EPU95
– Montmorency
Urologie
et Néphrologie
Mise à jour du 13
Mai 2007*
Le risque rénal en pratique courante
Docteur JJ. Montsenty
Chef
du service de Néphrologie-Dialyse du CH de Pontoise
Vice-Président
du RNVO (réseau des néphrologues du Val d'Oise)
Séance
de Janvier 2005
1.
Définition du Risque rénal
Le Risque est absolu lorsqu’il existe une néphropathie anatomique entraînant une
insuffisance rénale chronique (IRC)
4
IRC fixée et ± irréversible
Le Risque est relatif lorsqu’il existe seulement des anomalies biologiques (protéinurie,
microalbuminurie)
4
IRC réversibles et / ou contrôlables
2.
l’Irc : un enjeu de SANTÉ publique
Fréquente touchant 5 à 7 % de la
population (2 à 3 Millions en France),
En augmentation régulière,
-
nécessitant une dialyse chronique :
-
chez 75 000 patients
-
à coût unitaire de 90 000 € / an / malade
-
représentant un coût global de 1 % du
budget de l’assurance maladie
Éviter ou retarder efficacement la
progression de l’IRC constitue un objectif majeur pour les 10 prochaines
années
3.
ÉPIDÉMIOLOGIE et histoire naturelle des
maladies rénales chroniques
Les maladies rénales chroniques ont été
classées en fonction de l’étiologie et de l’anatomo-pathologie qui sont
regroupées dans le tableau ci-dessous donnant un aperçu de leur fréquence
et du risque d’évolution vers une insuffisance rénale chronique sévère.
Classement
des Néphropathies Chroniques
|
%
|
Evolution vers l’IRC
|
Néphropathies
vasculaires
HTA –
Néphroangiosclérose – athérome ± distal
|
24 %
|
en 10 à 15 ans
|
Néphropathie
diabétique
|
18 %
|
5 ans
|
Maladies glomérulaires
Berger, HF, vascularites,
GEM, amylose…
|
25 %
|
2 à 5 ans
|
Néphrites
interstitielles
Uropathies, toxicité
chronique
|
11 %
|
10 à 20 ans
|
Polykystose rénale
|
9 %
|
15 à 20 ans
|
Autres maladies
identifiées
|
13 %
|
|
4.
L’insuffisance rénale
4.1. Le risque rénal absolu est l’insuffisance rénale
chronique (IRC)
-
Elle est une maladie rénale chronique et
irréversible
-
Avec des lésions de fibrose destructrice
-
De nombreuses affections causales peuvent avoir
régressé
-
Alors que l’IRC installée a une tendance
spontanée à s’auto-aggraver par trois phases successives :
-
L’hyperfiltration des néphrons indemnes
-
L’hyperplasie puis la fibrose des glomérules
-
La fibrose interstitielle rénale
-
L’IRC est définie par une diminution de la
filtration glomérulaire (DFG) ou de la clairance de la créatinine < 60
ml / minute
4.2. Hyalinose segmentaire et focale (HSF)
Tous les glomérules ne sont pas fibrosés en même temps. Quand
une partie des glomérules est fibrosée, cela entraîne une protéinurie. La
HSF est une fibrose extensive non spécifique. C’est une réponse du rein
à l’agression.
La Hyalinose Segmentaire Fibreuse est une réponse
fibreuse à l’agression glomérulaire
4.3. Le Syndrome « X » métabolique
Le syndrome « X » métabolique
est une entité clinique et biologique reconnue, associant :
-
une surcharge pondérale à répartition androïde
(T / H >1)
-
une intolérance glucidique voire diabète de
type II
-
une HTA
-
une hyperlipidémie mixte et hyperuricémie
Avec des anomalies fonctionnelles
caractérisées par :
un hyperinsulinisme lié à une résistance
à l’insuline
-
une hyperfiltration glomérulaire
-
un syndrome d’apnée du sommeil
-
et des anomalies morphologiques : gros
cœur, gros reins voire HSF / protéinurie
4.4. Le risque rénal relatif se situe avant
l’insuffisance rénale chronique
Il est à rechercher parmi les
« populations cibles » présentant des FACTEURS DE RISQUE
-
Hypertension
-
Diabète
-
Athérome
-
Syndrome X
Sujets à passé urologique (chirurgie,
néphrectomie…)
Le marqueur est la protéinurie
(albumine, micro-albumine). Elle apparaît plusieurs mois et années avant la
survenue de l’IRC, période durant laquelle la clairance reste supérieure à
60 ml / mn
4.5. Pourquoi l’albuminurie est-elle corrélée au risque
rénal ?
Les lésions glomérulaires associées à
l’albuminurie sont liées à un mauvais pronostic rénal :
-
Diabète = 5 à 7 ans avant la dialyse
-
HTA et athérome ainsi que toute néphropathie
avec lésions fibreuses glomérulaires = 10 ans
L’hyperfiltration des glomérules
indemnes est liée à l’activation du Système rénine-angiotensine facteur de
fibrose glomérulaire, vasculaire et interstitielle à long terme
La phagocytose de grandes quantités
d’albumine altère les tubes et favorise la fibrose interstitielle
4.5.1. La microalbuminurie physiologique :
-
La membrane glomérulaire est un filtre chargé
négativement qui « repousse » les molécules d’albumine
-
Une faible quantité d’albumine phagocytée par
les tubes arrive à passer (100 à 300mg par jour) ; il n’en reste que
des traces dans l’urine définitive moins de 30mg / 24 heures
-
La microalbuminurie physiologique se situe
entre 0 et 30 mg / 24h
4.5.2. La protéinurie pathologique
La survenue d’anomalies biochimiques et
ultrastructurelles de la membrane glomérulaire conduisent à une albuminurie
pathologique
-
microalbuminurie de 30mg à 100mg / 24h
-
protéinurie au delà de 100 mg / 24h (jusqu’à
plus de 10 g)
Causes
-
Néphropathies glomérulaires primitives
-
Néphropathie diabétique avec une hyalinose
segmentaire et focale (non spécifique).
-
Dans les néphropathies primitives :
o La protéinurie est présente lors du diagnostic ou en cas de poussée
évolutive :
o Elle est stable dans le temps,
o Une régression partielle est obtenue sous le traitement spécifique
o Une progression évoque une hyalinose secondaire
-
Dans les néphropathies
« secondaires » (diabétique, vasculaires, uropathies, hyalinose),
l’albuminurie est progressive « micro » d’abord, puis
« macro » devenant détectable à la bandelette
4.6. Protéinurie, albuminurie, microalbuminurie :
quel dosage ?
4.6.1 Le choix dépend de ce que l’on recherche
La bandelette urinaire détecte
l’albuminurie seulement au delà de 100 à 200 mg / l (selon le fabriquant)
La protéinurie des 24 heures dose de
façon non spécifique toutes les formes de protéines supérieures à 100 mg /
l), l’électrophorèse faisant ensuite le détail (albumine) ; mais elle
passe à côté de la microalbuminurie
Le recherche de microalbuminurie dose
l’albumine même physiologique non détectable par la bandelette et la
protéinurie classique entre 30 et 100 mg / l
4.6.2. Quel examen demander et quand ?
Le dépistage de l’albuminurie concerne la
« population cible » à risque rénal :
-
Hypertendus et/ou diabétiques et/ou
polyvasculaires
-
ATCD urologiques lourds et/ou de néphrectomie
Bandelette
|
Attitude pratique
|
Négative
|
Dosage de la microalbuminurie
|
Positive
|
Dosage de la protéinurie / 24h et
l’électrophorèse si protéinurie > 1 g
|
Non disponible
|
Dosage de la microalbuminurie
|
La surveillance sera annuelle pour juger
de l’évolution. La progression de micro à la macroalbuminémie est un signal
d’alerte.
En cas de suspicion de néphropathie
primitive : insuffisance rénale, œdèmes et/ou HTA rapides
-
bandelette urinaire (albumine, hématies,
leucocytes)
-
bandelette non disponible, demander un ECBU et
une protéinurie
5.
Comment ÉVITER la survenue de l’IRC ?
5.1. Les moyens
En agissant sur les anomalies physiologiques
accessibles à un traitement :
-
Hyperfiltration
-
Activation du système rénine-angiotensine (SRA)
En agissant sur les anomalies
bio-cliniques associées :
-
HTA
-
diabète sucré
-
surpoids et dyslipidémies (syndrome X)
-
Les objectifs thérapeutiques visent une néphroprotection
la meilleure possible :
-
Un abaissement tensionnel : PA< 140 /
70 mmHg (difficile à obtenir chez les patients asymptomatiques)
-
Contrôle du diabète, du poids et des lipides
(statines)
-
Le blocage du SRA
5.2. Intérêt du blocage du SRA dans la néphroprotection
Efficacité des deux grandes classes
thérapeutiques :
-
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
-
Anti-angiotensine II (AAII)
Les effets favorables du blocage du SRA
tant chez l’animal que l’homme se manifestent par
-
une progression ralentie de l’IRC, comme de la
protéinurie avant l’existence d’une IRC (si la protéinurie est < 1g,, la
dégradation rénale sera moins rapide)
-
un passage plus tardif de la micro à la macro
albuminurie
-
la régression de la microalbuminurie
Les affections concernées par ce
traitement sont :
-
la néphropathie diabétique à tous les stades
-
les néphropathies tout venantes
-
tout patient présentant une micro-albuminurie
5.
Conclusions
· Les hypertendus, les diabétiques, les vasculaires sont des patients
à haut risque rénal
· Le premier signe à dépister avant l’apparition d’une IRC est la
micro / macro-albuminurie
· La micro-albuminurie est
· Le marqueur d’agression et de fibrose rénale
· La cible du traitement et du suivi
· Il faut traiter au mieux les « facteurs de risque
rénal » : HTA, diabète, dyslipidémie
· La découverte d’une microlbuminurie pathologique supérieure à 30 mg
/ 24h est une indication spécifique de l’emploi des inhibiteurs de l’enzyme
de conversion ou de l’antiangiotensine II.
6.
Cas clinique
M. D. 50 ans
Protéinurie à la bandelette en médecine
du travail
Antécédents :
· DNID familial traité depuis 8 ans par sulfamide, surcharge
pondérale 90kg/1,75m
· HTA depuis 7 ans traitée par bêtabloquant
1ère consultation :
· TA 160 / 90, FC 75 / mn,
· Examen normal
· bilan biologique : créatinine plasmatique 120µmol/l,
(clairance 83ml/mn) K 4mmol/l, uricémie 480µmol/l
· microalbuminurie 250mg / 24 heures
· ECG : HVG limite, petits signes de surcharge ventriculaire gauche
De quelle(s)
néphropathie(s) est atteint Mr D ?
Par quels examens simples peut-on éliminer
d’autres maladies rénales ?
Quels sont les grands axes de la prise
en charge de sa maladie rénale :
Médicaments
mesures
diététiques
explorations
biologiques
Réponses :
Il existe peut-être
· des lésions de néphropathies diabétiques débutantes
· des lésions vasculaires car l’HTA n’est pas équilibrée
· des lésions de fibroses liées au syndrome X
On demandera
· ECBU à la recherche d’une leucocyturie ou d’une hématurie pour
éliminer une néphropathie primitive (la leucocyturie ou l’hématurie
n’existent pas dans la fibrose)
· une échographie rénale pour éliminer toute malformation ou toute
affection détruisant le tissu rénal dans le cadre d’une néphropathie connue
Les médicaments :
· traiter l’HTA en choisissant un traitement antiprotéinurique. Ici
les IEC seront éliminés car ils majorent l’uricémie qui est déjà un peu
augmentée ; on préfèrera donc un AA-II
· traiter l’hyperlipidémie, s’il y en a une ; on demandera donc
un bilan lipidique et on préfèrera une statine qui bloque le système
rénine-angiotensine ; les conseils diététiques seront, bien sûr, de
rigueur
|