Diagnostic des maladies gŽnŽtiques : bŽnŽfices et limites

 

Pr. S. Lyonnet

GŽnŽticien dans le DŽpartement de gŽnŽtique H™pital Necker – Enfants Malades

SŽance du 6 dŽcembre 2001

1.   INTRODUCTION

Il ne sera pas fait rŽponse ce soir ˆ la question concernant lĠavenir de la consultation en mŽdecine gŽnŽrale : Ç est-ce que la gŽnŽtique pourra modifier rŽellement la pratique de la mŽdecine gŽnŽrale ? È.

Si on arrive ˆ une mŽdecine trs prŽdictive (prŽventive) en dŽpistant les facteurs de risque majeurs comme pour lĠathŽrome, le diabte, lĠobŽsitŽ, É la gŽnŽtique pourra peut-tre aider ˆ une reconnaissance des personnes ˆ risque dans la population des patients dĠun mŽdecin quel que soit sa discipline mais plus particulirement dĠun mŽdecin gŽnŽraliste.

Aller plus loin, est un espoir probablement trs fantasmagorique, car lĠon prte ˆ la gŽnŽtique beaucoup de qualitŽs quĠelle nĠa pas, notamment la qualitŽ de prŽdire.

A lĠaide de quelques exemples tirŽs dĠune gŽnŽtique trs pŽdiatrique, il est facile de dŽmontrer la trs grande difficultŽ de la gŽnŽtique ˆ prŽdire, ˆ programmer, ˆ dŽterminer ne serait-ce que la clinique.

2.   Ç LĠHOMOGENEITE GƒNƒTIQUE È

Les maladies gŽnŽtiques prŽsentant une homogŽnŽitŽ allŽlique sont peu nombreuses. Elles se dŽfinissent par des caractres cliniques toujours identiques, et ces maladies correspondent toujours ˆ la mme mutation dĠun gne sur un chromosome donnŽ.

2.1. Le cas de lĠachondroplasie

CĠest une maladie autosomique dominante (mutation FGF-R3), 1 cas pour 10 000 naissances. CĠest une de ces maladies avec Ç homogŽnŽitŽ gŽnŽtique È, dont lĠaspect ˆ bien ŽtŽ mis en Žvidence par une peinture de VŽlasquez reprŽsentant un achondroplase.

A un phŽnotype achondroplasique correspond une mutation. JusquĠˆ prŽsent, 100% des achondroplases ŽtudiŽs dans le monde entier ont la mme mutation du mme gne, avec une anomalie trs ponctuelle trs prŽcise dĠun gne qui est un rŽcepteur dĠun facteur de croissance.

Lˆ, on est dans une des rares situations gŽnŽtiques o si cette mutation existe, on a obligatoirement une achondroplasie et sĠil existe une achondroplasie, on a toujours cette mutation.

Cette homogŽnŽitŽ gŽnŽtique est exceptionnelle et ne concerne que quelques maladies o une mutation Žgale une maladie gŽnŽtique (mutation dans un gne) et o une maladie est toujours Žgale ˆ la mme mutation.

2.2. Quelques autres maladies

La drŽpanocytose

CĠest une maladie autosomique rŽcessive. La drŽpanocytose est Žgalement une maladie o il existe cette homogŽnŽitŽ gŽnŽtique

Amyotrophie spinale infantile

La maladie de Werdnig Hoffmann, touche des enfants. Ils prŽsentent une maladie neurologique progressive de la corne antŽrieure qui peut sĠexprimer de faon diffŽrente :

4  Type 1 : survenant trs t™t pendant la premire annŽe de vie emportant les enfants en quelques mois dans une dŽtresse respiratoire dramatique (parce quĠon les voit dispara”tre et eux se voient dispara”tre car leur intelligence est normale) ;

4  Type 2 : les enfants nĠatteignent pas la marche

4  Type 3 : les enfants atteignent la marche et la station debout mais les perdent ensuite.

Tous ces enfants, sans exception, ont une mutation identique du gne Ç SMN È qui a ŽtŽ trouvŽ par lĠŽquipe de Judith Melki il y a 10 ans. CĠest ici trs important, car le diagnostic est trs prŽdictif.

Si on redoute une amyotrophie spinale infantile chez un enfant, on nĠa plus besoin de faire de biopsie musculaire, ni dĠEMG et de surajouter des souffrances ˆ cet enfant. Il faut faire un test gŽnŽtique qui est un test de certitude.

Il y a trs peu dĠautres exemples de maladies comme celles-lˆ o, ˆ un phŽnotype donnŽ correspond une mutation ˆ localisation toujours identique. En rgle, la situation est beaucoup plus complexe.

3.   LES DIFFICULTES de la mŽdecine prŽdictive gŽnŽtique

Elles engendrent la complexitŽ et font quĠon est loin dĠune mŽdecine prŽdictive en gŽnŽtique. Mme pour les anomalies monogŽniques, les difficultŽs sont loin dĠtre toujours absentes.

Voici quelques exemples de la complexitŽ des relations entre une anomalie de lĠADN ou des chromosomes et une anomalie clinique.

3.1. VariabilitŽ des mutations : plusieurs gnes = une maladie

Dans la plupart des maladies monogŽniques, la mutation est possible ˆ plusieurs endroits du mme gne, voire ˆ des dizaines dĠendroits. On nĠest plus ˆ une mutation possible sur un mme gne comme dans les cas du chapitre prŽcŽdent o il existe une homogŽnŽitŽ gŽnŽtique.

La mucoviscidose

Dans la mucoviscidose, ˆ lĠheure actuelle, on est ˆ mille mutations possibles. Il sĠagit pourtant, ici, dĠune maladie monogŽnique autosomique rŽcessive :

4  deux parents hŽtŽrozygotes,

4  1 enfant sur 4 atteint.

Derrire cette hŽrŽditŽ simple, et cette maladie reconnaissable facilement (test de la sueur), se cachent des gŽnotypes multiples, et les enfants peuvent trs bien tre F508 sur lĠallle mutant du pre et R 873Q sur lĠallle mutant de la mre. Cette situation est dŽjˆ trs difficile ˆ reconna”tre

MŽthodes Ç directes È et Ç indirectes È

Rarement, on conna”t lĠŽvŽnement gŽnŽtique qui cause la maladie. Quand on conna”t, dans une famille donnŽe, le type de mutation du gne, on peut la dŽpister par une mŽthode directe chez dĠautres ŽlŽments de la famille. Il sĠagit dĠun dŽpistage par Žtude directe.

Trs souvent, on ne conna”t pas le type de mutation pour une famille particulire (mme en la cherchant bien par un sŽquenage du gne qui peut durer des mois). On utilise alors une mŽthode indirecte. On va regarder quel est le chromosome 7 transmis aux enfants atteints par rapport au chromosome 7 des deux parents. Il y a 2 chromosomes chez le pre, P1 et P2 dont lĠun est atteint mais on ne sait pas lequel. La mre est M1 et M2, est lˆ aussi lĠun des 2 chromosomes 7 est atteint. Deux enfants sont atteints, ils sont tous les deux concordants (mme gŽnotype). M1 de la mre a ŽtŽ transmis aux enfants atteints, cĠest donc M1 qui est porteur de la mutation, donc M2 est normal. P2 du pre a ŽtŽ transmis aux enfants. Donc cĠest P2 qui est mutant, donc le P1 est normal. Cela est un diagnostic indirect. On ne conna”t pas la mutation, mais les enfants atteints nous indiquent quels sont les chromosomes transmis par les parents. Si on fait un diagnostic prŽnatal et que lĠon a pour lĠenfant et cette famille donnŽe P1 (bon allle du pre) et M2 (bon allle de la mre), on peut rassurer la famille car il est homozygote pour les deux allles normaux ; il est en bonne santŽ. Attention, le diagnostic indirect nĠest valable que lorsque :

4  On sait o se trouve le gne. Il y a 5 000 maladies gŽnŽtiques et lĠon ne conna”t la localisation gŽnŽtique que de quelques centaines dĠentre elles !

4  On a des marqueurs gŽnŽtiques suffisamment proches du gne pour pratiquer une stratŽgie indirecte.

4  On a pris le soin de prŽlever de lĠADN des enfants atteints de la maladie qui peuvent tre morts. Si on nĠa pas lĠADN, on nĠa plus le fil conducteur quĠauraient pu indiquer ces enfants.

Le diagnostic direct est utilisŽ chaque fois o lĠon conna”t la localisation de la mutation. Le recours au diagnostic indirect, bien que plus complexe ˆ envisager, ˆ comprendre, et ˆ mettre en Ïuvre, est cependant trs souvent nŽcessaire.

3.2. VariabilitŽ des mutations suivant les populations.

La gŽnŽtique est une leon de diversitŽ. Les individus sont trs diffŽrents tout en Žtant extrmement semblables, message important sur le plan philosophique, mais aussi un message important pour le conseil gŽnŽtique :

4  Un gŽnŽticien ˆ Copenhague, par exemple, qui sĠintŽresse ˆ un enfant atteint de mucoviscidose, a une trs grande chance dĠarriver au diagnostic de la mutation, car il sait que 8 %  des cas correspondent ˆ 7 mutations frŽquentes de mucoviscidose dont essentiellement la mutation F 508.

4  Pour un gŽnŽticien ˆ JŽrusalem, cela nĠest plus vrai. A peine 15% des patients atteints de mucoviscidose ont la mutation F 508. Par contre, il faut chercher dĠabord une autre mutation qui est plus frŽquemment rencontrŽe dans ce pays-lˆ.

On peut sĠadresser ˆ une population faisant partie dĠune zone gŽographique o se trouve ce que lĠon appelle un Ç effet fondateur È, cĠest-ˆ-dire quĠil existe dans cette zone une mutation responsable dĠune maladie :

4  La maladie de Steinert au QuŽbec,

4  LĠinsuffisance des surrŽnales congŽnitales ˆ lĠ”le de la RŽunion,

4  etcÉ

DĠo une gŽnŽtique Ç ˆ faon È suivant la population sur laquelle on travaille !

3.3. AltŽration dĠun gne  plusieurs maladies

En gŽnŽtique, si des mutations diffŽrentes sur un mme gne peuvent entra”ner une maladie identique, il existe Žgalement des situations o ˆ une altŽration identique dĠun gne correspond des maladies diffŽrentes. Il en est ainsi :

4  Une mutation dĠun gne, bien connue pour tre responsable dĠune hydrocŽphalie liŽe ˆ lĠX, donne un tableau dĠune grande hydrocŽphalie prŽnatale avec agŽnŽsie du corps calleux et des pouces en abduction. Il sĠagit dĠune maladie trs grave, malformative que les Žchographistes dŽcouvrent bien en cours de grossesse.

4  La mme altŽration du gne peut donner un syndrome diffŽrent que lĠon dŽcouvre chez lĠadulte : retard mental modŽrŽ, aphasie, dŽmarche spastique !

Ces deux maladies liŽes au chromosome X nĠont pu tre rapprochŽ lĠune de lĠautre que depuis peu.

4  Une maladie du fÏtus avec une grosse hydrocŽphalie touchant des familles o un garon sur deux est atteint

4  Une maladie dĠhomme adulte, de dŽcouverte tardive faite de retard mental, dĠaphasie et de dŽmarche spastique.

3.4. AltŽration de plusieurs gnes  une maladie  hŽtŽrogŽnŽitŽ gŽnŽtique

Si un gne peut donner plusieurs maladies, cela complique la recherche initiale, mais une fois la dŽcouverte faite, on le sait. Par contre, plusieurs gnes indŽpendants localisŽs ˆ des endroits diffŽrents dĠun chromosome ou sur des chromosomes diffŽrents peuvent tre responsables de maladies identiques.

La sclŽrose tubŽreuse de Bourneville

La sclŽrose tubŽreuse de Bourneville est dŽfinie par des convulsions, des hamartomes et des t‰ches cutanŽes achromiques.

Trois gnes ont ŽtŽ reconnus responsables : sur les chromosomes 16 ou 9 et un 3me non identifiŽ actuellement.

Si dans une famille donnŽe, on conna”t le gne responsable, on peut utiliser cette information gŽnŽtique pour reconna”tre les personnes conductrices hŽtŽrozygotes et Žventuellement faire un diagnostic prŽnatal.

Si on ne conna”t pas la mutation, comme cĠest souvent le cas, ˆ quel marqueur indirect va t-on sĠadresser (16 ou le 9) ? Cette situation dite dĠhŽtŽrogŽnŽitŽ gŽnŽtique est une situation trs dŽlicate, car elle peut conduire ˆ des erreurs graves : dans la sclŽrose tubŽreuse de Bourneville, le phŽnotype est assez facilement reconnaissable.

Autres cas

CĠest aussi le cas dans la maladie des exostoses multiples, les myopathies liŽes ˆ des gnes diffŽrents et dont le dŽnombrement a bien avancŽ.

Mais si on sĠadresse ˆ des phŽnotypes beaucoup plus frŽquents et beaucoup plus difficiles de classement comme le retard mental gŽnŽtique o il y a des centaines de gnes, on comprend que la difficultŽ soit trs grande.

Dans le cadre de la surditŽ autosomique dominante, il y a au moins 30 gnes de surditŽ !

3.5. Les Mosa•ques germinales

Certains individus sont Ç mosa•ques È, cĠest-ˆ-dire quĠils sont mutants dans certaines de leurs cellules mais pas dans toutes.

LĠostŽogŽnse imparfaite (os de verre)

CĠest la maladie qui a emportŽ le pianiste M. PŽtrucciani. CĠest une maladie autosomique dominante (transmission une fois sur deux quel que soit le sexe).

Il sĠagit dĠune maladie du collagne avec mutation de type 1. Cette maladie peut avoir des formes variables plus ou moins graves. Ce sont des sujets qui ont des fractures frŽquentes souvent ds la naissance (c™tes), des tassements vertŽbraux dĠo leur petite taille, des sclŽrotiques bleues, des os wormiens (aspect en puzzle du cr‰ne).

Voici une famille : 1 homme qui sĠest mariŽ deux fois, 2 enfants atteints. Quand on a un enfant atteint, on regarde les parents.

La mre du 1Ħ lit nĠa pu tre ŽtudiŽe.

- La recherche de stigmates de la maladie chez le pre est restŽe nŽgative.

On peut Žvoquer une mutation nouvelle : Ç le 1Ħ cas È. Il y a eu un changement gŽnŽtique dans le gne du collagne. Les parents ont transmis des gnes normaux ˆ lĠenfant, mais il y a eu sur lĠun des gnes une mutation que lĠenfant pourra transmettre ˆ 50% de sa descendance. On donne alors un conseil gŽnŽtique rassurant pour un prochain enfant.

Deuxime mariage, aprs une fille en bonne santŽ, est nŽ un deuxime enfant atteint dĠostŽogŽnse imparfaite. La foudre ne tombant pas deux fois au mme endroit, une Žtude approfondie gŽnŽtique a montrŽ que ce Monsieur Žtait porteur dĠune mutation du collagne sans signes cliniques de la maladie correspondante, mutation qui Žtait prŽsente dans ses cellules de reproduction. Il a dans ses spermatozo•des une partie de leur population qui est normale et une autre porteuse de la mutation. Cet homme est mosa•que.

Autres cas

Cette situation de mosa•que ne serait pas exceptionnelle, elle est valable pour certaines myopathies notamment pour la maladie de Duchesne (5% des cas sporadiques).

4.   Une mutation ˆ GŽomŽtrie Variable

4.1. La remise en cause des lois de MendelÉ

La loi de Mendel dit quĠun gne se transmet ˆ lĠidentique avec ou sans la mutation. Le gne est un ŽlŽment stable, transmissible, hŽritable. Cette notion est remise en cause depuis 10 ans.

Certaines mutations sont instables, elles peuvent varier au fil des gŽnŽrations. LĠanomalie de lĠADN va changer au fil de la transmission de cet allle mutant  une mutation ˆ gŽomŽtrie variable. Ici, il sĠagit de maladies frŽquentes. Ce nĠest pas comme dans lĠostŽogŽnse imparfaite, peu frŽquente ; et mme si la mucoviscidose ou lĠatrophie spinale 2me maladie rŽcessive aprs la mucoviscidose sont plus frŽquentes, on nĠest pas dans les maladies frŽquentes.

4.2. La fragilitŽ du chromosome X

CĠest une maladie rŽcessive liŽe ˆ lĠX. CĠest dans une pathologie frŽquente.

Voici ce jeune garon, grandes oreilles, dysmorphie, prognatisme, retard mental sŽvre avec des troubles du comportement qui frise lĠautisme. On ne peut pas faire le diagnostic sur la clinique : la macro-orchidie nĠexiste quĠaprs la pubertŽ. Il sĠagit dĠune fragilitŽ du chromosome X. On parle dĠun cas sur 2 ˆ 3 000 naissances.

Une maladie liŽe ˆ lĠX, on sĠattend ˆ ce que les femmes ne soient pas atteintes et ˆ ce que les hommes atteints du gne soient tous atteints (comme dans lĠhŽmophilie, la myopathie de Duchesne, le daltonisme, É).

Les femmes sont conductrices nĠexpriment pas le gne parce quĠelles ont 2 chromosomes X, lĠun avec la mutation, lĠautre pas. Cette compensation fait quĠelles sont en bonne santŽ (en particulier dans lĠhŽmophilie).

Voici un tableau dĠune famille de sujets atteints de la fragilitŽ du chr. X, o il existait des inconnues mal comprises :

-        Des femmes atteintes, ce qui est contraire ˆ lĠhŽrŽditŽ rŽcessive liŽe ˆ lĠX

-        Deux garons atteints et une sÏur atteinte, une mre dont on se dit quĠelle est conductrice. Mais son chromosome X, elle le tient de son pre qui nĠest pas atteint alors que celui-ci a un frre atteint. Cela nĠest pas trs comprŽhensible. Si le chromosome X avec la mutation de fragilitŽ du ch. liŽe ˆ lĠX, chez ce grand oncle maternel est le mme que celui de son petit neveu, il a bien transitŽ par le grand pre.

On sait maintenant que la fragilitŽ liŽe ˆ lĠX est ˆ gŽomŽtrie variable.

Elle peut concerner des hommes qui sont des m‰les normaux, transmetteurs de la mutation qui chez eux se trouve ˆ une phase larvŽe de prŽ-mutation. Cette prŽ-mutation peut se transmettre ˆ une femme qui va aggraver la mutation, lĠaccentuer et la transmettre avec un effet dŽlŽtre ˆ ses enfants.

La rŽponse ˆ ce type dĠarbre gŽnŽalogique se trouve sur le schŽma suivant :

 


 


Ici deux garons, cousins germains, avec retard mental et une fragilitŽ du ch. X cliniquement ŽvoquŽ. La mutation en question est une rŽpŽtition de lĠADN en nombre variable de fois.

On a, ˆ lĠŽtat normal, cette rŽpŽtition comme chez cette femme qui a 2 chromosomes X avec 30 rŽpŽtitions de lĠADN (CGG) pour lĠun et 24 rŽpŽtitions pour lĠautre.

Mais cet homme a 75 rŽpŽtitions de lĠADN ; ici, on se trouve au delˆ dĠun seuil qui nĠest plus tout ˆ fait normal ; lui, il le tolre trs bien : cĠest le m‰le transmetteur.

Cette rŽpŽtition 75 sur son chromosome X, il la transmet ˆ ses deux filles (75 pour lĠune, 70 pour lĠautre). Ces femmes peuvent dŽsŽquilibrer cette mutation qui va passer chez le fils de lĠune de 70 ˆ 540 fois la rŽpŽtition de CGG et chez le fils de lĠautre de 75 ˆ 450 la rŽpŽtition. Il en est de mme chez la demi-sÏur (450) de ce dernier garon. Il existe une mutation instable dĠun ADN qui va sĠaccentuer en taille au fil des gŽnŽrations.

Cette dŽcouverte explique un certain nombre de maladies, en particulier la fragilitŽ du chromosome X  des garons normaux transmetteurs (frŽquent),

 

 

4.2. Le phŽnomne dit Ç dĠanticipation È

Les maladies gŽnŽtiques o il y a un phŽnomne dit Ç dĠanticipation È, cĠest-ˆ-dire un phŽnomne o plus les gŽnŽrations avancent dans une maladie, plus le phŽnotype est grave comme la maladie de Steinert

CĠest une maladie neuromusculaire que lĠon voit chez lĠadulte et lĠenfant parfois mme pendant la grossesse. CĠest la mme maladie, simplement il y a une aggravation au fil des gŽnŽrations : un grand pre avec une forme classique de Steinert, calvitie, myotonie, bloc A-V, va transmettre ˆ sa fille qui aura une forme plus prŽcoce avec une myotonie sŽvre ; elle-mme va transmettre la mutation ˆ son enfant qui aura une forme ante-natale grave avec hydramnios et immobilitŽ fÏtale.

On redŽcouvre ce que les anciens avaient prŽvu, pressenti en ayant ŽvoquŽ une anticipation. AujourdĠhui, lĠanticipation ˆ une base molŽculaire.

5.   Le phŽnomne dĠempreinte gŽnomique parentale

5.1. La transmission dĠun mme allle par la mre ou le pre !

Les anciens avaient Žgalement notŽ que chez la souris, en particulier, certaines anomalies cliniques nĠŽtaient pas les mmes suivant que cĠŽtait un pre ou une mre qui transmettait lĠanomalie.

Dans certains endroits du gŽnome humain, on retrouve des diffŽrences de ce type. Le fait dĠavoir un accident gŽnŽtique sur un allle paternel donne une maladie ou un syndrome diffŽrent de celui produit par le mme accident au niveau de lĠallle maternel correspondant. Ceci va Žgalement ˆ lĠencontre des lois de Mendel.

5.2. Quelques maladies expliquŽes par ce phŽnomne

Le syndrome dĠAngelman

Il est caractŽrisŽ par un retard mental trs profond, une ataxie, lĠabsence ou peu de langage, une microcŽphalie avec grande bouche, souvent des convulsions.

Le syndrome de Prader-Willi

Il est dŽfini par lĠexistence dĠun retard mental plus modŽrŽ, des troubles du comportement surtout alimentaire avec obŽsitŽ majeure si on ne rŽduit pas la boulimie obsessionnelle.

Les enfants prŽsentant ce syndrome naissent petits malingres, ne mangeant pas bien pendant la premire annŽe de vie, beaucoup dĠentre eux ayant besoin dĠune nutrition entŽrale ˆ dŽbit continu. A lĠ‰ge de 2-3 ans, ils sortent de cette phase dĠhypotonie et de trouble alimentaire ; ds quĠils marchent, une boulimie appara”t.

ExplicationÉ

Les enfants de ces deux syndromes ont exactement la mme anomalie gŽnŽtique, une dŽlŽtion du chromosome 15 dans sa partie toute proximale :

4  Syndrome dĠAngelman transmis par la mre,

4  Syndrome de Prader-Willi transmis par le pre.

CĠest le mme caryotype. Un cytogŽnŽticien ne peut pas faire la diffŽrence, car il ne peut pas distinguer sur la photo du chromosome le chromosome 15 dĠorigine maternelle de celui dĠorigine paternelle. Comme sĠil y avait besoin de ces deux chromosomes 15 paternel et maternel pour un dŽveloppement normal. Comme si lĠaltŽration de ces deux chromosomes 15 ne donnait pas le mme rŽsultat, lorsquĠelle survient dans le dŽveloppement trs prŽcoce de lĠÏuf. Car dans ces maladies, ce nĠest pas une maladie hŽrŽditaire mais une maladie sporadique ;

4  Les parents nĠont pas la dŽlŽtion, et ne la transmettent pas

4  CĠest ensuite chez lĠovocyte au stade dĠune cellule quĠarrive la dŽlŽtion  lĠaccident gŽnŽtique

4  Suivant que la dŽlŽtion est survenue sur un chromosome 15 recopiŽ du pre ou sur un chromosome 15 recopiŽ de la mre, cela ne donne pas la mme maladie.

On nĠa pas encore lĠexplication de cela, mais on a dĠautres exemples qui sĠaccumulent de maladies o le phŽnotype nĠest pas le mme ou est plus grave ou plus prŽcoce suivant que lĠallle mutant est hŽritŽ dĠun pre ou dĠune mre.

Ce phŽnomne est appelŽ phŽnomne dĠempreinte gŽnomique parentale, comme si en transmettant les chromosomes ˆ ses enfants on dŽterminait en plus du recopiage exact de lĠADN un sceau, une empreinte de style paternel ou de style maternel et quĠon a besoin des deux pour que cela marche correctement.  

6.   LĠADN mitochondrial

6.1. Un ADN circulaire

Tout notre ADN nĠest pas uniquement dans les chromosomes. Il y a 3 milliards de nuclŽotides dans les chromosomes (le gŽnome) et 16 000 nuclŽotides dans les mitochondries. Cet ADN mitochondrial est particulier par rapport ˆ lĠADN des chromosomes linŽaire, car il est circulaire et il ne fabrique que des protŽines qui participent ˆ la cha”ne respiratoire mitochondriale (fabrication de lĠATP) dans toutes les cellules. Cet ADN mitochondrial a deux particularitŽs :

4  Cette molŽcule nĠest transmise que par les mres. On nĠa que les mitochondries de sa mre.

4  Le spermatozo•de est bourrŽ de mitochondries car il a besoin dĠune Žnergie importante et dĠATP pour sa mobilitŽ. Quand il arrive, pour fŽconder lĠovule, il laisse tomber son flagelle, il abandonne sa pice intermŽdiaire et les mitochondries avec. Il fŽconde lĠovule avec son patrimoine gŽnŽtique haplo•de en abandonnant ses mitochondries.

6.2. Une maladie de lĠADN mitochondrial

6.2.1. Premire particularitŽ : la transmission

Quand elle est hŽritŽe, cĠest que la mre a une mutation de lĠADN mitochondrial. En consŽquence :

4  Tous ses enfants lĠauront

4  Seules les filles la transmettront ˆ leur tour

4  Les fils ne vont pas la transmettre.

Ces anomalies mitochondriales sont rares mais peuvent concerner toutes les spŽcialitŽs :

4  Cardiaque avec des myocardiopathies,

4  Ophtalmologique avec la cŽcitŽ de Leber,

4  ORL avec la surditŽ, neurologique avec des retards mentaux,

4  RŽnale avec des tubulopathies, hŽpatique É

6.2.2. Deuxime particularitŽ : de trs nombreux phŽnotypesÉ

Pourquoi tant de phŽnotypes ?

CĠest la deuxime particularitŽ de lĠADN mitochondrial, celle dĠtre une sorte de mosa•que ; il a la particularitŽ de ne pas tre tout mutant ou tout normal ; cĠest dĠtre Ç hŽtŽroplasmique, cĠest-ˆ-dire dĠavoir des mitochondries normales et des mitochondries mutantes dans un dosage variable. CĠest ce dosage variable dans des tissus diffŽrents qui fait que le phŽnotype peut tre diffŽrent dans un arbre gŽnŽalogique (surditŽ ˆ c™tŽ de tubulopathie par exemple).

Comment Žvoquer une maladie mitochondriale ?

CĠest dĠune grande difficultŽ tant sur le plan clinique que de lĠapproche biochimique. A retenir :

-        Tout lĠADN nĠest pas dans les chromosomes. Sur le plan phylogŽnique, les mitochondries sont des sortes de Ç rŽsidus È de la respiration des procaryotes (unicellulaires) permettant une respiration cellulaire dans tous les organes qui le nŽcessitent (muscle, cerveau,É).

-        Les deux particularitŽs des mitochondries : leur transmission uniquement maternelle et la variabilitŽ de dosage des mutations suivant les tissus.

7.   CONCLUSION

Le message de cette complexitŽ, cĠest que les problmes posŽs sont complexes ˆ rŽsoudre non seulement pour les gŽnŽticiens mais pour tous les mŽdecins.

Si cette complexitŽ est dŽjˆ grande pour les situations prŽcŽdemment abordŽes, combien plus grande le sera t-elle pour les maladies multigŽniques, cĠest-ˆ-dire les maladies o il faut non pas un mais plusieurs variations de notre ADN pour confŽrer non pas une certitude mais une prŽdisposition au diabte, ˆ lĠobŽsitŽ, ˆ lĠhypertension artŽrielle, etc.

On est loin de la mŽdecine prŽdictive. Il para”t nŽcessaire encore de concentrer nos efforts sur des maladies certes rares mais qui vont aider ˆ comprendre les modles gŽnŽtiques encore plus complexes qui nous attendent comme les maladies multigniques plus frŽquentes que nous avons ˆ traiter et ˆ prŽdire.

8.   REPONSES A DES QUESTIONS

Quel risque pour des cousins germains dĠavoir des enfants porteurs dĠune maladie phŽnotypique ?

Le risque pour des cousins germains dĠavoir une maladie gŽnŽtique autosomique rŽcessive nĠest pas particulier sauf si les deux parents sont hŽtŽrozygotes.

LĠaugmentation du risque chez les cousins germains est assez faible, de lĠordre de 2 ˆ 3% au cours dĠune grossesse. Pour lĠensemble des grossesses, ce chiffre est augmentŽ de 1% par grossesse. Ce risque appelle plusieurs commentaires :

4  Premire situation : dans la famille, il existe une maladie gŽnŽtique. Lˆ, on sait quĠil y a un gne coupable. Le conseil gŽnŽtique doit sĠintŽresser spŽcifiquement ˆ la question de la maladie qui est dŽjˆ reconnue dans la famille.

Y a t-il dans vos familles (communes mais aussi non communes) une maladie rŽcessive qui modifierait cet avis ?

4  Deuxime situation : certaines populations connues prŽsentent avec une frŽquence suffisamment grande des gnes rŽcessifs pour des maladies particulires par exemple :

o   Mucoviscidose ˆ Copenhague et ˆ JŽrusalem.

o   ThalassŽmie dans la rŽgion mŽditerranŽenne (1 personne sur 10 est porteuse du gne de la thalassŽmie). Si on est cousin germain le risque est nettement plus ŽlevŽ. Dans le doute, faire une Žlectrophorse de lĠhŽmoglobine.

Quelles sont vos origines gŽographiques ?

Il nĠy a pas de risque Ç zŽro È en gŽnŽtique. On aurait beau rechercher, ˆ tort, des maladies gŽnŽtiques comme la mucoviscidose, lĠatrophie spinale, etc., on nĠaboutirait pas ˆ rŽduire le risque gŽnŽtique.

Quelle est lĠorigine et quel est le mŽcanisme des mutations ? 

RŽponse - Je ne sais pas.

Quand on prend une cellule et quĠon la bombarde de rayons X ou quĠon lĠa soumet ˆ la prŽsence dĠagent alkylant, il y a des mutations 1 000 ˆ 10 000 fois plus que la normale. On ne vit pas ˆ Hiroshima ni avec des produits alkylants.

Les mutations sont des scories, des erreurs de la transcription. Il y a une faute tous les millions de transcriptions de nuclŽotides. Notre systme est donc bien ŽquipŽ pour corriger les erreurs ! Mais on a 3 milliards de nuclŽotides. Une faute tous les millions, cela veut dire que lorsquĠon transmet notre patrimoine ˆ un de nos enfants, il est recopiŽ avec 3000 changements. Fort heureusement 95% de notre ADN ne fait pas partie de lĠADN codant et nĠintŽresse pas les gnes. Sur les 3 000 changements lors de la transcription, il y a une trs grande majoritŽ qui nĠentra”ne pas de consŽquence. Cependant quelques changements peuvent atterrir dans un gne. Quand le changement se produit au niveau dĠun gne et ˆ un endroit particulirement sensible du gne pour quĠapparaisse un phŽnotype, il y a une sorte de Ç malchance È, terme peu scientifique, mais indiquant une inconnue ou un hasard. Cette probabilitŽ de malchance est ˆ diffŽrencier de la situation de sujets qui sont prŽdisposŽs par une ascendance porteuse dĠun phŽnotype.

Quid des cancers familiaux et en particulier du cancer colique ?

Gros efforts de recherche en cours, mais aussi des rŽsultats pratiques.

On sait quĠil existe des familles ˆ cancer : cĠest vrai pour certains cancers du sein, pour certains cancers de lĠovaire, pour certains cancers du colon notamment ceux qui arrivent sur des polyposes familiales (maladie autosomique dominante) nŽcessitant des contr™les rapprochŽs par coloscopie ds 15 ans et parfois la colectomie totale. Ce sont des situations assez rares. Mais il y a aussi des familles de cancer colique o le cancer ne na”t pas dĠune polypose prŽexistante.

SĠil y a une demande, ces patients doivent tre adressŽs ˆ une consultation dĠoncogŽnŽtique notamment pour le cancer colique, il y en a une ˆ St Antoine, ˆ lĠInstitut Curie, ˆ lĠIGR.É

Il y a plusieurs gnes responsables du cancer colique.

4  On cherche quel gne. Et en admettant quĠon arrive ensuite ˆ une mutation, quĠest-ce que lĠon en fait ?

4  Comment on utilise cette information ?

4  QuĠest-ce quĠon va dire ˆ un jeune É ?

On est en plein dans une situation de risque mendŽlien. Ce sont des situations peu frŽquentes.

Mais dans la plupart des familles o il existe de nombreux cancers coliques, il sĠagit dĠagrŽgation de cancers liŽs ˆ la frŽquence du cancer colique.

Peut-on modifier le chromosome ?

Cela a ŽtŽ fait chez la souris. Le bricolage chromosomique, remplacer un bout de chromosome existant, manquant, cĠest extrmement difficile. On arrive ˆ isoler de grand fragment de chromosome dans un clone de bactŽrie ou de virus, ˆ les reproduire des millions de fois et ˆ les stabiliser. Mais de lˆ ˆ les rŽinjecter dans une cellule atteinte et ˆ le stabiliser dans le gŽnome de cette cellule pour quĠelle adopte les caractŽristiques que peut avoir un segment de chromosome normal, cela est trs, trs difficile. Pour lĠinstant il y a une recherche animale.

Il est prŽvu un de la mucoviscidose par biologie molŽculaire ; ne va t-il pas se poser le problme de lĠacceptation parentale ?

Le dŽpistage primaire prŽvu de la mucoviscidose nĠest pas molŽculaire. Il sera du type Guthrie (dosage de la phŽnylalanine), cĠest-ˆ-dire que lĠon va doser la trypsine-immunoactive chez tous les nouveaux nŽs. On va dŽpister sžrement trop dĠenfants (environ 1 millier pour une centaine de mucoviscidose nouvelles par an en France) et sur ceux-lˆ, avec lĠaccord des parents, on aura recours au dŽpistage secondaire ˆ lĠaide de la biologie molŽculaire.

O en tes-vous du diagnostic prŽ-implantatoire par rapport au diagnostic prŽnatal ?

En France, il a ŽtŽ longtemps involontairement interdit par la Loi.

La Loi de BioŽthique a fait avancer beaucoup les choses. Elle est entrain de reculer avec lĠarrt Perruche qui entra”ne une situation dramatique pour les pŽdiatres, obstŽtriciens, Žchographistes,É qui sont mis en cause dans leur pratique raisonnable de leur exercice.

En juillet 1999, il a ŽtŽ autorisŽ la recherche sur lĠembryon pour visŽe de diagnostic prŽ-implantatoire expŽrimental. Trois centres ont reu lĠagrŽment en France (Strasbourg, Paris qui est un consortium Antoine Beclre - Necker-Enfants Malades et Montpellier). Il y a dŽjˆ deux enfants qui sont nŽs. Voilˆ o on en est.

La recherche porte sur les maladies ˆ triplets, la mucoviscidose, lĠamyotrophie spinale et les anomalies chromosomiques.