Les myopathies inflammatoires
DÕaprs un exposŽ du Pr Serge Herson
Service de
MŽdecine Interne et Institut de myologie de La Salptrire.
Centre de
rŽfŽrence national maladies rares Ç Maladies musculaires È
SŽance
de DPC du 2 fŽvrier 2012
Les myopathies inflammatoires (ou myosites) sont caractŽrisŽes par une inflammation des muscles striŽs rŽsultant dÕune activation anormale et/ou excessive du systme immunitaire, ce qui les diffŽrencient des dystrophies musculaires progressives, congŽnitales ou myotoniques, des myopathies mŽtaboliques (myopathies mitochondriales, glycogŽnoses, lipidoses,É), et de la myasthŽnie.
Elle a ŽtŽ publiŽe, en 2004, par le 119th ENMC
workshop (Neuromuscular Diseases,
2004 ;14:33745) et dŽfinit plusieurs classes de
myosites :
Ce sont des maladies rares (orphelines) dont lÕincidence annuelle est de 5 ˆ 10 cas million d'habitants. La prŽvalence est, elle, de 6 ˆ 7 cas pour 100 000 personnes.
Elles ont un caractre saisonnier pour certains sous-groupes de myosites.
La femme est plus touchŽe avec un sex ratio de 2/1.
La rŽpartition selon lÕ‰ge dŽcrit 2 discrets pics de frŽquence : enfant entre 5 et 14 ans pour les dermatomyosites et adulte dans la 4me et 5me dŽcade.
Une myosite doit tre ŽvoquŽe en face dÕun dŽficit moteur de type myogne qui est proximal, bilatŽral, symŽtrique et non sŽlectif et se caractŽrise par :
Les myosites peuvent, aussi, se traduire par une atteinte pulmonaire, obŽrant le pronostic, qui peut se caractŽriser par
Les dermatomyosites (DM) sont des maladies musculaires inflammatoires d'Žtiologie inconnue, dont l'incidence annuelle est estimŽe entre 5 et 10 cas par million d'habitants et la prŽvalence de 6 ˆ 7 cas pour 100 000 personnes.
La dermatomyosite peut survenir ˆ nÕimporte quel ‰ge, y compris chez lÕenfant (DM juvŽnile),
Ceux sont habituellement sont ceux proposŽs par Hoogendijk et al. (Neuromusc Dis, 2004, 14:337)
Elles peuvent tre multiples et prŽcŽder lÕatteinte musculaire. LÕŽrythme lilacŽ des paupires est trs caractŽristique de la maladie et est pratiquement pathognomonique.
ƒrythme liliacŽ des paupires (hŽliotrope |
ƒrythroedme photosensible (visage, dŽcolletŽ). |
Papules de
Gottron : plaques ŽrythŽmateuses de la face dÕextension des IPP, MCP, coudes,
genoux. Signe de la manucure : Žrythme pŽri unguŽal douloureux ˆ la pression |
Il est probable que la cible primitive du processus conduisant ˆ la DM se situe au niveau de l'endothŽlium vasculaire. Les premires manifestations histologiques anormales sont observŽes au niveau des cellules endothŽliales des petits vaisseaux du derme et du muscle, dont le cytoplasme est ballonnisŽ et p‰le, et s'accompagne de microvacuoles.
Il sÕagit dÕune micro angiopathie ˆ point de dŽpart endothŽlial, mŽdiŽe par le complŽment. La cible est lÕendothŽlium des petits vaisseaux du derme et du muscle. Les cellules musculaires apparaissent avec un cytoplasme ballonnisŽ et p‰le avec des microvacuoles.
DŽpots
de du complŽment dans les capillaires musculaires (immunohistochimie avec un
Ac anti-C5b-9 C5b9) |
Atrophie pŽrifasciculaire due ˆ l'ischŽmie |
infarctus
musculaire avec infiltrat inflammatoire pŽri-vasculaire |
Certains facteurs gŽnŽtiques doivent jouer un r™le comme le suggre l'association entre HLA DQA1 0501 et la DM juvŽnile [10], les haplotypes HLA-DRB1*03, DQA1*05 et DQB1*02 [11], et/ou le polymorphisme 308A du TNF-alpha ou d'une lectine liant les mannoses.
Il fait appel ˆ la corticothŽrapie ˆ forte dose : prŽdnisone 1 mg/kg/j pendant 6 semaine puis diminution progressive et lente des doses. La durŽe des traitements est une notion controversŽe.
LÕefficacitŽ est lente et nÕapparait souvent quÕau bout de 3 mois.
Les immunosuppresseurs (azatioprine (Aza) 2 ˆ 3 mg/kg/j per os ; mŽthotrexate (MTX) 0,4 ˆ 0,6 mg/kg/sm IM ou IV), voire la cyclosporine sont des options de seconde ligne.
Les immunoglobulines (IgIV), en 3 ˆ 6 cures, sont une option pour les formes graves.
En cas dÕŽchec, de nouvelles cures dÕIgIV, lÕassociation MTX + Azat, le mycophŽnolate ou le rituximab (MabThŽraª).
Les troubles de dŽglutition imposent une alimentation entŽrale ou parentŽrale et une surveillance en soins intensifs.
La prise en charge globale comprend la prŽvention des pneumopathies dÕinhalation, la kinŽsithŽrapie, et lÕergothŽrapie qui sont indispensables.
Les polymyosites sont des maladies musculaires inflammatoires d'Žtiologie inconnue, associant probablement des facteurs environnementaux et gŽnŽtiques.
Elles se caractŽrisent par une inflammation et une dŽgŽnŽrescence des fibres musculaires squelettiques, pouvant toucher tous les muscles.
Ce sont des maladies trs rares dont lÕincidence annuelle est estimŽe ˆ 6 cas 100 000 individus.
Elles touchent 2 femmes pour 1 homme et affecte les adultes de tous ‰ges, mais pas les enfants.
Les critres diagnostiques dŽfinis par Hoogendijk et al. (Neuromusc Dis, 2004, 14:337)), en 2004 sont les suivants :
A lÕexamen clinique, on retrouve les signes et
sympt™mes suivants :
CÕest une alternance de pŽriodes de poussŽes et de rŽmissions. On peut aussi observer
Une altŽration de lÕŽtat gŽnŽral : fivre, asthŽnie, amaigrissement, adŽnopathies.
Des myalgies, 1 cas sur 2, pouvant tre au premier plan.
Des atteintes articulaires (1/4 cas) : arthralgies inflammatoires : poignets, genoux, Žpaules, IPP, MCP.
Des atteintes cardio-respiratoires : mauvais pronostic
La cible est la fibre musculaire. Celle-ci est lysŽe par cytotoxicitŽ directe de lymphocytes T CD8+ auto-rŽactifs.
Cette cytotoxicitŽ serait en relation avec la prŽsence de lymphocytes T CD8+ et de macrophages et lÕexpression par les fibres de HLA de classe I, normalement indŽtectables par des mŽthodes immuno-histologiques.
Initialement Expression diffuse HLA1 |
Secondairement Invasion des fibres par des T CD8+ |
Finalement Infiltrats endomysiaux pŽrinŽcrotiques |
Il est relativement favorable avec une survie ˆ 5 ans de lÕordre de 90 %.Avec une prise en charge adŽquate, une rŽcupŽration complte est observŽe dans 30 ˆ 50 % des cas avec persistance dÕun dŽficit fonctionnel variable.
CÕest la myopathie inflammatoire acquise la plus frŽquente chez lÕadulte de plus de 50 ans. Elle est dÕŽvolution subaigu‘, elle se caractŽrise par une atteinte musculaire plus distale avec une atrophie typique des flŽchisseurs de lÕavant-bras et des quadriceps. Il existe souvent une dysphagie, les enzymes musculaires pouvant tre peu augmentŽes ou normales.
Elles dŽbutent Ç toujours È reprŽsentent, selon les sŽries, 15 ˆ 30 % de l'ensemble des myosites. Elles affectent surtout les hommes aprs l'‰ge de 50 ans, o elles sont alors la myopathie inflammatoire la plus frŽquente.
La prŽvalence serait de lÕordre de 5 patients par million d'habitants en.
Certains facteurs gŽnŽtiques pourraient jouer un r™le comme le suggre l'association de avec certains gnes comme HLA DRB1*0301 ou HLA-B8-DR3.
Le dŽbut de la maladie est insidieux sur des mois.
Le dŽficit moteur touche la musculature striŽe de faon bilatŽrale mais asymŽtrique. Il s'agit d'un dŽficit prŽdominant sur les muscles proximaux mais aussi distaux, notamment les ceintures scapulaires, pelviennes, les muscles axiaux mais aussi les flŽchisseurs des doigts, la loge antŽro-externe de jambeÉ
L'atteinte sŽlective et asymŽtrique de certains
muscles est trs Žvocatrice avec atteinte :
|
|
Des troubles de la dŽglutition sont frŽquents et
retrouvŽs dans plus de 50 % des cas, ils grvent alors le pronostic.
Les taux de CPK sont ˆ 3 – 4 N
Les lŽsions sont des filtrats inflammatoires comparables ˆ ceux de la polymyosite. Ils sont constituŽs principalement de macrophages et de lymphocytes T CD8+. Les fibres musculaires intactes sont envahies par les lymphocytes CD8+ activŽs (DR+). On observe une expression anormale des molŽcules HLA de classe I sur les fibres musculaires et une expansion oligoclonales de lymphocytes T CD8+.
PrŽsence dans
le muscle de vacuoles bordŽes et dÕun infiltrat inflammatoire |
PrŽsence dans le muscle de vacuoles bordŽes et de fibres
rouges dŽchiquetŽes |
Inclusions (vacuoles bordŽes en MO) Composition
de ces inclusions = dŽp™ts retrouvŽs au cours de la maladie dÕAlzheimer
(protŽines : b-amylo•de, prŽcurseur b-amylo•de, tau phosphorylŽe,
prŽseniline-1, etc) |
Selon une premire hypothse, la MI pourrait tre une maladie auto-immune primitive dont le facteur dŽclenchant reste inconnu et dont l'infiltrat inflammatoire entra”ne l'accumulation de protŽines caractŽristiques de la dŽgŽnŽrescence par l'ŽlŽvation dans le microenvironnement musculaire de cytokines pro-inflammatoires et/ou de radicaux libres induisant des altŽrations mitochondriales et/ou ˆ l'hyperexpression d'HLA de classe I elle-mme pourvoyeuse d'une myopathie.
Selon une seconde hypothse, la MI serait, initialement, une maladie dŽgŽnŽrative, dont le facteur dŽclenchant reste inconnu, o l'accumulation des protŽines de la dŽgŽnŽrescence induirait une rŽponse immunitaire cytotoxique secondaire vis-ˆ-vis des fibres musculaires les prŽsentant. En faveur de cette hypothse, on retrouve la rŽsistance des MI aux traitements immunosuppresseurs
Actuellement, aucune thŽrapeutique nÕa apportŽ la preuve de son
efficacitŽ au cours des MI, quÕil sÕagisse des cortico•des, des Žchanges
plasmatiques, des immunosuppresseurs ou de lÕirradiation corporelle totale.
Quelques rŽsultats positifs ont ŽtŽ obtenus avec lÕassociation cortico•des et
immunoglobulines intraveineuses, notamment en cas de troubles de dŽglutition, mais
qui sont bien plus modŽrŽs sur lÕŽvolution globale musculaire. Dans ce
contexte :
LÕŽvolution spontanŽe sÕeffectue gŽnŽralement vers lÕaggravation
progressive sur 10 ˆ 15 ans avec une grabatisation. Parfois une stabilisation,
plus rarement une rŽmission, spontanŽe ou sous traitement, est obtenue, qui est
malheureusement souvent transitoire.
Les dŽcs surviennent en rgle gŽnŽrale suite ˆ des troubles du
rythme ou des pneumopathies de dŽglutition, le plus souvent non en relation
avec MI.
Environ 50 % des patients prŽsentant une myosite ont des auto-anticorps
(AAC). Le plus souvent, ils ne sont pas spŽcifiques des myosites, FAN, anti-SSA, anti-RNP, anti-Ku, anti-PM-Scl.
Dans 20% des cas, sont spŽcifiques des myosites, anti-synthŽtases, anti-SRP ou
anti-Mi2.
Anticorps |
PrŽsentation clinique |
FrŽquence |
Non spŽcifiques des myosites (anticentromres, topoisomŽrases, Scl70, Pm-Scl, RNP, Ku, etcÉ) |
||
Facteurs antinuclŽaires non typables ou AssociŽs aux sclŽrodermies et/ou aux syndromes de chevauchement |
Myosites de chevauchement (ˆ l'exception des anti-Ro [SSA] ou La [SSB]). Bonne corticosensibilitŽ Rechutes rares |
30 % des myosites |
SpŽcifiques des myosites |
||
AntisynthŽtases (JO1, PL7, PL12, OJ et EJ) |
Syndrome des antisynthŽtases Atteinte pulmonaire pouvant grever le pronostic Cortico-dŽpendance Rechutes frŽquentes |
20 % des myosites |
Anti-SRP |
Myopathie nŽcrosante rapidement Žvolutive. Cortico-dŽpendance Rechutes frŽquentes |
5 % des myosites |
Anti-Mi-2 |
Au dŽcours des DM, non liŽes ˆ un cancer |
10 % des DM |
Cette nouvelle entitŽ reprŽsente une majoritŽ des patients tandis que les myosites associŽes au cancer ne reprŽsentent que 4 % des patients. Cette nouvelle entitŽ est dŽfinie par les quatre caractŽristiques habituelles des myosites qui sont, lÕexistence :
Dermatomyosite |
Polymyosite |
Myosite ˆ inclusions |
Enfant (5-15 ans) et adulte 45-65 ans 2 femmes/1 homme DŽficit symŽtrique proximal Atteinte cutanŽe Atteinte cardiaque (enfants) Chevauchement Cancer (adultes) |
Adultes 2 femmes/1 homme DŽficit symŽtrique proximal Douleur et arthralgies +/- Atteinte cardiaque et/ou pulmonaire Chevauchement avec LED, Sjšgren, PR, sclŽrodermie) Virus (HIV, HTLVÉ) Cancer |
Adultes>50 ans 1 femme/3 hommes DŽficit asymŽtrique proximal et distal Chevauchement : 15% |
CPK ŽlevŽes Syndrome inflammatoire AC auto-immunitŽ EMG |
CPK ŽlevŽes Syndrome inflammatoire AC auto-immunitŽ EMG TDM – IRM |
CPK peu ŽlevŽes Syndrome inflammatoire EMG myogne et neurogne |
Nouvelles classifications et physiopathologie des myopathies inflammatoires
O. Benveniste*, O. Dubourg, S. Herson
La Revue de MŽdecine Interne Volume 28, Issue 9, Septembre 2007, Pages 603–612
119th ENMC
international workshop: Trial design in adult idiopathic inflammatory
myopathies, with the exception of inclusion body myositis, 10–12 October
2003, Naarden, The Netherlands Pages 337-345 Jessica E Hoogendijk et al.
Neuromuscular
Disorders 2004;14(5):337–345