculaire transitoire (CMOT).
A cette dfinition base sur un dlai arbitraire de 24 heures, tend se substituer une dfinition base sur l'atteinte crbrale. Un AIT est alors dfini comme la survenue d'un pisode de dysfonctionnement neurologique par ischmie crbrale focalise ou d'un pisode d'ischmie rtinienne, durant moins d'une heure et sans signe d'infarctus crbral.
Les AIT sont dautant plus d'origine ischmique que leur dure est plus brve (< 1 2 heures, en moyenne 30 minutes).
Il est recommand de considrer lAIT comme une urgence diagnostique et thrapeutique car :
Le risque de survenue dun AVC ischmique aprs un AIT est lev en particulier au dcours immdiat de lՎpisode (2,5-5 % 48 heures, 5-10 % 1 mois, 10-20 % 1 an)
Il existe des traitements defficacit dmontre en prvention secondaire aprs un AIT.
Il se manifeste par un dficit neurologique focalis qui s'installe ou s'aggrave sur plusieurs heures et dure plus de 24 h. Ces manifestations peuvent aussi ne pas tre dorigine ischmique mais relever dune hmorragie, dune tumeur, dun abcs ou dune encphalite.
Un accident dficitaire est constitu lorsque le dficit neurologique atteint rapidement son maximum et dure plus de 24 h.
Le qualificatif constitu se rfre la stabilit du dficit et non pas sa svrit ou son volution secondaire. On diffrencie
Les AVC totalement rgressifs en moins de 8 jours (dont le pronostic est voisin de celui des AIT)
Les AVC avec squelles mineure
Les AVC avec squelles lourdes la troisime semaine.
Ces AVC, longtemps considrs comme une fatalit pour laquelle il n'existait aucun traitement en dehors de la prservation des fonctions vitales, doivent aussi tre considrs comme une urgence diagnostique et thrapeutique.
Limagerie crbrale (scanner, IRM) obtenue dans les meilleurs dlais a pour but primordial la distinction entre AVC hmorragique et AVC ischmique. Elle amorce les diagnostics tiologiques et diffrentiel, et la cohrence anatomo-clinique du tableau.
Limage scanner est obtenue partir des mmes contrastes fondamentaux que la radiologie conventionnelle : rayons X, air, graisse, eau, os, contrastes artificiels.
Le mode d'acquisition des images est diffrent. Un faisceau de rayons X et une couronne de dtecteurs tournent autour du corps du patient. Les dtecteurs enregistrent une srie de profils d'attnuations des tissus de la coupe examine, suivant plusieurs projections.
L'ordinateur, partir de ces diffrents profils d'attnuation, reconstitue les densits lmentaires ayant particip ces attnuations. Ces densits lmentaires dpendent de la composition des tissus et de l'paisseur des coupes pouvant inclure plusieurs tissus de composition diffrente.
Il utilise les RX et voit trs bien les os mais ne voit que 15% de la pathologie vasculaire.
Ralis en urgence, il reconnat la lsion hmorragique sous forme dune zone spontanment hyperdense. En revanche, La lsion ischmique est sans traduction (en phase initiale) ou se manifeste par une zone hypodense (aprs 24 h.).
Les scanners rcents permettent didentifier des signes prcoces dischmie (attnuation de la densit des noyaux gris centraux, effacement du ruban insulaire) ou parfois la thrombose rcente de l'artre sylvienne ou du tronc basilaire sous forme dune hyperdensit du trajet artriel correspondant ( trop belle artre ).
Ces signes sont toutefois inconstants et dinterprtation difficile avec une reproductibilit inter-observateurs mdiocre.
Sensibilit |
Trop belle artre : 26% < 5h Dtection de ldme crbral o Dure de lhypoperfusion 94 % < 14 h o Svrit de lhypoperfusion 82-88 % < 6h o Localisation, taille de linfarctus Dpend de lappareillage |
Le scanner crbral, malgr ses insuffisances, dans les conditions actuelles daccs en urgence lIRM, est encore considr comme lexamen raliser en urgence dans le cadre dun AVC.
Son intrt premier est le diagnostic dhmorragie crbrale, il permet galement de reconnatre certaines lsions non vasculaires. Cependant cest une technique imparfaite pour valuer prcisment lintrt instaurer un traitement thrombolytique. Il ny a pas de preuve tablie que linjection de produit de contraste augmente les performances du scanner crbral chez le patient en phase aigu.
En 1945, Edward Purcell et Felix Bloch, tous deux prix Nobel en 1952, dcouvrent la rsonance des noyaux des atomes (rsonance nuclaire) soumis un champ magntique.
En 1973, le chimiste amricain Paul Lauterbur, obtient la premire image IRM sur un animal.
En 1980, cest la prsentation au RSNA.
Le principe de lImagerie en Rsonance Magntique ou IRM repose sur les proprits physiques de l'interaction entre un champ magntique, produit par un gros lectro-aimant et une radiofrquence. Ces deux forces agissent sur l'orientation des atomes d'hydrognes ou protons.
L'aimant permet d'orienter tous les protons dans une mme direction que son champ magntique.
LIRM a des atouts et un potentiel majeurs, du diagnostic au pronostic en passant par lՎtiologie, mme si ses performances varient encore avec le matriel et les techniques utiliss. On distingue
lIRM morphologique,
lIRM fonctionnelle : de diffusion et de lIRM de perfusion,
lAngiographie par rsonance magntique ou ARM.
Particulirement en squence FLAIR, est trs sensible pour identifier les infarctus, mme de petite taille (y compris dans la fosse postrieure o le scanner est limit).
T1 T2 FLAIR
Cette technique peut rvler, ds la premire heure, ldme cytotoxique qui se dveloppe dans le foyer dischmie tissulaire, tmoignant de la rupture de la barrire hmato-encphalique. Elle dfinit prcocement le sige et lՎtendue de la zone de souffrance crbrale et permet de suivre son volution. Cette technique est trs sensible pour le diagnostic dischmie crbrale aigu rvlant des zones dischmie invisibles au scanner ou en IRM classique. Il est admis que la lsion initiale dfinie par IRM de diffusion peut tre considre comme perdue dans 90% des cas.
Elle permet didentifier prcocement la topographie et lՎtendue de lhypoperfusion et permet de distinguer lsion rcente et lsion ancienne.
Elle est trs bien corrle avec le volume final de linfarctus.
La zone hypoperfuse est souvent plus large que la zone ischmie. La diffrence entre les deux (zone hypoperfuse sans anomalie de diffusion) dfinit une zone risque dextension de lischmie mais potentiellement rcuprable (zone de pnombre ischmique).
Cette technique apparat dun atout majeur quant au pronostic et aux indications de la thrombolyse.
LARM crbrale permet de visualiser les vaisseaux par le temps de vol (time of flight - TOF) qui est une technique ralise sans injection.
Elle permet lՎtude de la circulation intracrbrale au niveau du polygone de Willis pour des artres dun calibre > 1 mm. Elle permet galement lՎtude des carotides.
LIRM a toutefois des limites : elle ne peut tre pratique chez 10 20% des patients soit du fait dune contre-indication (stimulateur cardiaque, sonde dentranement lectrosystolique, neurostimulateur, corps tranger ferromagntique intraoculaire et certains clips vasculaires) soit en raison dune claustrophobie.
LIRM permet de porter ds la phase aigu le diagnostic dIC ou dhmorragie crbrale ;
lIRM a une meilleure sensibilit que le scanner pour la dtection de lischmie prcoce et permet de mieux guider les dcisions thrapeutiques de thrombolyse, ce qui doit inciter amliorer laccessibilit lIRM crbrale ;
lIRM possde une meilleure sensibilit que le scanner pour le diagnostic dinfarctus de la fosse postrieure, ou dinfarctus de petite taille ;
lIRM est suprieure au scanner pour tablir un diagnostic diffrentiel dAVC ;
lIRM est suprieure au scanner pour dterminer la zone potentiellement rcuprable la phase aigu de lischmie en utilisant les squences de perfusion et de diffusion.
Le principal mcanisme des infarctus crbraux est une occlusion artrielle thromboembolique. Lischmie crbrale est par nature un phnomne dynamique. Au sein de la zone touche, il existe trois niveaux de souffrance tissulaire :
La zone de ncrose (infarctus) : ischmie irrversible, ncrose
La zone dite de pnombre : ischmie rversible, tissu risque de ncrose
Une zone doligmie ou le tissu est risque en cas dhypotension, dhyperglycmie, dhyperthermie
Cette notion est lՎlment cl de toute stratgie thrapeutique en urgence qui est la leve le plus prcoce possible de l'occlusion artrielle permettant la reperfusion du territoire artriel ischmi encore viable, appel pnombre avant que la mort neuronale dfinitive ne survienne (d'o le slogan Time is brain pour toute action thrapeutique de reperfusion en urgence).
Elle se traduit par des lsions focales de la paroi des artres affectant en prdilection les artres de gros et moyen calibre.
Les sites de prdilection dans le rseau artriel sont au niveau des bifurcations, soumises un stress hmodynamique plus important.
LՎpaississement localis de lintima forme une plaque o sassocient de lathrome et de la sclrose.
Les plaques stables sont caractrises
par
Une chape paisse
Un cur lipidique petit
Les plaques instables, dangereuses, se
prsentent avec :
Une chape fine
Une plaque fissure
Un large cur lipidique
Lexistence dune inflammation active
Une hmorragie intraplaque
Des nodules calcifis superficiels
Un AVC peut tre la consquence soit dune embolie athromateuse, suite une rupture de la chape de la plaque, soit hmodynamique en raison dune stnose serre ou dune occlusion artrielle.
Cest une pathologie qui commence trs tt dans la vie.
La dtermination
du degr de stnose se
fait grce
Langiographie
digitalise
Lexploration
ultrasonore (doppler)
Langioscanner
Une
ARM
LՎvaluation
morphologique de la paroi est possible grce :
Lexploration
ultrasonore
Langioscanner
Une IRM haute rsolution
Le tableau ci-dessous rsume les causes des AIC
tiologies frquentes |
Principales tiologies rares |
Artrielles o Athrome o Lacune
Cardiaques
ACFA
IDM
Valvulopathie
Complications de la chirurgie Endocardite infectieuse |
Artrielles o Dissection des
artres cervicales et crbrales o Artriopathie
radique o Artrite
infectieuse, inflammatoires o Dysplasie
Cardiaques o Cardiomyopathie
non obstructive o Myxome o Embolie
transcardiaque o Endocardite
thrombotique non bactrienne
Hmatologiques o Syndromes
myloprolifratifs o Drpanocytose o Dficit en protine
anticoagulante o ACC o CIVD |
Les indications sont restreintes et dpendent de la prcocit du traitement.
Elle vise la recanalisation de l'artre et utilise
un activateur du plasminogne ou r-tPA.
LAMM de lAlteplase prcise les conditions
dutilisation :
AVC de moins de 3 heures (4 heures hors
AMM)
Centre spcialis, avec imagerie
mdicale
Sans hmorragie.
La thrombolyse IV par t-PA permet de gurir 40 % des patients trois mois (contre 25 % de gurison sans thrombolyse). Ce bnfice montr dans lՎtude National Institute of Neurological Disorders and Stroke rt-PA Stroke Study (NINDS) a t obtenu au prix dun risque hmorragique de 6 % (versus 0,6 % dans le groupe placebo) sans impact sur la mortalit (17 % dans le groupe trait et 20 % dans le groupe placebo).
Lefficacit de la thrombolyse IV avec laltplase
varie en fonction de la localisation de locclusion artrielle.
Le monitoring par angiographie conventionnelle, des
patients avec une occlusion artrielle intracrnienne et traits par t-PA IV, a
montr quՈ 60 minutes aprs le dbut de la perfusion du t-PA, la
recanalisation artrielle pouvait tre obtenue chez :
Lefficacit varie aussi beaucoup en fonction du dlai de la mise en route des traitements. Dans lՎtude Revascularisation using Combined intravenous Alteplase and Neurointerventional ALgorythm for acute Ischemic StrokE (RECANALISE), les patients recanaliss moins de trois heures et 30 minutes aprs leurs premiers symptmes ont eu une volution favorable trois mois dans 93 % des cas (risque relatif ajust [RR] : 2,2 ; intervalle de confiance [IC] 95 % : 1,24–3,88 ; p = 0,007), alors que toute demi-heure perdue dans lobtention de la recanalisation a t suivie de 20 % dՎvolution favorable en moins.
Cest la mthode de choix pour les thromboses du tronc basilaire mais elle est rserve des quipes de neuroradiologie interventionnelle.
Un traitement antiagrgant plaquettaire sera institu :
Clopidogrel : efficacit prouve, bonne tolrance
Aspirine a la posologie de 160 300 mg
Dans certain cas, quand la nature embolique est tablie et en labsence dhmorragie, un traitement anticoagulant (hparine la phase aigue : uniquement si cardiopathie emboligne ou dissection ; relai par AVK - INR compris entre 2 et 3).
Cest un des grands progrs mdicaux de ces dernires annes. Lobjectif est de diminuer les facteurs de risque cardiovasculaires afin dՎviter une rcidive, source de handicap moteur et surtout cognitif, 3 classes thrapeutiques sont utiles :
Traitement antiagrgant plaquettaire : aspirine et/ou clopidogrel
Traitement antihypertenseur avec un contrle strict de la pression artrielle et un traitement comprenant un IEC (hors intolrance)
Traitement hypolipmiant : statine
Sil existe une stnose de carotide suprieure 70 % lorigine de l'AVC ou AIT, il faut considrer lindication une endartriectomie en non un stent (tude EVA 3S qui a montr la supriorit de cette technique par rapport au stent)
Tout patient avec un dficit neurologique d'installation brutale est suspect d'infarctus crbral et doit tre considr comme un candidat potentiel la thrombolyse intraveineuse.
Le patient doit tre transfr le plus rapidement possible dans une unit de neurologie vasculaire* pour confirmation du diagnostic et instauration du traitement en toute scurit
Les signes vocateurs d'infarctus crbral
Installation brutale
Hmiplgie ou hmiparsie
o Dficit moteur complet ou partiel touchant la face, le membre suprieur et/ou le membre infrieur
Troubles sensitifs unilatraux
o Engourdissements, fourmillements, perte de la sensibilit de la face, du membre suprieur et/ou du membre infrieur, parfois bilatraux
Aphasie
o Troubles du langage ou de la comprhension (mutisme, manque du mot, jargon)
Ataxie (marche instable, perte de l'quilibre), vertige ou
incoordination des membres
Perte de la vision
o Vision trouble ou vision double, amputation du champ visuel
(hmianopsie)
Si le dficit est install depuis moins de
trois heures
(*) UNV en Ile de France : 18 dont 12 hors Paris
Pour le CH Pontoise : Unit Neurovasculaire (Docteur Jrme SERVAN) Tel. 01 30 75 42 81 Tlcopieur : 01 30 75 53 70 - 2me tage Tour n1 btiment principal
ANNEXE
I : VASCULARISATION CRBRALE