EPU95 – Montmorency

Rhumatologie & Orthopédie

 Mise à jour du 26 Avril 2007

Médecine manuelle & Pathologie vertébrale

Dr Pierre CORNELIS

(Attaché au service du Dr J.Y MAIGNE, Hôtel - Dieu – PARIS)

Séance de formation du 8 mars 2007

 

1.       Historique

2700 av JC : en Chine, traité de médecine qui recommande l’usage des mains

460 av JC : HIPPOCRATE rapporte l’histoire d’un homme victime d’un lumbago qu’il traite en faisant une manipulation bien décrite.

A. Taylor STILL (1828-1917) invente un grand nombre de techniques pour manipuler le rachis. Elles constituent la base de toutes les manœuvres utilisées aujourd’hui.

En 1925, MENNELLE introduit la thérapeutique manipulative dans le cadre de la médecine traditionnelle et hospitalière.

En 1941, CYRIAX décrit le massage transverse profond.

1960 : R. MAIGNE codification nouvelle des techniques avec une nomenclature claire et des règles d‘ application précise appuyées sur une meilleure connaissance de l’anatomie et de la mécanique vertébrale.

1997 : DIU de médecine manuelle

 

2.       Les différents acteurs

2.1. Le reboutage

Présent dans toutes les civilisations, et représente une « première médecine ».

Il s’agit de petits gestes sur les tendons, «  les nerf », ou les muscles contractés

Diagnostic sans réalité anatomique associé à un vocabulaire imagé : vertèbre qui saute, vertèbre déplacée,  muscle froissé, nerf coincé.

2.2. Ostéopathie

Andrew Taylor STILL est un pasteur américain avec une formation médicale. Sa théorie de base fait référence à la perte de mobilité articulaire et de l’harmonie du corps. Restaurer une mobilité normale, rétablit l’apport sanguin et apporte la guérison.

N’importe quel blocage peut donner n’importe quelle maladie. La plupart des maladies peuvent bénéficier de l’ostéopathie. ??

Le diagnostic ostéopathique recourt à la palpation fine :

4    Pour juger de la restriction de mobilité

4    Pour évaluer la « malposition vertébrale ».

Le diagnostic donné au patient est souvent celui de « bassin bloqué » ou de « vertèbre déplacée ».

Aux Etats-Unis, ce sont des médecins généralistes qui pratiquent l’ostéopathie (Doctor of Osteopathy - DO) à ne pas confondre ce « DO » avec le Diplômé d Ostéopathie française « DO », aussi.

2.3. Chiropraxie

Aux Etats-Unis, à la fin du siècle dernier, PALMER, épicier magnétiseur, fonde la  chiropraxie.

Le cerveau est un générateur électrique qui envoie du courant dans les nerfs puis aux organes.

Si une vertèbre se déplace, elle coince le nerf et empêche l’électricité de passer, d’où un mauvais fonctionnement de l’organe.

Pas de diagnostic précis è il suffit de décoincer le nerf.

Le chiropracteur utilise des manipulations directes.

 

3.       La position des instances et législation

La loi du 22 mars 2002, dans son article 75, reconnaît le titre d’ostéopathe et de chiropraticien. Cependant, la profession d’ostéopathe n’est toujours pas réglementée car aucun décret d’application de la loi n’a été publié, à ce jour.

3.1. Les instances de tutelle

Le Conseil National de l’Ordre, l’ANAES et l’Académie de Médecine ont exprimé leur opinion suite à la loi du 4 mars 2002.

Le périmètre

Les ostéopathes et les chiropracteurs traitent les troubles fonctionnels et non les maladies organiques qu’elles soient inflammatoires, infectieuses ou tumorales. Il ne prend pas en charge, de même, les fractures. Cependant, la distinction entre maladie fonctionnelle et organique est loin d’être évidente et une confusion risque de  retarder un diagnostic !

Il en résulte une position contrastée, qui aboutit à une demande des autorités de tutelle de vérifier, scientifiquement, les concepts et la base des mécanismes physiologiques.

Les principes de base énoncés

Ils sont les suivants :

4    Qu’il n’existe aucune preuve scientifique pour recommander les thérapeutiques cranio-sacrées.

4    Le rappel que la manipulation n’est qu’un geste thérapeutique

4    Que toute thérapeutique  doit nécessiter un diagnostic

4    Qu’il faut connaître les indications et contre- indications de la technique, et qu’il y a des complications graves, possibles.

4    Que l’ostéopathie s’appuie sur des a priori conceptuels dénués de tout fondement scientifique.

3.2. Les formations

 Le DIU de « médecine  manuelle ostéopathique »

Les facultés de médecine dispensent en 3ème cycle un DIU de Médecine Manuelle Ostéopathie. Cet enseignement a fait l’objet d’une évaluation et repose sur une formation préalable rigoureuse, fondamentale et clinique. En région parisienne, le DIU peut être préparé à l’Hôtel - Dieu et à Bobigny. Cette formation est reconnue par le Conseil de l’Ordre des Médecins.

Les autres formations

Elles s’adressent :

4    Aux titulaires d’un diplôme d’état de santé (kiné, sages-femmes, podologues, médecins, etc.) poursuivant une formation de 1500 à 3000 heures réparties sur 3 à 6 ans. La reconnaissance du diplôme intervient après 3 ans

4    Aux bacheliers, moyennant une formation de 5000 heures réparties sur 6 ans

3.3. La législation sur l’ostéopathie

Restriction de l’exercice avec interdiction de certains actes techniques.

La responsabilité du médecin qui adresse à un non professionnel de santé est engagée, il signe une autorisation à manipuler.


 

 

MEDECINE MANUELLE   OSTEOPATHIQUE

Reconnue par :

4    L’académie de médecine

4    L’ordre des médecins (DIU)

4    La CNAM (inscrite à la CCAM)

 

3.4. Une définition des troubles précisée…

Le caractère discutable des théories ostéopathiques conduit R. MAIGNE, rhumatologue, à proposer un système d’examen clinique fondé sur  la recherche de la douleur provoquée et non de trouble de la mobilité.

Il propose une description de syndrome douloureux vertébral sous-tendu par l’anatomie. Par exemple, la souffrance bénigne d’un segment intervertébral est nommée dérangement intervertébral mineur « DIM ».

Il pose la règle de la non douleur et du mouvement contraire pour donner la bonne direction de la manipulation.

 

4.       Conduite de L’EXAMEN clinique (exemple : le rachis lombaire)

4.1. La consultation

Elle suit le même ordre chronologique qu’une consultation classique :

4    Interrogatoire,

4    Examen global du rachis,

4    Examen des membres inférieurs,

4    Examen des tissus mous : peau, muscle, tendon

4    Examen segmentaire du rachis

4.2. L’interrogatoire directif 

4    Topographie de la douleur,

4    Depuis quand avez-vous mal?

o        Facteur déclenchant de la crise actuelle,

o        Facteur aggravant ou soulageant,

4    Bilan psychologique.

4.3. L’examen de la mobilité du rachis

Sujet debout genoux raides,

4    Flexion, 

4    Extension,

4    Latéroflexion,

4    Rotation (debout ou assis),

On apprécie : le caractère douloureux, la présence d’une raideur. On reporte les résultats sur un schéma en étoile qui donne les directions libres pour manipuler (Schéma en étoile de R. MAIGNE).

4.4. L’examen des membres inférieurs

4    Signe de Lasègue

4    Examen de la hanche

4    Réflexes ostéotendineux

4    Recherche de déficit sensitivomoteur

4    Recherche de cordons musculaires douloureux

4    Recherche d’une cellulagie sur les territoires L5 et S1.

4.5. L’examen des tissus mous

L‘ examen de porte sur la peau,  les muscles, les aponévroses, les ligaments et les tendons permettant de rechercher le syndrome « cellulo-périosto-myalgique » de R. MAIGNE

Il doit avoir lieu avant l’examen segmentaire du rachis, patient allongé sur le ventre. Il aide à localiser le niveau de la lésion rachidienne.

L’examen des tissus cutanés et sous cutanés

Il s’effectue par la technique dite, du « pincer rouler ».

4    Il explore les dermatomes de T11 à S1, à la recherche d’une cellulalgie è douleur au pincement appréciée par rapport à l’autre coté.

4    Il recherche un point de crête postérieur à 7 cm de la ligne médiane è croisement de la crête iliaque par le rameau postérieur cutané de L1 ou L2.

L’examen des muscles lombaires

L’examen est comparatif et bilatéral.

Le patient est en décubitus ventral, on explore :

4    le multifidus,

4    les fessiers,

4    le piriforme,

4    les jumeaux,

4    l’érecteur du rachis. Car ce muscle, au niveau de son insertion sur le quart interne de la crête iliaque, est souvent douloureux.

Il recherche une douleur globale, une douleur d’insertion musculaire, et surtout un cordon myalgique au sein du corps musculaire.

4.6. L’examen segmentaire vertébral

L’idée de départ était que si la douleur provenait d’un segment mobile donné, ce segment devait être douloureux lors de certaines manœuvres de sollicitation.

Quatre manœuvres de base, pour l’examen rachidien, sont à réaliser, patient à plat ventre en travers de la table  pour étirer les muscles paravertébraux qui deviennent, alors, indolores.

4    La pression postéro-antérieure  sur l’épineuse,

4    La pression latérale sur l’épineuse,

4    La pression sur l’articulaire postérieure : palpation de haut en bas à environ 1 cm de la ligne médiane petit mouvement de friction. La présence d’une douleur ne signifie en aucun cas que la douleur est d’origine articulaire postérieure,

4    La pression sur le ligament interépineux.

 

5.       Quelques exemples cliniques

5.1. Une douleur cervicale et céphalée 

Doléances

Douleur cervicale haute céphalée postérieure, antérieure sus-orbitaire (fausse sinusite),

Possible sensation vertigineuse, raideur cervicale haute.

A l’examen

Mobilité cervicale limitée et/ou douloureuse,

Cellulagie cuir chevelu, sourcil

Douleur musculaire des muscles petit et grand oblique

5.2. Des douleurs cervicales et des dorsalgies

Doléances

Douleur cervicale basse douleur interscapulaire (brûlure) douleur postérieur de l’épaule et bras (fausse NCB) raideur cervicale

A l’examen

Etude de la sensibilité, des réflexes, de la motricité du membre supérieur

Recherche de cellulagie  du membre supérieur, cellulagie dorsale haute et moyenne

Point cervical du dos : inter scapulaire.

Douleur musculaire : splénius du cou, angulaire de l’omoplate, trapèze, scalène

Examen segmentaire cervical et dorsal è le muscle splénius du cou (innervé par C4) s’insère sur l’épineuse de T4.

Point cervical du dos : inter scapulaire.

5.3. La charnière thoraco-lombaire

Le syndrome de Robert MAIGNE

Le contexte

La charnière est une région importante de rotation. La région lombo-fessière, la face latérale de hanche et l’aine reçoivent leur innervation sensitive cutanée des racines T11 à L2.

Les branches postérieures cutanées innervent la région lombo-fessière.

La branche antérieure de T12 prend le nom de nerf sous-costal. La branche antérieure de L1 prend le nom de nerf ilio-hypogastrique. Elles innervent la partie basse des abdominaux et les téguments. Avec un rameau perforant latéral sensitif vers le grand trochanter et un rameau antérieur, nerf fémoro-cutané, qui provient de L2 et est à l’origine de la méralgie paresthésique.

Doléances

Douleur fessière, douleur latérale de hanche, douleur inguinale, testicule.

Possible douleur sciatique associée

Possible trouble digestif ou gynécologique,

A l’examen clinique…

Cellulalgie fessière et inguinale (la peau de la fesse est innervée par T 12 et L1)

Point de crête postérieur

Point de crête latéral

Examen segmentaire de la charnière TL sensible

Rachis lombaire normal

Pas de douleur musculaire rattachée

5.4. Les fausses sciatiques

Une lombalgie est une douleur qui va du rachis dorsal bas au pli fessier : ce n’est pas une sciatique.

La sciatique qui traîne des mois alors qu’un simple cordon musculaire peut faire croire à une sciatique :

4    Cordon dans le jumeau interne,

4    Cordon dans le pyramidal, et dans le tiers inférieur du biceps crural.

Une zone de cellulagie séquellaire 

Une simple pathologie du segment mobile peut provoquer une douleur référée qui peut faire évoquer une sciatique (qui est moins systématisée) è Phénomène de convergence dans la couche 5 de la corne postérieure de la moelle.

 

6.       Les outils thérapeutiques

6.1. Les traitements classiques

4    Prescription médicamenteuse : antalgique, myorelaxant, AINS, corticoïde,  antidépresseur, antiépileptique, etc.

4    Prescription de massage, de rééducation, de kinésithérapie

4    Prescription d’une ceinture de maintien

4    Mise en place d’un électro-stimulateur externe (TENS)  

4    Réalisation d’un corset rigide en résine

4    Utilisation des techniques mésothérapiques    

4    Infiltration de l’articulaire postérieure

4    Infiltration épidurale par le hiatus sacro-coccygien

6.2. Propositions thérapeutiques de la médecine manuelle

4    Massage cutané, plissé palpé-roulé, palpé-cassé

4    Etirement musculaire,

4    Décordage tendino-musculaire (technique de Moléron, reboutage, massage tranverse profond.

4    mobilisation

4    Travail isométrique (technique musculaire de Mitchell)

4    Travail de raccourcissement

4    Manipulation avec impulsion, réalisée en trois temps : mise en position, mise en tension, puis impulsion manipulative.

 

7.       Mode d’action des manipulations avec impulsion

7.1. Action sur les corps vertébraux

La manipulation mobilise les corps vertébraux. En fin de manipulation, la position des vertèbres les unes par apport aux autres n’est pas modifiée. Cependant, rien ne permet d’exclure un « déblocage ».

La conséquence du mouvement intervertébral est un étirement des tissus adjacents : muscles, tendons, ligaments anulus. C’est dans cet étirement sec, renforcé par le phénomène de cavitation, qu’il faut rechercher le mode d’action des manipulations vertébrales.

7.2. Action sur le disque intervertébral

La pression intra-discale évolue en deux phases successives.

4    D’abord, un rapprochement des corps vertébraux avec élévation de la pression

4    Ensuite, une traction écartement des plateaux avec chute de la pression intra-discale qui devient inférieure à la pression de départ  puis retour à la normale.

L’harmonisation des pressions discales, pourrait permettre dee réduire un blocage intra-discal, par exemple, un fragment de nucléus, bloqué dans une fissure de l’ anulus, regagne sa position centrale.

Il faut souligner qu’il n’a jamais pu être démontré une réintégration de hernie discale!

7.3. Action sur les articulaires postérieures

Le bruit de craquement  provient de ces articulations. Ecartement plus vite que ne voudrait la seule impulsion manipulative.

Il y a un étirement des capsules avec un effet inhibiteur sur les contractures musculaires.

Le dégagement d’une structure bloquée, d’une frange synoviale, d’un engrènement des crêtes cartilagineuses, associé à une possible rupture d’ adhérences intra-articulaires qui limitaient le mouvement, peut expliquer l’effet observé.

7.4. Action sur les muscles paravertébraux

Ces muscles représentent une cible importante des manipulations. En effet, le muscle constitue une structure relais de la douleur vertébrale.

La mise en tension entraîne un étirement des muscles paravertébraux du même côté et un relâchement du côté opposé.

L’impulsion surcroît l’étirement des muscles de façon sèche. Ce mécanisme est bien connu, en physiologie, pour inhiber la contracture musculaire.

Enfin, la décontraction par étirement de la capsule articulaire, inhibe la contraction.

Suite à la manipulation, il y a une réponse réflexe musculaire de contraction qiui peut faire décroître la contracture musculaire.

7.4. Action non spécifique sur la douleur

Il est probable que les manipulations ont un effet antalgique propre, indépendant de toute action mécanique vertébrale.

Des sujets, soumis à une stimulation électrique cutanée paraspinale, voient leur seuil de sensibilité à la douleur s’élever immédiatement après une manipulation au même niveau, ce qui n’est pas obtenu dans le groupe placebo.

On soulage par manipulation des patients porteurs de métastases osseuses (erreur diagnostique de départ)

Mais aussi...

7.5 L’effet placebo

Le sentiment que la vertèbre est remise en place, la prise en main, le bruit de craquement, peuvent y contribuer.

 

http://www.educ.necker.fr/cours/medecinegenerale/med_alter.pdf