Prise en charge de lÕinsuffisance rnale chronique
Docteur Jean-Jacques MONTSENY
Service de Nphrologie-Dialyse Centre Hospitalier Ren Dubos - Pontoise
LÕinsuffisance rnale chronique (IRC) est une maladie rnale chronique qui est irrversible.
Elle affecte toutes les fonctions du rein.
Elle est lÕaboutissement de lsions de fibrose secondaires de multiples affections pouvant avoir rgress. Elle a une tendance spontane sÕautoaggraver avec le temps, en raison dÕun cercle vicieux auto-entretenu :
Hyperfiltration des nphrons indemnes
Hyperplasie puis fibrose des glomrules Fibrose interstitielle rnale
Elle est accompagne dÕune suractivation locale du systme rnine-angiotensine (SRA).
Elle est dfinie par une diminution du dbit de filtration glomrulaire (DFG) ou clairance de la cratinine. Le seuil admis est< 60 ml/minute
Le dosage de la cratinine plasmatique apprcie mal son importance (ge, masse musculaire rduiteÉ). Elle mieux apprci par la formule de Cockroft et Gault qui sÕest impose :
Clairance de la cratinine = (140
– ge) x poids x K / Cratinine en µmol/l
La valeur de K est de 1,03 pour les femmes et de 1,23 pour les hommes. Il faut savoir que cette formule ses limites, comme, par exemple, une femme de 70 ans, pesant 50 Kg avec une cratinine 70µmol/l, cela donne mathmatiquement une clairance de 52 ml/mn !
Les calculs permettent de dfinir des seuils dÕIRC :
IRC modre <60 ml/mn
IRC svre <30 ml/mn
IRC prterminale <15 ml/mn
Pour ces raisons, lÕquation MDRD (Modification of the Diet in Renal Disease), propose par Levvey en 2000, est prfre de nos jours. Elle est plus rcente (2003) et a t valide partir de 1500 observations cliniques. Elle possde une meilleure fiabilit pour les faibles poids et les patients gs. Elle permet en outre une adaptation en fonction du sexe et de lÕorigine ethnique (x 1,21 pour les patients Africains/Antillais/Afro-amricains).
Elle est disponible sous forme de tableau, de calculateurs et est tlchargeable sur Internet (http://www.paris-nord-sftg.com/outils.cockroft.0212.php3).
tiologie |
Frquence (%) |
Nphropathies vasculaires (HTA, athrome ± distal) |
24 |
Nphropathie diabtique |
18 |
Maladies glomrulaires (Maladie de Berger, HSF, connectivites et vascularites, GEM, amyloseÉ) |
25 |
Nphrites interstitielles 11% (uropathies, squelles infectieuses, toxicit chronique) |
11 |
Polykystose rnale |
9 |
Autres /mal identifies |
23 |
Le dlai entre lÕapparition de lÕIRC et le stade terminal ncessitant la dialyse est variable en fonction de lÕtiologie :
Les populations cibles pour un dpistage prcoce sont :
Le marqueur le plus prcoce mais inconstant est lÕalbuminurie. Elle peut apparaitre plusieurs mois et annes avant lÕapparition de marqueur de dgts constitus plus ou moins irrversibles comme lÕlvation de la cratinine plasmatique.
LÕvolution naturelle de la fibrose rnale et du vieillissement rnal est lie des facteurs de susceptibilit gntique et ethnique.
La rduction nphronique peut tre la consquence dÕune nphrectomie, de cicatrices dÕuropathie, dÕinfections, de thrombose, de calcul ou de traumatisme.
Par ailleurs, il peut sÕagir de prendre en considration
Seule la prise en charge globale de tous ces facteurs permet parfois de stopper mais souvent de limiter la progression de lÕIRC, cÕest la nphroprotectionÉ.
LÕHTA affecte plus de 75 % des insuffisants rnaux chroniques mais moins de 25 % des patients sont normaliss.
Il faut savoir que le traitement de lÕHTA est toujours efficace en nphroprotection et ceci quelque soit la nphropathie causale. LÕeffet initial des mdicaments passe par une baisse de la pression intraglomrulaire. Cependant, des adaptations de doses sont indispensables pour les btabloquants et les inhibiteurs calciques bradycardisants (vrapamil et diltiazem). Enfin, ces HTA sont dpendantes du sodium ce qui explique lÕintrt des diurtiques de lÕanse seule classe utile en de de 30 ml/mn.
Les valeurs optimales sont de 140/70 mmHg et plus stricte chez les diabtiques, 130/65 mmHg. Pour atteindre ce but, une plurithrapie est ncessaire le plus souvent.
LÕobjectif du blocage du SAR est de lutter contre lÕhyperactivation chronique du systme rnine- angiotensine-aldostrone qui favorise lÕapparition et la progression de la fibrose rnale.
Le blocage du SRAA peut tre obtenu par plusieurs classes thrapeutiques : ARA II, IEC, inhibiteur de la rnine et par la spironolactone. Des adaptations de doses et des contraintes dÕutilisation du fait de lÕIRC sont frquentes.
LÕinhibition du SRAA est dÕautant plus efficace que la protinurie est leve >> 1 g/j (sauf diabte) et que la fonction rnale est peu altre > 30 ml/mn, dÕo lÕintrt dÕune prescription prcoce dans lÕvolution de la maladieÉ
Pour cela, il faut dbuter le traitement chez un malade stable distance de toute modification de diurtiques. La dose initiale doit tre adapte la clairance de la cratinine, < 60 ml/mn = demi dose, < 30 ml/mn = 1/4 dose.
Il implique un contrle biologique (kalimie et cratinine) dans le mois suivant toute modification et pas de co-prescription dÕAINS.
Le patient doit tre Ç duqu È arrter le traitement en situation de dshydratation.
Ce sont :
Il faut savoir reprer les situations risque :
Dans ce cas la conduite tenir est :
Il faut peser les rapports bnfices /risques de lÕexamen radiologique (alternative ?). Dans tous les cas, cela implique :
Les IRM avec injections ne sont pas recommandes.
Il lui faut comprendre que lÕIRC, ne fait pas mal et ne donne aucun symptme pas mme dÕasthnie, quÕelle ne modifie pas la quantit ni le rythme des mictions et quÕelle sÕaccompagne (gnralement) dÕune HTA quÕil faut absolument matriser mais qui elle aussi est silencieuse
Il lui faut assimiler que les examens morphologiques sont normaux et que pour amliorer des anomalies biologiques, avant quÕelles ne soient dangereuse, s il faut un rgime assidu et que seul un simple dosage sanguin en fait le diagnostic et la gravit : la cratinine plasmatique !
Il est prfrable que plusieurs mois ou annes lÕavance, le malade doit :
Il comprend lÕapprentissage de la maladie, de ses risques volutifs et de la gestion des situations risque dÕaggravation. Il doit devenir acteur de la nphroprotection !
La prparation psychologique et mdicale la dialyse (pargne veineuse) est aussi trs importante.
CÕest lÕannonciateur de mauvaises nouvelles, dÕautant plus quÕelles ont un caractre inattendu (asymptomatique)É
Il est le dtenteur dÕun savoir mdical suprieur (expert).
De ce fait cÕest une autorit qui peut rejeter (catgoriquement !É) ou augmenter considrablement certains traitements voire interdire certaines procdures (angiographies, chirurgieÉ)
Enfin cÕest le dtenteur dÕun pouvoir spcifique de contrle de lÕinsuffisance rnale chronique donc de vie ou de mort sur les reinsÉ.
CÕest un partenaire mdical de la prise en charge du patient mais qui garde sur lui une vision globale et se situe sur une perspective court/moyen/long terme. De ce fait, il est
Elle est la consquence dÕune part de la rduction de la dure de vie des hmaties et dÕautre part de la carence en EPO. Cette dernire est un diagnostic dÕlimination en dessous de 30 ml/mn car il nÕexiste pas de dosage plasmatique fiable de lÕEPO
La carence martiale est frquente et souvent sous estime (ferritine >>50 ng/ml). Son traitement est rendu difficile par la mauvaise absorption et tolrance du fer par voie orale, dÕo le recours la voie IV.
Elle a plusieurs causes
Alimentaire +++ et variable dÕun patient lÕautre
Mdicamenteuse (mdicaments du SRA, btabloquantsÉ)
Sa prise en charge comprend :
Elle est variable en fonction de la nphropathie et de lÕtat cardiaque.
Elle peut tre prcoce voire mme prcder lÕIRC en prsence dÕune protinurie et dÕun syndrome nphrotique, en particulier chez le diabtique.
Quelle quÕen soit le mcanisme, elle ncessite une restriction sode ET hydrique. Dans ce cas, seuls les diurtiques de lÕanse sont efficaces doses croissantes (furosmide (Lasilixª) 40 750 mg/j ou bumtamide (Burinexª) 1 15 mg/j.
La dermatose de lÕIRC se caractrise par une scheresse cutane aggrave par lÕge, lÕexistence dÕun prurit facile pouvant dboucher sur une eczmatisation. Elle est aggrave par lÕhyperphosphormie au del de 2 mmol/l
Son origine peut tre alimentaire.
Les chlateurs base de calcium (actate et carbonate de calcium), base de mtal (carbonate de lanthane) et sans mtal ni calcium (chlorhydrate et carbonate de sevelamer) ont une efficacit variable. Les sels dÕaluminium ont t limins de la prescription en raison dÕaccumulations tissulaires provoquant une encphalopathie potentiellement svre
Une anurie ou oligurie < 500 ml/j
LÕabsence dÕlimination du potassium et du phosphore
Une acidose chronique
Une hyperparathyrodie secondaire et ses consquences
Une augmentation du catabolisme (> anabolisme) responsable dÕune sarcopnie et dÕune perte de poids
Une anmie par carence en EPO et fer
Une HTA et ses consquences cardiovasculaires
LÕimpact sur les maladies associes (ge, diabte, athrome, cancerÉ)
La discussion se fait au cas par cas en fonction de la biologie et des symptmes.
Plus rarement en prsence de symptmes tardifs dÕurmie terminale :
Ce passage ncessite une prparation plusieurs mois lÕavance
Elle ncessite une voie dÕabord veineuse permanente (forts dbits > 300 ml/mn).
CÕest 3 sances de 4 heures par semaine (horaires et jours fixes) en centre ± gr par le patient si autonome (autodialyse).
CÕest une anurie rapide qui implique un contrle strict des boissons.
CÕest une tolrance variable des sances (hypotension) selon de la prise de poids entre deux et de lÕtat cardiovasculaire
CÕest une surveillance intgre aux gnrateurs des constantes et de la volmie permettant des adaptations prventives
Exprience limite mais satisfaisante de la dialyse Ç quotidienne È (2 heures X 6/semaine)
CÕest le vritable Ç cordon ombilical vital È du patientÉ
Elle est ralise sous AG et consiste en une anastomose directe veine-artre au niveau du bras non dominant (capital veineux prserv). Cela prend de 1 3 mois pour que la fistule soit fonctionnelle.
Une double ponction est faite chaque dialyse.
Le risque infectieux reste limit.
Elle est prserver, en vitant les ponctions rptes au mme site, en surveillant lÕaspect (taille, duret, inflammation) et le comportement (pression veineuse, saignement). La surveillance para clinique comporte un doppler voire une fistulographie ± dilatation si stnose.
Il est pos en urgence pour moins dÕun mois, idalement en jugulaire interne (ranimation) ou fmoral transitoire.
Il est idal pour le long cours. Il est pos au bloc ou salle de KT.
Il existe un risque infectieux et de thrombose.
CÕest 10% des dialyses, en France mais beaucoup plus dans les pays anglo-saxons.
Elle est ralise au domicile du patient form ou avec des soins par des infirmires librales formes.
Son principe est bas sur les changes entre le rseau capillaire pritonal et un liquide renouvel priodiquement, au moyen dÕun cathter implant et tunnelis proche de lÕombilic.
CÕest une technique continue quotidienne adapte au patient : 1,5 2 litres de liquide changs 3 4 fois par jour. Le liquide hypertonique est utilis pour une soustraction volmique et viter la surcharge.
Le suivi mdical et infirmier est assur par une quipe nphrologique spcialise mdicale et soignante.
CÕest une discussion au cas par cas dans les situations problmatiques, comme :
La dcision implique une comprhension, une adhsion et un accord du patient et/ou de son entourage.
Les contre-indications sont limites
á de la dialyse pritonale : surcharge hydrosode majeure, abdomen polyopr, Insuffisance respiratoire svre, grande obsit
á De lÕhmodialyse : pas de voie dÕabord veineuse utilisable, troubles du comportement, hypotension artrielle/intolrance la dpltion hydrosode rapide
Enfin, cÕest une prparation plusieurs mois lÕavance++++
Les contraintes alimentaires sont :
Les restrictions dÕutilisation de nombreux mdicaments (IRCT et autres maladies)
Une surveillance et risques lis lÕabord veineux/cathter
3 demi-journes bloques par semaine ou technique domicile permanente faisant Ç entrer la maladie la maison È
Dplacements et voyages difficiles et la ncessit dÕune rservation dÕune place en centre en cas de sjour de vacances
La livraison des poches de dialyse sur le lieu de vacances
La prise en charge est 100% au titre dÕune ALD. LÕIRC peut dboucher sur une invalidit.
Un dossier administratif pour les vacances est ncessaire. Les CPAM ne prennent en charge que 2 mois par an maximum lÕtranger rembourss par lÕAssurance maladie.
La reprise dÕun travail peut tre difficile : temps partiel, dplacements, pnibilit. LÕisolement social est un facteur aggravant (nutrition/dpression).
Difficults de SSR et dÕHEPAD en cas de besoin : facturation/transport et absence de formation des soignants
Ncessit dÕun suivi social de proximit
LÕIndication est discuter au cas par cas avec lÕquipe de transplantation.
Il nÕexiste que peu de contrindications : cancer volutif, ge (70 ou plus), diabte multicompliqu, affection neuro/psy svreÉ
Elle implique une prparation exhaustive conjointe la dialyse pour limiter le temps dÕattente (18 50 mois)
Actuellement, plus de 90% de greffons restent fonctionnels 10 ans du fait des progrs des immunosuppresseurs et des protocoles initiaux post-transplantation.
Le suivi de proximit est assur par lÕquipe nphrologique initiale.
Les risques long terme sont, le retour en dialyse, les cancers secondaires aux immunosuppresseurs et lÕathrome.
Maladie chronique irrversible mais sournoise et asymptomatique mme un stade avanc
Rle du mdecin gnraliste, tape cl et prcoce :
Une ducation des patients ncessaire en raison
Le ncessaire suivi rapproch et attentif des insuffisants rnaux gs et polypathologiques chez qui la dialyse peut constituer une agression supplmentaire