EPU95 –
Montmorency
Médecine Interne
Mise à jour du 10 Mai
2007* 

Conduite à tenir
devant une adénopathie
Pr. E. Pujade-Lauraine
Chef de service
d’Hématologie (Hôpital Hôtel Dieu Paris)
Séance du 5 juin
2003
La démarche diagnostique d’une adénopathie est
essentiellement clinique et doit être méthodique.
1. RAPPEL
CONCERNANT LES AIRES GANGLIONNAIRES
La clinique ne permet d’aborder que les aires
superficielles, celles qui se trouvent en périphérie. Pour l’étude des
aires profondes, il faut avoir recours à des examens paracliniques.
Comme il existe une corrélation fréquente entre
l’atteinte des deux réseaux, c’est souvent à l’occasion d’une découverte
d’un ganglion périphérique par le patient lui-même ou lors d’un examen par
le médecin que se pose le problème diagnostic d’une adénopathie.
L’exploration correcte des différentes aires
ganglionnaires périphériques nécessite que le patient soit placé en
différentes positions par rapport à l’examinateur et elle doit être
méthodique :
4
Le creux axillaire doit être exploré le patient en
position debout, position qui permet un bon examen de son sommet (avec les
doigts crochus).
4
Pour les aires sus-claviculaires et cervicales
basses, l’examinateur se place derrière le patient qui est assis.
4
Pour les aires sous maxillaires, l’examinateur se
place derrière la tête du patient qui est allongé.
4
Pour les autres aires périphériques, il se place en
position habituelle devant un patient allongé :
4
Les aires cervicales antérieures, latérales et
postérieures en fonction de leur position par rapport au SCM
4
Les aires inguinales et du Scarpa.
Les
résultats de l’examen sont reportés sur un schéma qui précise la
localisation, le diamètre de chacun des ganglions anormaux, dont l’intérêt
est de permettre un suivi rigoureux.
L’examen
clinique doit comporter l’examen du foie, de la rate, des amygdales qui
peuvent être touchés dans diverses pathologies (lymphomes, …).
2.
DIAGNOSTIC
DIFFÉRENTIEL
Des erreurs
sont possibles car on peut retrouver au niveau de ces aires des masses qui
ne sont pas des ganglions :
4 Lipomes (masses molles) de diagnostic
en règle facile, mais attention aux creux axillaires, en particulier chez
les patients en surcharge pondérale.
4 Kystes (K. branchial du cou …)
4 Anévrismes, classiquement battants
mais pas toujours (cervical, inguinal, …)
4 Hernie inguinale
Quand il
existe un doute, l’échographie peut être utile.
3.
BILAN
CLINIQUE ET PARACLINIQUE
Devant une
adénopathie, la démarche étiologique tient compte :
4 des différents mécanismes
responsables
4 des éléments cliniques d’orientation
4 des éléments paracliniques
d’orientation
4 et de la situation diffuse ou
localisée des adénopathies.
3.1. Les mécanismes de
survenue d’une adénopathie
Il existe 4
grands facteurs d’adénopathie :
4 Un ganglion réactionnel :
infection bactérienne, virale ou parasitaire
4 Certaines infections qui vont donner
des ganglions beaucoup plus inflammatoires et dans lesquelles on trouvera
des cellules géantes épithélioïdes : tuberculose, sarcoïdose
4 Tumeurs malignes des ganglions :
lymphomes, LLC, LAL…
4 Métastases ganglionnaires de tumeurs
malignes autres qu’hématologiques.
La
difficulté est de reconnaître ce qui est bénin ou anodin, de ce qui est
extrêmement grave. La biopsie ganglionnaire n’étant pas toujours anodine,
il faut avant de la proposer établir un faisceau d’arguments qui la
justifie.
3.2. Les éléments cliniques
d’orientation
3.2.1. Les caractères
cliniques du ganglion lui-même
Elles sont à
apprécier :
4 La taille (< à 1 cm, > à 1 cm)
est importante. Le fait de se trouver devant un gros ganglion ne signifie
pas qu’il soit tumoral. Un ganglion inflammatoire dont la porte d’entrée
peut être retrouvée peut l’être tout autant.
4 La consistance : dure d’un
ganglion tumoral, ou simplement ferme d’un ganglion réactionnel
4 Le caractère inflammatoire est à
rechercher. Un ganglion douloureux d’apparition récente est le plus souvent
un ganglion réactionnel bénin.
4 Des signes de compression vasculaire
ou lymphatique sont fortement évocateurs de malignité.
La diffusion
ou non des adénopathies est un élément majeur d’appréciation qui ne
permet pas de séparer ce qui est malin du bénin mais qui permet d’évoquer
des pathologies différentes :
4 Des adénopathies diffuses orientent
vers une affection virale, ou lymphome
4 Des adénopathies localisées vers un
mécanisme réactionnel : infectieux ou tumoral.
La valeur de
la diffusion ou non apparaîtra non pas lors du premier examen mais
ultérieurement avec les examens biologiques simples.
3.2.2. Le contexte clinique
de découverte
4 L’âge : plus l’enfant est jeune
et plus on a de chance d’avoir affaire à une affection virale ou un
Hodgkin.
4 Les antécédents de cancer
4 Le contexte infectieux : les
ganglions d’origine virale surviennent souvent après un épisode fébrile.
Les signes infectieux peuvent avoir disparu et les ganglions peuvent
persister plusieurs semaines voir des mois.
La variable
temps est à prendre en compte bien qu’elle ne soit pas toujours
appréciable.
Le patient
peut avoir mis des semaines voir des mois et même des années avant de venir
consulter.
Une longue
évolution dans le temps sans autre signe clinique (lymphome ou autre
pathologie).
3.2.3. Les examens
paracliniques d’orientation
Après avoir
rassemblé les éléments d’orientation clinique, le recours à des examens
paracliniques va être utile, tout en sachant en être économe :
Parmi les
examens biologiques :
4 L’examen essentiel est l’hémogramme
4 La C-Réactive protéine (CRP) pour
savoir si l’on est dans un contexte d’inflammation
4 Quelques sérologies : dont la
plus importante est le HIV, mais aussi
Toxoplasmose, MNI, et si contexte griffe du chat, …
La recherche
d’adénopathies profondes n’est pas systématique. Elle n’est à envisager que
dans certains contextes (cf. plus loin). Elle a recours au scanner
thoraco-abdomino-pelvien qui permet d’étudier les ganglions médiastinaux et
lomboaortiques.
3.2.4. Les examens
histologiques
La cytologie
du ganglion permet dans des situations difficiles d’orienter le diagnostic.
Quand doit-elle être faite ?
Il faut
savoir que l’interprétation de la cytologie n’est pas toujours
facile entre une pathologie réactionnelle et un lymphome de faible
malignité cellulaire.
Cet examen
est intéressant lors de l’apparition d’une adénopathie dans un contexte
d’antécédent de cancer pour établir le diagnostic de rechute.
La biopsie
ganglionnaire peut entraîner des séquelles esthétiques quand elle porte sur
la zone cervicale ou sus-claviculaire, d’œdème lymphatique si elle est
axillaire. Elle n’est justifiée que si le diagnostic de malignité est
envisagé
Une variable
auquel est soumis le médecin est l’angoisse du patient. Si on n’arrive pas
à calmer cette angoisse, et si l’on pense que l’origine soit virale ou
infectieuse alors que les antibiotiques n’ont pas réussi à faire
disparaître l’adénopathie, la pression peut être forte sur le médecin de
faire pratiquer une biopsie.
Le recours
au spécialiste permet de limiter le nombre de séquelles en évitant des
biopsies inutiles.
4.
DIAGNOSTIC
4.1. Situations avec
adénopathies diffuses
Devant les
adénopathies diffuses, on reste encore dans l’incertitude : est-ce
infectieux ou tumoral ?
On doit se
poser un certain nombre de questions, sur le plan clinique :
4 L’atteinte ganglionnaire est-elle
symétrique ?
4 Existe t-il une hépatosplénomégalie
en faveur d’une atteinte tumorale ?
4 Quel est le contexte :
manifestations générales (fièvre, …) ?
Pour aller
plus loin, on va s’appuyer sur l’hémogramme et les sérologies.
4.1.1. Une
hyperlymphocytose
L’hyperlymphocytose
est définie par un taux de lymphocyte > à 5 000/mm3 chez l’adulte, >
à 8 000 chez l’enfant (à calculer sur le taux et non le pourcentage).
Une
hyperlymphocytose isolée chez
l’adulte est essentiellement une hémopathie lymphoïde et notamment une LLC. Cette constatation doit
motiver 2 recherches :
4 Un examen cytologique sur lame des lymphocytes montrant des
lymphocytes de taille variable,
4 Une étude phénotypique des lymphocytes sanguins permettant le diagnostic
de LLC avec un aspect monoclonal typique des immunoglobulines de surface
des lymphocytes B (le plus souvent fait de chaînes légères kappa). Cet
examen est intéressant car il permet de différencier la LLC de la catégorie
des lymphomes (aux caractéristiques ana-path très complexes) et en
particulier des lymphomes leucémiques (c’est-à-dire des lymphomes avec
passage de cellules dans le sang)
4 Ici, la ponction sternale et la
biopsie ganglionnaire ne sont pas ici nécessaires.
4.1.2. Un syndrome
mononucléosique
Il rend
confortable le diagnostic des adénopathies. Il se définit par la présence de cellules mononuclées de
taille inégale et à cytoplasme basophile qui correspondent en fait à des
cellules T (CD8) traduisant une réponse immunitaire à une infection, le
plus souvent virale. Il ne s’agit pas d’un lymphocyte normal et c’est là
que l’on parle « d’inversion de formule » (absence
d’hyperlymphocytose).
4 Dans la mononucléose infectieuse le
MNI test est spécifique.
4 Les autres syndrome
mononucléosiques : toxoplasmose, CMV (hépatite, pancytopénie),
hépatite virale, plus rarement un VIH, une réaction allergique.
4.1.3. En conclusion de ces
formes diffuses
Le
diagnostic des adénopathies diffuses est donc facile si l’hémogramme parle
et si les sérologies sont positives. Il devient plus difficile si
l’hémogramme est normal et les sérologies négatives :
4 Si l’on est dans un contexte viral,
on peut considérer que vraisemblablement les adénopathies trouvent là leur
origine (donc ici la clinique reprend le pas sur les examens surtout si les
ganglions sont petits et fermes).
4 Si les adénopathies sont grosses, on
doit penser au lymphome et faire un scanner. En règle la diffusion des
adénopathies (et splénomégalie) sont plus diffuses dans la LLC que dans les
lymphomes de faible malignité.
Causes principales d’adénopathies diffuses
|
Infectieuses
|
Tumorales
|
Maladies de système
|
VIH primo infection
Mononucléose infectieuse
Rubéole
CMV
Hépatite virale
Syphillis secondaire
Leishmaniose
|
Hodgkin
Lymphome non Hodgkinien
LLC
LAL
|
Sarcoïdose
Lupus érythémateux
Polyarthrite rhumatoïde
Médicaments : hydantoine
|
4.2. Situation avec
adénopathies localisées
Dans cette
situation, le tableau le plus fréquent est celui d’une origine soit infectieuse
soit tumorale locorégionale, d’où la nécessité de bien explorer
cliniquement les tissus dans le territoire de drainage de l’aire
ganglionnaire concernée.
4.2.1. L’approche
diagnostique
Le plus
souvent, il s’agit d’affection curable de diagnostic plutôt facile à
suspecter en raison du terrain, et en raison du profil de
l’adénopathie. On retrouve ici les questions d’ordre clinique que l’on doit
se poser :
4 Existe t-il de la fièvre, des signes
inflammatoires au niveau des ganglions ?
4 Quelle est leur taille, leur
consistance, leur distribution ?
4 Quel est le contexte pouvant orienter
le diagnostic ? Par exemple :
o
La
localisation cervicale et bilatérale de ganglions ronds, petits parfois
sensibles de la mononucléose infectieuse ou de l’infection HIV.
o
La classique
maladie d’Hodgkin est dans au moins 1/3 des cas très monomorphe
(adénopathie cervicale droite avec des adénopathies latéro-trachéales
droites chez un sujet jeune).
Le
diagnostic d’une adénopathie localisée dépend le plus souvent de l’examen
de la zone de drainage :
4 Au niveau cervical : le cuir
chevelu, l’examen ORL est le plus délicat, et il ne faut pas oublier la
thyroïde
4 Au niveau axillaire : le membre
supérieur, et le sein
4 Au niveau inguinal : le membre
inférieur, les organes génitaux et l’anus
4 Au niveau sus-claviculaire et
médiastin : les bronches et tout l’étage sous diaphragmatique
4.2.2. Le recours au
spécialiste
Il est
parfois nécessaire : pour un examen ORL approfondi devant une
adénopathie cervicale ; devant un ganglion inguinal non expliqué,
recours au gynécologue et/ou au gastro-entérologue pour un examen à
l’anuscope de la région anale.
4.2.3. Le recours à
l’imagerie
Quand la
cause n’est pas évidente et si un doute persiste concernant une pathologie
maligne, on peut s’appuyer sur l’imagerie :
4 La radio du thorax n’est pas un examen qui permet d’explorer les aires ganglionnaires
médiastinales mais peut être très évocatrice d’une maladie d’Hodgkin avec
sa grosse adénopathie latéro-trachéale droite.
4 Le scanner thoracique ne permet de voir que des adénopathies déjà d’un certain
volume. Si dans le Hodgkin la
localisation ganglionnaire est très suggestive, dans le lymphome la
disposition est très polymorphe
4 Le scanner abdominal va rechercher des adénopathies lombo-aortiques. Dans les lymphomes
de faible malignité, l’aorte peut être entourée d’une masse ganglionnaire.
4 Le Pet-scan
utilise du glucose fluoré se fixant préférentiellement au niveau des
ganglions et de la rate.
o
Il n’a
pas d’intérêt diagnostic car il ne permet pas de différencier entre
bénignité et malignité.
o
Il a
par contre un intérêt majeur devant une adénopathie tumorale confirmée à la
biopsie et sans primitif retrouvé aux examens classiques.
o
Il a un
intérêt dans le suivi après chimiothérapie pour savoir s’il reste des
ganglions atteints.
4.2.4. En conclusion
Devant une
adénopathie localisée, sur le plan pratique :
4 C’est très facile quand on a une
cause infectieuse et que les ganglions cèdent en quelques jours ou semaines
sous traitement.
4 Parfois, malgré tous les traitements
et la négativité de tous les examens dont l’imagerie, sa persistance
justifie que l’adénopathie soit biopsiée.
Causes
principales des adénopathies localisées et leur zone de drainage
|
Infectieuses ou tumorales locorégionales
|
Tumorale primitive
|
Maladies infectieuses générales
|
La cause est très souvent
découverte par un examen soigneux des zones de drainage
|
Lymphome non Hodgkinien
Hodgkin
|
Mononucléose
Rubéole
Toxoplasmose
Tuberculose
Griffe du chat (axillaire)
|
5.
QUELQUES
QUESTIONS POSEES
La ponction d’un ganglion
dans le territoire de drainage, lors de la découverte d’un cancer, est-elle
suffisante ?
En règle,
lorsqu’un cancer apparaît et qu’il existe un ganglion dans son territoire,
la ponction ganglionnaire est le moyen habituel de confirmation du
diagnostic.
Lorsque vous
avez un ganglion régional et que vous n’avez aucun élément d’orientation,
la ponction peut avoir un intérêt si elle revient positive. Mais le
problème vient que lorsqu’elle revient négative, elle n’exclut pas une
cause de malignité. Donc dans cette situation, il ne faut pas être trop
rapidement rassuré car il peut s’agir d’un ganglion réactionnel à une
lésion maligne sous jacente.
Devant l’existence de
ganglions rétro-péritonéaux quand il n’y a pas de cancer connu, est-on en
droit de faire une biopsie par voie laparoscopique ?
Si l’on se
trouve devant une adénopathie médiastinale qui ne fait pas sa preuve, le
recours à une biopsie par médiastinoscopie est possible.
Dans le cas difficile où
des adénopathies ne font pas leur preuve, quel ganglion doit-on
prélever ?
On va
privilégier les aires cervicales et sus claviculaires plutôt que les aires
inguinales. Mais quel ganglion prélever ? Parfois un ganglion est plus
ou moins fixé par des phénomènes inflammatoires. Le chirurgien est tenté de
prendre le petit ganglion qui est en périphérie plus facile à enlever.
Devant chaque cas, il faut discuter, mais souvent il vaut mieux faire une
biopsie partielle d’un ganglion difficile à prélever plutôt qu’un petit
ganglion situé en périphérie et qui a plus de chance d’être normal.

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