l’Asthme de l’enfant

D’après une présentation du Docteur Jean-Luc Iniguez

Pneumo-pédiatre du Centre de pneumologie de l’enfant Boulogne

Séance du 7 janvier 2010

Définition de l’asthme chez l’enfant (HAS 2009)

Grand enfant

L’asthme est une maladie chronique variable dans le temps, marquée par des épisodes réversibles de dyspnée aiguë. Il est défini par une obstruction des voies aériennes réversible, une inflammation des voies aériennes, et une hyperréactivité bronchique.

Enfant de moins de 36 mois

Tout épisode dyspnéique avec râles sibilants, qui s’est produit au moins 3 fois depuis la naissance, et ceci quels que soient l'âge de début, la cause déclenchante, l'existence ou non d'une atopie.

Ces épisodes de sifflements sont discontinus, avec des périodes pendant lesquelles l’enfant est asymptomatique.

D’autres tableaux cliniques doivent faire évoquer un asthme : toux induite par l’exercice, toux nocturne, toux chronique ou récidivante, toux persistant après une bronchiolite, sifflements persistants.

Diagnostic

Positif

Le diagnostic d’asthme de l’enfant de moins de 36 mois est essentiellement clinique. Il est évoqué sur l’anamnèse, l’étude du carnet de santé et l’examen clinique. Sont en faveur de diagnostic d’asthme la présence des signes suivants :

· La répétition d’épisodes de toux et de sifflements

· La prédominance nocturne des symptômes

· La normalité de l’examen clinique entre les crises, et l’absence de retentissement sur la courbe staturo-pondérale

· La présence de signes d’atopie personnels et familiaux renforce la présomption d’asthme.

· L’efficacité du traitement antiasthmatique d’épreuve (bronchodilatateur et CI). L’efficacité est évaluée sur l’amélioration de la toux et/ou des sifflements et/ou de la dyspnée. Il faut savoir que cependant l’efficacité peut être incomplète ou inconstante en particulier chez les plus jeunes nourrissons, sans pour autant éliminer définitivement le diagnostic d’asthme.

Facteurs déclenchants et/ou aggravants

Les facteurs déclenchants et/ou aggravants doivent systématiquement être recherchés. Ils sont à prendre en compte dans la prise en charge globale. Les principaux facteurs déclenchants et/ou aggravants identifiés sont :

· Les infections virales, favorisées par le mode de garde en crèche ou collectivité +++

· Les allergènes respiratoires et alimentaires,

· L'exercice, les émotions (rires, pleurs, excitation, etc.),

· Les pathologies ORL, infection, rhinite,

· La pollution intérieure (tabac essentiellement et composés organiques volatiles) et extérieure,

· Le reflux gastro-œsophagien (RGO),

· Des conditions socio-économiques défavorables.

Diagnostic différentiel

Il faut garder en tête l’aphorisme : « Tout ce qui siffle n’est pas de l’asthme et tout asthme ne siffle pas ». Les enfants siffleurs peuvent avoir des diagnostics erronés de bronchite, bronchiolite, pneumopathie, reflux gastro-œsophagien ou infections ORL alors que leurs symptômes sont évocateurs d’asthme en raison de leur caractère récidivant. Cela peut retarder la mise en route du traitement.

Épidémiologie

La théorie hygiéniste (asthme et environnement)

Les enfants moins exposés aux infections auraient une incidence augmentée de maladie allergique. Cela concernerait les enfants non élevés en collectivité ou sans fratrie plus âgée qu’eux.

Une équipe européenne a montré :

· Que les enfants élevés dans une ferme étaient exposés à plus d’endotoxines dans la maison

· Que l’exposition à de plus grandes concentrations d’endotoxines était associée à moins de sensibilisation, moins de pollinoses et moins d’asthme allergique et ce de manière dose dépendante

· Que la fréquentation des granges et un régime alimentaire comportant du lait non pasteurisé diminuerait la prévalence de l’asthme et des allergies

· Que l’exposition à de fortes concentrations d’endotoxines était associée à une augmentation de prévalence d’asthme non atopique

Il s’agit probablement d’une action sur la balance entre les deux sous-familles de lymphocytes CD4+, Th1 et Th2 ; Th1 orientant vers l’inflammation ; Th2 orientant vers l’allergie

Cette théorie ne s’applique pas aux infections virales

De la à proposer de mettre les enfants dans des fermes ou à la crèche, il y a un grand pas à franchir !

De même, une étude montre que l’exposition à plusieurs chiens dans la petite enfance est associée à moins de sensibilisation allergénique vis-à-vis de cet animal mais aussi à d’autres allergènes

Cependant, favoriser la présence d’animaux domestiques chez les nourrissons à risque d’atopie reste fort hasardeux.

Devenir de l’asthme du jeune enfant

Facteurs prédictifs de persistance de l’asthme après 3 ans (Guilbert TW, NEJM 2006 (étude PEAK).

Critère majeur	Critère mineur
ATCD asthme des parents	Wheezing sans rhinite
ATCD avéré dermatite atopique	Éosinophiles > 4%
Sensibilisation aux aéro-allergènes	Sensibilisation aux œufs, lait ou arachide
Index prédictif positif = 1 critère majeur ou 2 critères mineurs

Examens complémentaires

Le bilan de base

La radio de thorax

Dans tous les cas pratiquement, en expiration ou en inspiration ou les deux. Trois cas de figure définissant un arbre décisionnel

· Symptomatologie habituelle è Radio thoracique

o Normale è traitement d’épreuve

o Anormale è spécialiste

· Formes sévères, inhabituelles ou atypiques è spécialiste

· Antécédent de prématurité ou de cardiopathie è radio thoracique è spécialiste

Les explorations allergologiques

Elles peuvent être réalisées à tout âge. Pour les enfants de moins de 36 mois, il est recommandé de faire une exploration allergologique en cas d’antécédents familiaux ou de terrain personnel et chez les enfants qui ont des symptômes respiratoires :

· Persistants, malgré le traitement de fond,

· et/ou sévères,

· t/ou nécessitant un traitement continu,

· et/ou associés à des symptômes extra-respiratoires compatibles avec une origine allergique,

· et/ou en cas d’antécédent allergique marqué chez les parents ou la fratrie.

Les prick-tests sont recommandés en première intention dans le bilan allergologique.

Les tests multiallergéniques (TMA) à réponse globale (Immunocap™ : Phadiatop, Phadiatop nourrisson, Alatop, etc….) incluant chez le nourrisson un TMA vis-à-vis des trophallergènes (Trophatop™ enfant 1, 2 et 3) sont indiqués en première intention en l'absence de possibilité de réaliser des prick-tests. En cas de positivité, l’enquête allergologique doit être poursuivie.

Il est recommandé de ne pas pratiquer le dosage des IgE sériques totales ou spécifiques d’un pneumallergène en pratique courante en première intention.

Exploration fonctionnelle respiratoire

Quelque soit la gravité de l’asthme, il est conseillé de faire une exploration fonctionnelle respiratoire tous les ans

Chez les enfants ayant un traitement de fond, il est conseillé une exploration tous les six mois

Elle est accessible en routine à partir de quatre ans environ

Les autres examens

Le test de la sueur en cas de diarrhée associée à la recherche d’une mucoviscidose

La pHmétrie, en cas de reflux RG0

Un bilan immunitaire

sévérité avant traitement de l’asthme de l’enfant de moins de 36 mois

Elle est présentée dans le tableau ci-dessous

Stade Paramètres	Asthme intermittent	Asthme persistant léger à modéré	Asthme persistant sévère
Symptômes diurnes	< 1 jour/sem	1 à 2 jours/sem	> 2 jours/sem
Symptômes nocturnes	< 1 nuit/mois	1 à 2 nuits/mois	> 2 nuits/mois
Activités quotidiennes	aucun	léger	important
Bêta-2 courte durée d’action	< 1 jour/sem	1 à 2 jours/sem	> 4 jours par mois
Exacerbations	0 à 1 dans l’année	> ou = 2 sur les 6 derniers mois

Stratégie thérapeutique initiale pour l’enfant < 36 mois

Les objectifs du traitement

C’est le contrôle « total » définit par

· L’absence de symptôme diurne et nocturne ;

· L’absence de recours aux bronchodilatateurs de courte durée d’action ;

· Une activité physique normale ;

· Pas d’absentéisme (de la crèche ou du travail pour les parents) ;

· L’absence de recours aux soins pour asthme.

· Une exacerbation dans l’année tolérée

Contrôle partiel peut être accepté en fonction du ratio bénéfice / risque

Les principes du traitement

Pour tous, en cas de symptômes aigu, il faut utiliser un B2CA (SABA) +/- corticoïdes oraux (PAP). Trois situations sont à distinguer en ce qui concerne le traitement de fond

· Asthme intermittent : pas de traitement de fond

· Asthme persistant léger à modéré : corticostéroïde inhalé à faible ou à dose moyenne ou une association avec un beta-2 à longue durée d’action (LABA) au masque. Il y a une place aussi pour les inhibiteurs de leucotriènes.

· Asthme sévère : corticostéroïde inhalé à forte dose avec des beta-2 à courte durée d’action ou une association avec un beta-2 à longue durée d’action (LABA) au masque.

L’équivalence de doses entre les corticoïdes inhalés est donnée dans le tableau ci-dessous.

La modulation du traitement

Le niveau thérapeutique initial est définit en fonction de la sévérité de base. Une réévaluation est souhaitable après 2 à 3 mois de traitement en s’assurant de la compliance. A partir des constatations, on peut envisager

· Une modification d’un palier de CS en fonction du contrôle (25 à 50 %)

· Le passage en monoprise sauf pour béclométasone

Dans tous les cas, il faut éviter de réduire ou d’arrêter le traitement en période automno-hivernale ou lors de la saison pollinique pour les patients allergiques.

Enfin, la mise en place des nébulisations et le suivi de fortes doses de CI relèvent du spécialiste ;

L’asthme du grand enfant

Le principe

On est passé d’une classification par sévérité à une évaluation par niveau de contrôle (complet, partiel ou non contrôle) définit par le GINA en 2006. Cette approche est présentée dans le tableau ci-dessous.

	Contrôlé	Partiellement contrôlé	Non contrôlé
	Tous les items sont validés	au moins un item présent n’importe quelle semaine
Symptômes diurnes	Aucun (£ 2/sem)	> 2 /sem	≥ 3 items du contrôle
Limitation des activités	Aucune	Oui	partiel
Symptômes nocturnes	Aucun	Oui	présents n’importe quelle semaine
ß2 de secours	Aucun (£ 2/sem)	> 2 /sem
VEMS / DEP	Normal	< 80% (prédit ou meilleur)
Exacerbations	Aucune	≥ 1 /dans l’année	1 crise n’importe quelle semaine

Comment évaluer le CONTRÔLE ?

Quatre paramètres dominent : le ressenti du patient, l’absentéisme scolaire, les données des EFR et le niveau d’inflammation bronchique. D’autres notions sont aussi à prendre en compte : les symptômes diurnes ou nocturnes, l’utilisation de B2 à courte durée d’action et le recours aux urgences.

Le recours au spécialiste

Tout dépend de son implication dans la pathologie. On peut recommander :

· Au minimum pour des EFR à répéter environ une fois par an

· Pour un bilan allergologique nécessaire en sachant que les tests cutanés demeurent le « gold standard »

· Pour un enfant non stabilisé correctement par le traitement proposé, cliniquement et fonctionnellement

· Pour le diagnostic d’asthme sur une toux sans sifflement

· Pour le suivi d’un asthme

Annexes 1 - EFR

Mesure des volumes

Boucle débit volume correcte

· Bonne inspiration

· Départ vertical de la courbe

· Aspect ne ressemblant pas à une pomme de terre

· Fin de la courbe formant un angle aigu avec l’horizontale

· Test au Bêta-2-mimétiques systématique

Réponse aux Bêta-2-mimétiques

Les fausses améliorations après Ventoline™

Si la première courbe débit-volume a été mal réalisée, il peut exister une amélioration après Ventoline™ significative mais pas due à une bronchodilatation

Bien regarder l’aspect concave ou convexe de cette boucle.

Administration des ß2 mimétiques

· Sprays-doseurs type Ventoline®

· Chambre d'inhalation adaptée au spray

· 1 bouffée / 2kg de poids sans dépasser 10 bouffées

· 5 à 10 mouvements respiratoires les plus amples possibles

Annexe 2 –enfant de < 36 mois

Annexe 3. Diagnostics différentiels